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Pour citer ce texte : Stéphane Lojkine, « Le Roland furieux de l’Arioste : littérature, illustration, peinture (XVIe-XIXe siècles) », cours donné au département d’histoire de l’art de l'université de Toulouse-Le Mirail, 2003-2006. Le Roland furieux de l’Arioste : littérature, illustration, peinture (XVIe-XIXe siècles)Les gravures scéniques Stéphane Lojkine
Bradamante dans la caverne de Merlin (Roland furieux, Venise, Zatta, 1776, chant 3)
Le type scénique, qui apparaît à la fin du seizième siècle mais ne
se
généralise qu’au dix-huitième, est marqué au contraire du type narratif par une
volonté
d’unification de l’espace de la représentation, qui devient une scène unique,
mais aussi du moment
représenté, un moment sans durée se rapprochant le plus possible de
l’instantanéité qui est le propre du regard et
s’oppose aux moyens de la parole et du texte.
Il est clair que ces trois types, performatif, narratif, scénique, apparaissent successivement dans
l’histoire de
la représentation. Mais une bonne analyse de gravure ne se contentera pas d’assigner à
celle-ci un type unique et définitif. Les
types sont en perpétuel devenir : telle gravure performative de
l’édition Giolito de Ferrari ou Rampazetto développe
déjà au second plan un deuxième
épisode qui tend à narrativiser la représentation. Telle autre gravure de
l’édition Valgrisi
ou Franceschi, de type plutôt narratif, se caractérise par une volonté d’unifier l’espace, par exemple
en hypertrophiant un épisode au détriment des autres et en construisant pour lui une estrade, des marches
qui vont dans le sens d’une
théâtralisation.
Enfin, même au dix-huitième siècle, lorsque
le type scénique s’est
généralisé, le moment représenté apparaît
généralement comme une concentration artificielle de
plusieurs épisodes, de façon que l’imagination
du spectateur, face à une image statique, restitue l’impression du mouvement. Ce moment
artificiel, concentré,
que Lessing appelle « instant
prégnant » constitue certes l’aboutissement du processus de transformation sémiologique initié depuis
la Renaissance. Mais il maintient jusqu’au bout un résidu
de narration dans la
scène, un reste d’hétérogénéité spatiale (ou si l’on
préfère d’espace
multiple) sur le lieu de la représentation.
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