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La peinture du dix-huitième siècle se définit à la fois comme peinture classique et comme peinture en crise. Déployée dans l’Europe des Lumières sous l’égide de l’Académie royale de peinture, elle instaure des normes, des codes de la représentation ; elle ne se compose, s’exécute, se regarde, se critique que dans l’exercice d’un rapport à ce canon.

Suzanne délivrée par Daniel (P Comestor Bible historiale) - Jean Bondol
Figure 1 : Suzanne délivrée par Daniel, enluminure de la Bible historiale de Petrus Comestor, 1372, 7,6x6,9 cm, Meermanno Koninklijke Bibliotheek, La Haye, ms. 10 B 23, fol. 260 v°

C’est toute l’histoire de la peinture occidentale, depuis la généralisation de la perspective linéaire inventée en Italie à l’aube de la Renaissance, qui est convoquée pour fixer, systématiser ce canon autour d’un modèle, d’un dispositif scénique de représentation qui devient a posteriori le dispositif classique.

Toute l’ambiguïté tient à cet effet « après coup » du classicisme : dans l’Italie d’un Michel-Ange et d’un Raphaël, aucune institution ne pouvait prétendre jouer le rôle normatif qu’impose, dans la France du dix-huitième siècle, l’Académie. Venant après coup, mais constituée par les grands créateurs du moment, la norme ne saurait être identifiée à un conservatisme. Il s’agit plutôt d’une rationalisation, de l’intégration d’une pratique en devenir dans un discours immobile.

Suzanne et Daniel - Titien
Figure 2 : Titien, Suzanne et Daniel, vers 1507, huile sur toile, 139x181 cm, Glasgow, Art Gallery and Museum, collection McLellan.

Par elle, donc, le dispositif se fige. Mais la vie de la peinture suit son cours. Au moment où se formalise la scène, elle s’est déjà défaite : le modèle théâtral, nécessairement convoqué par la scène picturale, est en crise et les conventions des genres dramatiques volent en éclats. A la distinction du discours tragique on préfère l’émotion douce et les larmes, exprimées dans la langue ordinaire ou, mieux, par l’éloquence silencieuse de la pantomime. Aux vestibules des palais royaux, où se creusait l’écart entre le parterre des gens ordinaires et les retraites inaccessibles du Pouvoir, on préfère l’intimité bourgeoise du salon, une scène de plain pied avec le spectateur.

Les barrières tombent, l’émotion propage du réel à la représentation, puis de la scène au spectateur, le courant continu des larmes : l’effet théâtral gagne de proche en proche, par contagion.

Une nouvelle économie de la représentation se met alors en place, qui n’est plus fondée sur la différence (entre la nature et la représentation), mais sur cette émotion créée, ce flux qui va et vient du spectateur à la scène, qui le noue à elle. La première conséquence picturale de cette révolution sémiologique est la déconstruction de la notion même de figure : la différence classique était d’abord, dans l’économie interne de la représentation, la différence des figures, la distinction des caractères qui permettait de suppléer aisément les discours. Dans la fusion sensible et le spasme révolté que la peinture insuffle désormais dans l’œil du spectateur, le primat nouveau de la couleur, de la matière des chairs, tendent à abolir le jeu des figures. Le discours de la scène, l’expression rhétorique des passions sont emportés dans la nouvelle contagion commune, colorée et muette.

La crise de la figure ne doit cependant pas être perçue comme l’effondrement de l’édifice classique de la représentation : d’une certaine manière elle lui assure une seconde existence, la déconstruction de la figure constituant le fondement de la nouvelle économie de l’œil révolté. La scène n’est plus donnée d’emblée par la disposition des lieux et la répartition des rôles entre les figures. Dans un dispositif effondré, l’émotion, l’entrelacs sensible où l’œil est précipité, cristallisent dans le moment ce qui va faire scène : la scène advient ou n’advient pas à l’issue d’une cristallisation scopique qui se fait ou ne se fait pas. Le face à face avec la toile devient l’épreuve d’une rencontre, l’œil prend son élan au risque d’une accroche ou au contraire d’une retombée. Toujours cette accroche va contre : résistance du corps ou discours révolté, écart de sens ou de chair, seule la conscience de ce qui grippe la machinerie classique des figures permet cette cristallisation.

La scène joue donc de ces deux économies : advenant par l’œil, par la cristallisation dans le moment, elle se déploie faute de l’autre, faute de cette norme utopique, de ce passé irréel de la scène que le spectateur convoque avec jouissance et nostalgie. Modéliser la scène, la fixer par un schéma, la réduire à une structure[1], c’est répéter le mirage construit par les Lumières. Pour la comprendre, il conviendra plutôt de la saisir dans ce processus anamorphique, comme défiguration d’abord, puis comme cristallisation et révolte, enfin comme nostalgie.

Il faut donc réapprendre à regarder cette peinture des Lumières, dans ce mouvement de la scène qui se fait et se défait. Point de plaisir esthétique sans ce va-et-vient. Pour en approcher au plus près, les Salons de Diderot sont d’une aide précieuse, car lorsqu’il est circonstancié le compte rendu y exprime en détail ce qui demeure généralement dans l’intimité informulée du plaisir solitaire de voir. Nous proposons donc de suivre pas à pas l’un des textes les plus exemplaires des Salons à ce titre, le commentaire de La Chaste Suzanne de Vanloo, au début du Salon de 1765. Non seulement ce commentaire est un modèle du genre, mais le sujet choisi offre à la peinture un dispositif scénique exemplaire.

Rappelons que l’histoire de Suzanne, un épisode apocryphe du livre de Daniel, se déroule durant l’époque dite de la Captivité de Babylone. Suzanne, l’épouse vertueuse du riche Ioakim, est surprise par deux vieillards de ses voisins alors qu’après avoir congédié ses servantes elle se baigne seule dans le Bain installé dans son jardin. Les vieillards la font chanter : si elle ne cède pas à leurs désirs, ils l’accuseront d’adultère et elle sera lapidée, conformément à ce que prescrit la loi juive. Suzanne résiste ; les vieillards l’accusent ; Daniel, encore enfant, intervient alors et en interrogeant séparément les vieillards, il les confond ; le châtiment retombe donc sur les calomniateurs, et les vieillards sont lapidés.

Au moyen âge et au début de la Renaissance, on représente souvent le procès et l’intervention de Daniel, c’est-à-dire le triomphe de la justice et la performance du prophète. Mais lorsque le dispositif scénique se généralise, le moment du chantage des vieillards, l’intimité surprise de Suzanne s’impose et connaît une vogue extraordinaire dans la peinture religieuse, presque disproportionnée si l’on considère que cet épisode apocryphe n’est que très discutablement rattaché au canon des textes constituant la Bible autorisée. Nul doute que la motivation des artistes n’est pas exclusivement religieuse : la scène de Suzanne constitue en quelque sorte un prototype sémiologique et permet l’exploitation optimale des ressources du dispositif scénique classique.

I. Des figures dans un lieu

Le corps de Suzanne

Ce qui définit d’abord une scène peinte, c’est que quelque chose, en elle, est arrêté. La scène arrête une narration : ce faisant, elle renvoie le spectateur à cet enchaînement qu’elle ne peut produire ; mais elle lui indique également qu’il s’agira d’autre chose que de ce qui, par cet arrêt, vient d’être éconduit.

« On voit au centre de la toile la Suzanne assise ; elle vient de sortir du bain. »

Le bain précède la pause. De même, pour l’œil, l’eau du bassin, à la lisière inférieure de la toile, précède la remontée vers les chairs, la tête, la pression des vieillards.

« Placée entre les deux vieillards, elle est penchée vers celui qui est à gauche, et abandonne aux regards de celui qui est à droite son beau bras, ses belles épaules, ses reins, une de ses cuisses, toute sa tête, les trois quarts de ses charmes. »

Placée, penchée, abandonnant… Diderot décrit une disposition, une organisation géométrale : soit, dans un espace donné, celui du bain, trois figures. Il s’agit de les placer, de leur assigner abscisses et ordonnées, de les faire tenir les unes par rapport aux autres. Rien de visuel a priori dans cette ordonnance : la géométrie manipule logiquement des objets, elle abstrait, elle intellectualise l’espace dont elle rend compte ; elle l’aveugle.

Mais la description dérape : « placée entre les deux vieillards », Suzanne est encore à l’équilibre au début de la phrase ; « penchée vers », elle trahit la perturbation d’un clinamen. Enfin, elle « abandonne aux regards », elle défait l’agencement géométral et précipite l’œil vers la cristallisation scopique.

Déséquilibrée, la figure se défait. Suzanne se déploie dans la juxtaposition paradigmatique de ses membres comme un corps désarticulé. Elle n’est plus la chaste Suzanne, figure une placée dans un espace qui lui donne sens, qui fournit en écrin de quoi la décoder ; elle est « son beau bras », non, pas même, mais au haut de ce bras, « ses belles épaules », et l’œil  glisse inexorablement vers la visée du désir, le long du corps vers « ses reins », puis tournant toujours plus près de sa cible, vers « une de ses cuisses »… Le désir s’affole, le regard se désoriente, lutte entre l’attrait et l’interdit, le geste qui porte atteinte et l’envie réprimée. La phrase mime ce débat, reprenant du champ après l’effleurement de la cuisse, se ressaisissant avec « toute sa tête », mais pour aussitôt déclarer forfait, aboutir dans un dernier souffle à l’aveu : « les trois quarts de ses charmes ».

La Chaste Suzanne - Scorodoumov d’après Carle Vanloo
Figure 3 : La Chaste Suzanne, gravure de Skorodumov d’après Carle Vanloo. La peinture exposée au Salon de 1765 se trouve à l’Ermitage. Elle a été enroulée en 1922 et ne peut plus être photographiée. Il s’agit ici de la gravure en contrepartie d’après le dessin de V.-M. Picot, éditée en 1776. Vienne, Albertina

L’aveu ressaisit la figure, restitue au corps son intégralité, même barrée par la coupure sémiotique : trois quarts et un quart, Suzanne se partage entre ce qui en elle est abandonné et ce qui résiste. Par cette coupure elle devient objet de langage :

« Sa tête est renversée ; ses yeux tournés vers le ciel en appellent du secours ; son bras gauche retient les linges qui couvrent le haut de ses cuisses ; sa main droite écarte, repousse le bras gauche du vieillard qui est de ce côté. »

A toute figure correspond un discours, par lequel la dimension visuelle de la chose est à nouveau occultée. Suzanne n’est plus un corps, mais une voix qui appelle le Ciel à son secours. La tête renversée est une tête éloquente, un signe oratoire. Les bras et les mains ne sont plus ces lignes de chair où se précipite et s’électrise l’œil désirant, mais les ponctuations différenciées, balancées, d’un discours muet, mimé : bras gauche et main droite s’opposent ; l’une retient vers la droite, l’autre repousse vers la gauche ; l’une ramène vers l’objet du désir qu’elle barre, l’autre éloigne de l’objet qu’elle nie. L’articulation discursive tue le désir.

L’éloge comme piège pour l’œil

Diderot aura donc rendu compte du corps de Suzanne sous trois formes : forme géométrale, aveugle, du corps disposé ; forme scopique, défigurante, du corps désirable ; forme symbolique, ou figurale, du corps éloquent. La stylisation rhétorique du corps ramène le compte rendu à son modèle originaire, le modèle de l’ekphrasis : décrire, c’est louer.

« La belle figure ! La position en est grande ; son trouble, sa douleur sont fortement exprimés ; elle est dessinée de grand goût ; ce sont des chairs vraies, la plus belle couleur, et tout plein de vérités de nature répandues sur le cou, sur la gorge, aux genoux ; ses jambes, ses cuisses, tous ses membres ondoyants sont on ne saurait mieux placés ; il y a de la grâce sans nuire à la noblesse, de la variété sans aucune affectation de contraste. La partie de la figure qui est dans la demi-teinte est du plus beau faire. Ce linge blanc qui est étendu sur les cuisses reflète admirablement sur les chairs, c’est une masse de clair qui n’en détruit point l’effet : magie difficile qui montre et l’habileté du maître et la vigueur de son coloris. »

L’éloge est d’abord technique, éloge de la composition et du dessin, puis du rendu des chairs et de la couleur. Diderot distribue le compliment entre les deux grandes catégories techniques, qui correspondent aux deux écoles qui se sont affrontées à l’Académie, partisans du dessin, ou poussinistes, et partisans de la couleur, ou rubénistes. Puis il revient aux parties du corps, selon le même procédé d’énumération qui sinue le long des formes féminines, gorge, genoux, linge sur les cuisses, au plus près  du sexe, la visée ultime. L’œil se fixe finalement sur l’éclat aveuglant du linge, écran au sexe en jeu et en même temps fondu en lui puisque, « reflétant admirablement sur les chairs », il installe un continuum de blancheur du vêtement à la chair, de la nudité interdite à la toile qui la recouvre.

L’éloge n’est donc pas une pure redondance du grand, du beau et du bien. Il opère un déplacement, des catégories d’évaluation technique, le dessin et la couleur, vers le piège à désir pour l’œil que constitue l’écran sensible du linge posé sur les cuisses de Suzanne, occultant son sexe et le désignant, se fondant en lui. L’éloge sanctifie la descente de l’œil, installe l’œil dans le bas du corps de Suzanne. Le discours général et abstrait sur l’excellence de l’œuvre, l’exaltation rhétorique, est convertie en cristallisation scopique, qui se fait sur la tache de blanc, tache et enveloppe, écran : l’écran pourtant n’est pas ici cette claustra de bois ou balustrade de pierre qui sépare traditionnellement Suzanne des vieillards ; l’écran n’est pas une frontière entre deux territoires. Le blanc abolit les contours : du dessin à la couleur, de la couleur à la magie du blanc, tout l’édifice de la figuration classique se défait, et l’écran devient l’instrument de cette défection, sorte de paroi trou désignant l’espace d’invisibilité où tend le désir.

Diderot accomplit donc la performance de l’éloge, réitère la pose oratoire millénaire de l’ekphrasis ; mais en même temps, il en dit la limite et la fin, le basculement d’une économie de la parole dans une économie du désir.

La critique comme défiguration

Jusqu’ici, le commentaire s’est focalisé sur Suzanne, le personnage central de la composition ; Diderot s’intéresse maintenant aux deux vieillards : l’éloge de la figure bascule alors en critique et en défiguration.

« Le vieillard qui est à gauche est vu de profil. Il a la jambe gauche fléchie, et de son genou droit il semble presser le dessous de la cuisse de Suzanne. Sa main gauche tire le linge qui couvre les cuisses, et sa main droite invite Suzanne à céder. Ce vieillard a un faux air de Henri IV. Ce caractère de tête est bien choisi, mais il fallait y joindre plus de mouvement, plus d’action, plus de désir, plus d’expression. C’est une figure froide, lourde, et n’offrant qu’un grand vêtement raide, uniforme, sans pli, sous lequel rien ne se dessine : c’est un sac d’où sortent une tête et deux bras. Il faut draper large, sans doute, mais ce n’est pas ainsi.

La caractérisation du vieillard dérape d’emblée : Vanloo n’a pas peint un juge juif corrompu de la Babylone biblique, mais « un faux air de Henri IV » : le Cycle de la Vie de Marie de Médicis peint par Rubens pour le Palais du Luxembourg identifie désormais à Henri IV le profil de l’homme mûr au nez bourbonien, à l’œil pétillant et à la barbe pointue. L’identification est d’autant plus irrépressible que Henri IV, surnommé le vert galant, était connu pour sa passion des femmes jusque dans un âge avancé. Voltaire se fait l’écho dans l’Essai sur les mœurs de la réputation abominable que Bayle, dans le Dictionnaire historique et critique avait donnée de lui[2].

L’arrivée de la Reine à Lyon (Cycle de Marie de Médicis) - Rubens
Figure 4 : Henri IV et Catherine de Médicis accompagnés par Hymen, détail du tableau de Rubens, L’Entrée à Lyon, 1621-1625, huile sur toile, 394x295 cm, Cycle de la vie de Marie de Médicis, Paris, Musée du Louvre

Pour cette raison, Diderot concède, non sans malice, que, paradoxalement, « ce caractère de tête est bien choisi ». Mais la figure se défait aussitôt. Nous assistons ici à l’avortement de la cristallisation scopique. Diderot avait mis en branle le jeu géométral de la figure, la gestuelle de l’action (« jambe gauche fléchie », « genou droit [qui] semble presser le dessous de la cuisse de Suzanne »), le progrès du désir par la « main gauche », puis son expression verbale par la « main droite » accompagnant le discours du chantage.

Mais « il fallait y joindre plus de mouvement, plus d’action, plus de désir, plus d’expression » : les substantifs abstraits reprennent dans le même ordre et caractérisent sur le plan rhétorique ce que les parties du corps avaient indiqué géométralement. Des jambes à la main gauche, on passe du mouvement à l’action et au désir ; de la main gauche à la main droite, du désir à l’expression. L’œil refait donc le même trajet du bas vers le haut, de la gauche vers la droite, du honteux vers l’exhibé, mais sans se fixer, sans rencontrer l’accroche par quoi l’ensemble fera sens et tableau.

Vient le troisième trajet de l’œil, toujours selon le même chemin, mais s’attachant cette fois au vêtement, c’est-à-dire, au plus près de la texture, à ce qui est susceptible d’établir l’accroche, de nouer l’entrelacs du regard. C’est alors que la figure se défait complètement, bascule dans l’informe, l’abjection grossière, monstrueuse, du sac[3]. Le sac est lié à l’imaginaire de l’impuissance : « rien ne se dessine » se comprend en effet comme dissolution des traits, mais aussi comme absence des marques de l’excitation masculine[4] : l’échec de la cristallisation scopique, la défection des figures équivalent à une érection manquée.

L’écriture, la performance oratoire de l’ekphrasis, suppléent alors à ce qui pour l’œil a été manqué. Puisque les gestes des vieillards libidineux se figent et avortent, le geste du spectateur s’y substitue et réenclenche la mécanique du désir :

« L’autre vieillard est debout et vu presque de face. Il a écarté avec sa main gauche tous les voiles qui lui dérobaient la Suzanne de son côté ; il tient encore ces voiles écartés. Sa droite et son bras étendu devant la femme ont le geste menaçant ; c’est aussi l’expression de sa tête. Celui-ci est encore plus froid que l’autre : couvrez le reste de la toile, et cette figure ne vous montrera plus qu’un pharisien qui propose quelque difficulté à Jésus-Christ. »

Il y a dans cette critique du vieillard de gauche un double mouvement : mouvement du vieillard qui dévoile Suzanne, la livre en pâture pour l’œil ; mouvement du spectateur qui couvre la toile, voile Suzanne et, marquant ainsi un temps d’arrêt, réintroduit artificiellement la coupure d’un écran. Voiler, dévoiler : la performance oratoire rétablit pour l’œil la pulsation de ce qui s’exhibe et se soustrait, de ce qui ne se donne à voir que barré, et se donne à voir précisément dans l’essence fondamentale de ce signifié barré qu’est la femme offerte et refusée à la jouissance, livrée, mais « pas toute ». Le spectateur voile virtuellement la toile, au moment où Suzanne est dévoilée et après que le premier vieillard s’est dissous en un sac de toile : tissu sur tissu, l’œil touche et froisse du linge, amalgame matière picturale et peau, chair et figure.

Une fois encore, dans ce glissement, la figure dérape, le vieillard est caractérisé de façon décalée : le « pharisien qui propose quelque difficulté à Jésus-Christ » évoqué par Diderot renvoie immanquablement à la scène évangélique de la femme adultère, véritable actualisation anagogique de la Suzanne du livre de Daniel.

« Or les scribes et les Pharisiens amènent une femme surprise en adultère et, la plaçant au milieu, ils disent à Jésus : “Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Toi donc, que dis-tu ?” Ils disaient cela pour le mettre à l’épreuve, afin d’avoir matière à l’accuser. » (Jean, VIII, 4-6.)

Les vieillards amèneront Suzanne devant Ioakim son mari porteurs de la même accusation et avec le même résultat, de sorte que la parabole des Évangiles apparaît comme sinon la réédition, plutôt la surenchère de l’histoire de Suzanne : Daniel blanchit une Suzanne innocente et injustement accusée ; le Christ pardonne contre la Loi à une femme coupable. Les pharisiens des Évangiles cherchent à mettre le Christ en défaut ; par la femme adultère qu’ils livrent à son jugement, ils comptent mettre en contradiction la Loi et son enseignement. Ils le mettent à l’épreuve, ils lui « proposent une difficulté » : l’expression de Diderot s’adapte parfaitement à ce contexte.

Le vieillard de Vanloo a le bras droit « étendu » vers le centre et l’arrière du tableau. Diderot n’explique pas ce geste qui, comme celui de son acolyte, porte le discours de la figure : désignant l’espace vague, le dehors depuis lequel à tout moment quelqu’un peut surgir et surprendre la jeune femme dans cette posture équivoque, le bras indique à qui sera destinée la calomnie, à l’époux aujourd’hui absent, à la communauté qui s’assemblera pour juger la jeune femme. Mais sorti de son contexte, et projeté dans la scène des Évangiles, ce bras peut tout aussi bien interpeller le Christ occupé à écrire sur le sol, comme on peut le voir, nettement, à gauche dans la composition de Tiepolo sur ce sujet[5], ou, de façon moins caractérisée, dans celle du Poussin[6].

Comme la référence à Henri IV, l’identification du vieillard à un Pharisien de la parabole de la femme adultère détourne du sujet, mais en même temps y ramène et cette fois dans la plus pure tradition de la lecture chrétienne des images : la méditation chrétienne rapporte les histoires de l’Ancien aux paraboles du Nouveau Testament, la pluralité des figures au mystère unique de la foi.

II. La terreur et la norme : économie de la révolte

Reconstruction imaginaire

Après cette cristallisation scopique par procuration, le texte achève son œuvre de reconstruction.

« Plus de chaleur, plus de violence, plus d’emportement dans les vieillards, auraient donné un intérêt prodigieux à cette femme innocente et belle, livrée à la merci de deux vieux scélérats ; elle-même en aurait plus de terreur et d’expression, car tout s’entraîne. Les passions sur la toile s’accordent et se désaccordent comme les couleurs. Il y a dans l’ensemble une harmonie de sentiment comme de tons. Les vieillards plus pressants, le peintre eût senti que la femme devait être plus effrayée, et bientôt ses regards auraient fait au ciel une toute autre instance. »

Sous couvert de prendre du champ, de répéter autrement la scène, Diderot en fait poursuit. Chaleur, violence, emportement : nous ne sommes plus, comme au début du compte rendu, au sortir du bain, dans l’instant de la surprise, mais au cœur du viol, dans l’excitation convulsive des corps pressés. Ce n’est plus une disposition des corps donnée à voir, c’est une pression (« les vieillards plus pressants »), un entraînement (« tout s’entraîne ») : accord, désaccord, harmonie sont convoqués sous prétexte de couleur ; mais Diderot impose dans le même temps la cadence de l’air d’opéra, superposant désordre absolu du désir et ordonnancement musical de la terreur. L’espace devient purement sensible (« le peintre eût senti… »), sans géométralité ni théâtralisation d’un regard. De cette convulsion cadencée, l’issue est un regard, non le regard que nous posons sur l’objet de la scène, mais le regard que la convulsion produit, ce renversement de l’atteinte subie en regard jeté, cette révolte du corps de Suzanne qui, pressée de toutes parts, atteste le ciel, se tourne vers lui.

Détail de la gravure de Skorodumov
Figure 5 : Les mains du vieillard de gauche, détail à droite de la gravure de Skorodumov.

On touche ici à cette économie fondamentalement nouvelle qui se met en place sous l’œil et la plume de Diderot, cette économie de l’œil révolté, qui retourne le « on voit » géométral en un « ça regarde » sensible, qui annule la coupure posée par la scène au profit d’une continuité du toucher, de l’émotion, de la révolte. « Couvrez le reste de la toile » : l’économie de la scène posait et abolissait la séparation entre le spectateur et la composition peinte, donnait à voir et ôtait de la vue. L’écran, avec les répartitions géométrales qu’il institue dans l’espace, se répercutait dans l’écriture du compte rendu : éloge et déception, prestiges de la merveille et effondrement de l’illusion, transposent textuellement cette même oscillation, pulsation du désir phallique.

La voici pourtant remplacée par une autre économie. Tout se joue désormais entre la pression et la résistance des chairs, entre l’entraînement vers le viol et la révolte du corps, le spasme, l’« instance ». L’œil tisse des continuités et porte ce mouvement en avant, cette précipitation destinée à se retourner, à se révolter, œil peau hors discours du corps féminin qui n’est plus l’objet du viol de deux vieux scélérats, mais le prolongement tactile de ce que « le peintre eût senti ».

Dans cette nouvelle économie de l’œil révolté, Diderot reprend au commencement, comme une anodine répétition, la description géométrale de la scène :

« On voit à droite une fabrique en pierre grisâtre ; c’est apparemment un réservoir, un appartement de bain ; sur le devant un canal d’où jaillit vers la droite un petit jet d’eau mesquin, de mauvais goût et qui rompt le silence. Si les vieillards avaient eu tout l’emportement imaginable et la Suzanne toute la terreur analogue, je ne sais si le sifflement, le bruit d’une masse d’eau s’élançant avec force n’aurait pas été un accessoire très vrai. »

« On voit à droite » fait écho à « On voit au centre », par quoi s’ouvrait le compte rendu. Mais il ne s’agit plus de disposer des figures dans un espace réglé par la perspective. « Fabrique » est un mot de peintre, qui désigne toute construction destinée à structurer l’espace de la représentation. La fabrique ici oppresse, écrase les personnages. Diderot y distingue un petit jet d’eau, absent de la gravure, soit négligence du graveur, soit plutôt confusion du philosophe avec l’une des Suzanne qu’il évoquera plus loin par comparaison. Il s’agit de rétablir la majesté du jet : Diderot fait virtuellement coïncider l’emportement des vieillards avec la « masse d’eau s’élançant avec force », de la même façon que dans le réel l’avortement du viol coïncide avec la mesquinerie du petit jet. La métaphore obscène est patente ; elle dit combien le rapport des figures à l’espace a changé : le système différentiel qui opposait le vague d’un espace extra scénique, occupé du réel, à la symbolicité circonscrite de la scène proprement dite est remplacé par un système de contagion, de continuité sensible, où la fabrique rejoue, accompagne, amplifie ce qui, au cœur de l’espace de la représentation, est entré en résonance, a lancé l’influx. Nous avions remarqué, par le biais de la couleur, l’entrée en jeu d’un vocabulaire musical, où l’« accord », l’« harmonie » étaient les vecteurs du sens. Le « sifflement, le bruit d’une masse d’eau », et non par exemple son scintillement, ses éclaboussures, marquent que le  modèle implicite est ici encore acoustique.

Vanloo et de Troy

Des résonances internes, on passe alors aux résonances externes, et l’œuvre de Vanloo vient prendre place, par le jugement public, dans une galerie virtuelle aux côtés des Suzanne célèbres :

« Avec ces défauts, cette composition de Vanloo est encore une belle chose. De Troye a peint le même sujet. Il n’y a presque aucun peintre ancien dont il n’ait frappé l’imagination et occupé le pinceau, et je gage que le tableau de Vanloo se soutient au milieu de tout ce qu’on a fait. »

Déjà mort au moment où Diderot écrit, Jean-François de Troy (1679-1752) appartient à la génération qui a précédé celle de Carle Vanloo (1705-1765). Il a peint Suzanne et les vieillards à plusieurs reprises.

Suzanne et les vieillards (version de l’Ermitage) - Jean-François de Troy
Figure 6 : Jean-François de Troy, Suzanne et les vieillards, 1721, huile sur toile, 235x178 cm, Saint-Pétersbourg, Ermitage

La version de 1721[7] passe en vente à Paris le 10 décembre 1764. Elle entrera dans les collections de Catherine II entre 1766 et 1768 et se trouve encore actuellement dans les collections de l’Ermitage. Ces éléments permettent de penser que le tableau de 1721 était connu de Diderot. Comme celle de Vanloo, la composition de J. F. de Troy est en hauteur (235x178 cm). On y trouve déjà la bordure de pierre du bassin d’eau en bas, les vieillards de part et d’autre de Suzanne, l’un, à gauche, debout et tenant à Suzanne un discours, l’autre, à droite, assis, tâtant sa cuisse et son bras. La position même de Suzanne, dont les genoux sont tournés d’un côté, vers le bain dont elle vient de sortir, tandis que la tête est retournée de l’autre, vers le vieillard qui l’agresse, semble avoir été empruntée à de Troy par Vanloo. L’interversion de la droite et de la gauche suggère même que Vanloo a travaillé à partir d’une gravure inversée de la Suzanne de J. F. de Troy.

Suzanne entre les vieillards (version de Ponce) - Jean-François de Troy
Figure 7 : Jean-François de Troy, Suzanne et les vieillards, 1748, huile sur toile, 95,6x126 cm, Porto Rico, Museo de Arte de Ponce, The Luis A. Ferré Foundation.

La Suzanne de 1748, peinte à Rome pour le cardinal de La Rochefoucault en remplacement d’une Fuite de Lothjugée trop licencieuse, avait été exposée au Salon de 1750 ; elle est actuellement conservée au Museo de Arte de Ponce. Quoique le format soit différent (95,6x126), plusieurs analogies avec la composition de Vanloo sont également frappantes : jambe droite de Suzanne passée par dessus la gauche, sa main repoussant un vieillard, le bras gauche de l’autre étendu et pointant du doigt le fond de la scène. Ce bras tendu surtout trahit l’emprunt : alors que chez de Troy il indique sans ambiguïté la porte du jardin de laquelle un témoin gênant pour Suzanne peut surgir à n’importe quel moment, chez Vanloo qui n’a peint ni jardin ni barrière à l’arrière-plan le sens du geste se perd. De Troy fait fonctionner magistralement le dispositif scénique, avec le jeu différentiel entre l’espace restreint de la scène au premier plan, délimité par la fabrique, et l’espace vague du jardin au fond, où le petit portail entre les montants duquel se dresse un arbre désigne la virtualité de l’irruption d’un regard, la possibilité à tout moment de rompre l’intimité du viol, de faire éclater théâtralement et de réduire ainsi le scandale de la brutalité. Il n’est qu’à comparer avec Le Rendez-vous à la fontaine (1723, Londres, Victoria and Albert Museum), où le dispositif de Suzanne est employé dans un contexte profane et même licencieux : au couple en conversation intime près de la fontaine s’oppose, derrière la balustrade et depuis le jardin la servante qui vient interrompre le badinage et annoncer probablement la venue du mari. Chez Vanloo, ce jeu différentiel disparaît : on a vu comment Diderot tirait parti de cet effondrement pour mettre en évidence la nouvelle économie de la révolte.

Suzanne et les vieillards (version de Rouen) - Jean-François de Troy
Figure 8 : Jean-François de Troy, Suzanne et les vieillards, 1727, huile sur toile, 81,5x65 cm, Rouen, musée des Beaux-Arts

Signalons enfin la Suzanne de 1727, actuellement conservée au musée des beaux-arts de Rouen. Elle fut gravée en sens inverse par Laurent Cars, probablement dès 1731, ce qui lui assura une certaine diffusion auprès des artistes et des amateurs. Mis à part la figure de Suzanne, extrêmement proche de celle de Vanloo, la disposition de la scène est assez différente, plus conforme au canon classique que Diderot rappellera plus loin : les deux vieillards sont placés d’un même côté, de sorte que la balustrade pour l’un, le bras de Suzanne pour l’autre établissent dans l’espace scénique la séparation, l’écran fondamental. Les vieillards inquisiteurs, séparés de Suzanne livrée en pâture à leurs yeux, métaphorisent alors l’œil du spectateur et tiennent lieu d’embrayeurs visuels pour la scène. Une telle construction tombe dans la composition de Vanloo, et en général dès lors que les vieillards sont disposés de part et d’autre de la jeune femme.

Une Suzanne académisée

Ce n’est en tout cas pas sans raison que Diderot mentionne d’abord de Troy quand il s’agit d’évoquer d’autres peintres ayant peint le même sujet. La mention très neutre, pour ainsi dire incidente, recouvre quasiment un plagiat, comme si Vanloo avait cherché à faire la synthèse des Suzanne de J. F. de Troy. Diderot ne prend pourtant pas la responsabilité d’une accusation ; il donne plutôt les éléments du soupçon. Après la mention du peintre, toujours sous le faux air de l’éloge, l’attaque vise la posture de Suzanne, c’est-à-dire l’emprunt le plus flagrant à de Troy :

« On prétend que la Suzanne est académisée ; serait-ce qu’en effet son action aurait quelque apprêt, que les mouvements en seraient un peu trop cadencés pour une situation violente ? ou serait-ce plutôt qu’il arrive quelque fois de poser si bien le modèle, que cette position d’étude peut être transportée sur la toile avec succès, quoiqu’on la reconnaisse ? S’il y a une action plus violente de la part des vieillards, il peut y avoir aussi une action plus naturelle et plus vraie de la Suzanne. Mais telle qu’elle est j’en suis content, et si j’avais le malheur d’habiter un palais, ce morceau pourrait bien passer de l’atelier de l’artiste dans ma galerie. »

Ce terme d’« académisée », qui ne figure dans aucun dictionnaire ancien, est en fait un néologisme de Diderot. Littré cite un passage du Paradoxe sur le comédien, sur lequel nous reviendrons ; le Trésor de la langue française y ajoute… le commentaire de la Suzanne de Vanloo. Quant aux passages des Goncourt, ils sont probablement eux-mêmes influencés par la lecture de Diderot.

Pourtant Diderot ne parle pas à son propre compte. Il rapporte ce qui se dit dans le public du Salon : « On prétend que la Suzanne est académisée ». Forger ainsi un verbe mi-savant, mi-ridicule relève de l’invention populaire, ou tout du moins se présente à la manière d’une déformation, d’un recyclage populaire du grand style. « Serait-ce qu’en effet… ? » : Diderot essaye de comprendre ce mot entendu dans la foule et ce faisant pose le problème de la rencontre entre le réel et le modèle idéal.

Le texte a donc renversé le point de vue : alors qu’il s’agissait jusque là de critiquer la froideur de la composition de Vanloo, dès lors que cette froideur est identifiée à un académisme du peintre, Diderot en prend la défense, et revendique la simplicité naturelle d’une pose qui rejoint par hasard l’exercice d’école, aux antipodes de l’action violente et de sa théâtralité[8].

La rencontre de la nature et du code plaît. Ce plaisir de la mesure, de l’artifice retrouvés au cœur même de la démesure théâtrale de la scène prépare les grandes thèse du Paradoxe sur le comédien :

« Mais quoi ? dira-t-on, ces accents si plaintifs, si douloureux, que cette mère arrache du fond de ses entrailles, et dont les miennes sont si violemment secouées, ce n’est pas le sentiment actuel qui les produit, ce n’est pas le désespoir qui les inspire ? Nullement ; et la preuve, c’est qu’ils sont mesurés ; qu’ils font partie d’un système de déclamation ; que plus bas ou plus aigus de la vingtième partie d’un quart de ton, ils sont faux ; qu’ils sont soumis à une loi d’unité ; qu’ils sont , comme dans l’harmonie, préparés et sauvés ; qu’ils ne satisfont à toutes les conditions requises que par une longue étude ; qu’ils concourent à la solution d’un problème proposé ; que pour être poussés juste, ils ont été répétés cent fois, et que malgré ces fréquentes répétitions, on les manque encore » (Colin 95 ; Vers 1383 ; DPV XX 55).

Dans ces lignes écrites en 1769, Diderot reprend les termes que nous avons relevés à propos de La Chaste Suzanne : l’accord, l’harmonie qui garantissent la consistance homogène, l’efficacité du spectacle, relèvent de l’artifice, comme est artificielle la pose académique de Suzanne. Le modèle sous-jacent premier de l’artifice, ce n’est donc pas une disposition dans l’espace, mais une certaine régulation du chant, une musicalisation du cri, de l’accent : le hurlement de la mère à la mort de son enfant, de la femme qu’on viole dans la solitude d’un jardin doivent pour produire leur effet, c’est-à-dire pour se communiquer d’entrailles à entrailles, être cadencés, poétisés, et donc académisés. Quelques pages plus loin, le mot revient sous la plume de Diderot écrivant le Paradoxe, suffisamment rare pour constituer une citation, une référence pour soi, implicite, à la Suzanne :

« Nous voulons qu’au plus fort des tourments l’homme garde le caractère d’homme, la dignité de son espèce. Quel est l’effet de cet effort héroïque ? De distraire de la douleur et de la tempérer. […] Qui est-ce qui remplira notre attente ? Sera-ce l’athlète que la douleur subjugue et que la sensibilité décompose ? Ou l’athlète académisé qui se possède et pratique les leçons de la gymnastique en rendant le dernier soupir ? » (Colin 104 ; Vers 1387 ; DPV XX 62.)

L’artifice, la soumission du geste et de la voix à des normes, des modèles, n’est pas seulement commandée par une exigence esthétique. Il en va de la dignité de l’homme : le problème n’est plus de l’imitation technique de la nature, ni même de l’effet immédiat pour l’œil, mais du fondement symbolique, idéologique de la représentation.

Figure 9 : Pierre Julien, Gladiateur mourant, 1779, Marbre, 60x48x42 cm, Paris, musée du Louvre, d’après la statue antique du musée du Capitole à Rome
Figure 9 : Pierre Julien, Gladiateur mourant, 1779, Marbre, 60x48x42 cm, Paris, musée du Louvre, d’après la statue antique du musée du Capitole à Rome

La représentation humaniste ne peut accepter une esthétique de la défiguration, alors même, nous l’avons vu, que la nouvelle économie de l’œil révolté s’affirme fondamentalement par et dans la déconstruction de la figure.

Le commentaire de Diderot est pris dans cette contradiction : l’exigence de la contagion sensible, la nouvelle appréhension, pour ainsi dire tactile, de la chose picturale comme chose brute du désir que l’œil vient nouer, sans distance, à la propre économie libidinale du spectateur, tendent à la défiguration des personnages, à la décomposition des scènes, soit dans l’exaltation d’un moment sublime, soit dans la dépréciation féroce d’un moment manqué. Mais le pas n’est jamais définitivement franchi : l’ancienne économie de la scène, avec ses figures, ses dispositions, avec la distance et la révérence qu’elle institue du sujet regardant à l’objet regardé, reste le modèle de référence. Suzanne académisée est une Suzanne humanisée, digne d’être regardée[9].

Moins que d’une contradiction, c’est plutôt d’un va-et-vient qu’il s’agit. La superposition de la terreur et de la norme, de l’action violente et du mouvement cadencé, offre ce plaisir pour l’œil d’une figure qui se défait en chose, et d’une chose qui se recompose en figure. L’apprêt devient naturel, la posture vraie rencontre le modèle de l’Académie[10].

III. Dispositif de la scène

L’effraction scénique

D’ailleurs, aux deux extrémités de la représentation, défiguré comme académisé, le personnage met en danger la scène :

« Si vous perdez le sentiment de la différence de l’homme qui se présente en compagnie et de l’homme intéressé qui agit, de l’homme qui est seul, et de l’homme qu’on regarde, jetez vos pinceaux dans le feu. Vous académiserez, vous redresserez, vous guinderez vos figures. » (Essais sur la peinture, IV, Vers 490 ; DPV XIV 377.)

C’est ici la troisième et dernière occurrence de cet étrange verbe académiser. La figure académisée sort du dispositif ; c’est une figure en soi, qui ne répercute pas les déformations nécessairement engendrées par une situation, une action donnée : l’homme en compagnie, l’homme qu’on regarde n’est pas lui-même, il se conforme à son environnement social, sauf si, intéressé, absorbé par sa seule action, il oublie ceux qui l’entourent et se comporte comme l’homme qui est seul.  La figure académisée nie l’interaction et, par là risque la froideur ; elle défait la scène mais sauve la figure.

On comprend maintenant que tout le commentaire de la Suzanne de Vanloo a tourné autour de ce problème de l’interaction, non seulement entre les personnages, mais de la scène avec le spectateur. Il y a une autonomie de la figure, qui suppose entre elle et le spectateur un obstacle infranchissable ; mais il y a dans le même temps un effet dramatique de la figure, qui commande de franchir et même d’abolir cet obstacle. Or la tradition iconographique des Suzanne fournit en quelque sorte l’épure de ce dispositif, qui, à peu de variations près, constitue le dispositif de base pour toutes les scènes, picturales, théâtrales, romanesques, de la culture classique. Pour en expliquer le ressort, Diderot recourt à deux exemples :

« Un peintre italien a composé très ingénieusement ce sujet. Il a placé les deux vieillards du même côté. La Suzanne porte toute sa draperie de ce côté, et pour se dérober aux regards des vieillards, elle se livre entièrement aux yeux du spectateur. Cette composition est très libre, et personne n’en est blessé ; c’est que l’intention évidente sauve tout, et que le spectateur n’est jamais du sujet. »

Le peintre italien dont Diderot ne donne pas le nom serait, selon une hypothèse proposée par Else-Marie Bukdahl, Giuseppe Cesari, dit aussi le Chevalier d’Arpin (1560 ou 1568-1640), célèbre par ailleurs comme l’auteur des dessins dont sont tirées les gravures de l’Iconologie de Cesare Ripa. Cesari avait peint une Suzanne au bain qui se trouvait, au moment où Diderot écrit, dans la galerie du duc d’Orléans, au Palais Royal. La toile a disparu depuis, mais elle est connue par le recueil de gravures qui constitue le catalogue de cette galerie, recueil établi à partir de 1786 par Louis Abel de Bonafous, abbé de Fontenay[11].

Suzanne au bain - d’après Giuseppe Cesari
Figure 10 : Suzanne au bain, gravure de Jacques Bouillard sur un dessin d’Antoine Borel, 1786, d’après le tableau de Giuseppe Cesari alors conservé à la Galerie du Palais Royal, dans la collection du duc d’Orléans

La gravure, exécutée par Jacques Bouillard d’après le dessin d’Antoine Borel, correspond à la description sommaire de Diderot, à ceci près que ce n’est pas sa draperie, mais sa chevelure que Suzanne interpose entre elle et les deux vieillards, placés « du même côté », derrière le parapet du bain. Cette chevelure cependant est si dense que Diderot a pu la confondre avec une draperie.

La Suzanne de Cesari est un modèle de composition classique. Comme dans presque toutes les scènes de Suzanne antérieures au dix-huitième siècle[12], une séparation nette oppose dans l’espace d’un côté les deux vieillards regardant Suzanne, de l’autre, dans un espace différent de celui où ils se trouvent, Suzanne regardée par eux. Suzanne dissimule sa nudité aux yeux inquisiteurs des vieillards pervers par l’interposition d’une abondante chevelure, qui la caractérise comme une Madeleine, voire comme Marie l’Égyptienne.

Par l’entrelacs de ses bras et de ses cheveux, Suzanne se dérobe aux regards des vieillards, mais se livre à ceux des spectateurs de la toile, accomplissant à la perfection la contradiction fondatrice du dispositif scénique : le spectateur regarde ce qu’il ne devrait pas voir, Suzanne lui est livrée au moment où elle se soustrait vertueusement à l’œil des vieillards, qui métaphorisent pourtant le spectateur sur la toile.

L’espace du bain, délimité, circonscrit par la fabrique d’architecture à laquelle Suzanne est adossée, constitue l’espace de la scène proprement dite, ou espace restreint : les bas de colonnes auxquels Suzanne s’adosse chez Cesari, et jusqu’à la végétation qui envahit la pierre, font penser aux bas de colonnes de Vanloo. Le jet d’eau qui manque sur la toile de 1765 fait face à la Suzanne de Cesari.

L’architecture seule circonscrit la figure de la jeune femme : l’espace intime du Bain est délimité au fond par un parapet orné d’un bas-relief, devant par le rebord sous lequel l’eau coule. Cet espace est l’espace de la scène proprement dite, espace restreint vers lequel convergent les regards, regard pervers des vieillards et regard supposément vertueux du spectateur.

Derrière la fabrique, sur la droite, le tableau offre pour l’œil l’ouverture d’un ciel et le vague d’un jardin. C’est là que se trouvent les vieillards, dans cet espace de la promenade et de l’indétermination, espace vague, depuis lequel l’objet focal de la représentation, la scène proprement dite est regardée.

Le parapet : un écran qui partage l’espace de la représentation

Entre ces deux espaces, espace vague où se trouvent les vieillards et espace restreint où se trouve Suzanne, un parapet sculpté d’un bas-relief redouble dans la pierre l’écran de chevelure interposé par Suzanne. Juste au-dessus du mollet de Suzanne, on distingue sur le bas-relief une femme agenouillée aux pieds d’un jeune homme (glabre) qui s’avance, les bras étendus vers un groupe d’hommes barbus en grande discussion : l’un d’eux lève le bras pour attester le Ciel. Il n’est pas impossible que le bas-relief représente le jugement de Suzanne et l’intervention du jeune Daniel, c’est-à-dire la suite narrative de la scène.

Ce qui est sûr en tous cas, c’est que ce muret qui matérialise spatialement l’interdit du regard (les vieillards sont derrière le muret parce qu’ils n’ont pas le droit de regarder Suzanne nue) est lui-même l’objet et le support d’une représentation, au mépris de toute vraisemblance. Presque toutes les Suzanne classiques comportent, à défaut de ce genre de bas-relief, une statue, un vase ou une vasque sculptée, peu compatibles avec le judaïsme rigoureux de Suzanne. Dans cette scène qui dit qu’on ne doit pas la regarder, la peinture se met en abyme comme art. L’écran de la représentation fait advenir l’image quand même, c’est-à-dire qu’il pose un interdit puis le contourne.

Le quart de tour de Suzanne

Ce contournement est chez Cesari très matériellement sensible. Suzanne se tourne, elle opère sur elle-même le quart de tour qui la dérobe aux vieillards pour la livrer au spectateur du tableau. C’est donc fortuitement qu’elle rencontre, au passage, notre regard. L’œil doit saisir le dispositif dans ce pivotement qui le moralise : les vieillards pouvaient voir mais ne voient plus cette nudité ; nous la voyons mais ne devions pas la voir. L’effraction n’est donc pas seulement la pénétration par l’œil dans l’espace interdit, restreint, de la scène ; elle s’appuie sur une temporalité de la peinture : nous y entrons et nous en sortons ; nous y sommes et nous n’en avons jamais été.

Par cette temporalité, la peinture se constitue comme discours : Cesari nous peint le discours des vieillards : curieusement, ils ne regardent pas Suzanne ; ils ont cessé de la regarder ; celui de devant s’est retourné vers celui de derrière, il montre encore la jeune femme du doigt, mais les yeux dans les yeux ils sont l’un et l’autre tout à leur commentaire. Le tableau tout entier représente le détail des beautés de Suzanne par les vieillards, leur éloge, leur ekphrasis. Le tableau se constitue comme signe, selon la structure classique modélisée par Saussure : en haut, le signifiant, la parole des vieillards ; puis la coupure sémiotique, le parapet, l’écran ; en bas, le corps détourné de Suzanne, le signifié du discours qui s’énonce en haut. A quel référent ce signe renvoie-t-il ? Face à Suzanne, l’eau jaillit de la fontaine, d’une bouche monstrueuse et comme défigurée : le réel du désir, c’est le jet.

La scène comme déconstruction de la narration

La seconde toile évoquée, celle de Sébastien Bourdon qui se trouvait chez le baron d’Holbach, n’a pas la même faveur de Diderot :

« Depuis que j’ai vu cette Suzanne de Vanloo, je ne saurais plus regarder celle de notre ami le baron d’Holbach. Elle est pourtant du Bourdon. »

Une Suzanne du Bourdon est effectivement mentionnée au n° 23 du Catalogue de tableaux des trois écoles formant le cabinet de M. le baron d’Holbach établi à l’occasion de la vente du 16 mars 1789. C’est probablement le même tableau qui réapparaît à la vente Solirène de Paris, 11-13 mars 1812, n°6. Présenté à l’exposition des Trésors d’art de la Provence, Marseille, 1861, il est alors la propriété de la baronne Du Laurent. Le 7 novembre 1916 il est vendu à Marseille. Il réapparaît à la galerie Heim-Gairac de Paris, puis on perd sa trace, peut-être dans une collection privée américaine.

Suzanne et les vieillards - Bourdon
Figure 11 : Sébastien Bourdon, Suzanne et les vieillards, huile sur toile, 132x130 cm, localisation actuelle inconnue.

Autant qu’on en peut juger par le cliché dont nous disposons, il s’agit d’un très beau tableau. Si Diderot le rejette, ce n’est pas pour ses qualités artistiques intrinsèques, mais parce qu’il ne correspond plus aux canons du dispositif scénique dont il a établi les marges de manœuvre, de Cesari à Vanloo, de la coupure et la distance d’une scène signe à la pression, à la continuité sensible d’une scène convulsion.

On retrouve certes dans la Suzanne de Sébastien Bourdon le mouvement contrarié de la jeune femme, tournée en avant pour sortir du Bain, puis retournée en arrière pour échapper à l’emprise des vieillards qui portent la main sur sa nudité. Les vieillards sont placés tous les deux du même côté, penchés en avant vers l’objet de leur désir, mais aucun parapet ne les sépare de la jeune femme. Derrière eux, nouée sur une haute statue d’homme, une grande draperie est tendue, censée abriter Suzanne nue des regards indiscrets qui viendraient du jardin. Elle délimite l’espace restreint de la scène, au-delà duquel, sur la gauche on distingue des frondaisons, une porte monumentale et deux femmes retournées, sans doute les deux servantes que Suzanne a envoyées chercher de l‘huile à la ville. Sébastien Bourdon a condensé l’histoire, mais en a maintenu les éléments. Le jardin devrait être désert au moment où les vieillards s’approchent de Suzanne. Les deux femmes jouent le rôle d’embrayeurs visuels depuis l’espace vague vers l’espace restreint, mais constituent en même temps un reliquat de l’ancienne organisation narrative, pré-scénique de la représentation, où la succession des épisodes était matérialisée par la juxtaposition des espaces.

Notes

[1]

Par exemple en la définissant comme intéraction de personnages sous le regard d’un tiers, alors que cette intéraction tend à disparaître et que le regard tiers est en pleine mutation.

[2]

« Bayle, souvent aussi répréhensible et aussi petit, quand il traite des points d’histoire et des affaires du monde, qu’il est judicieux et profond quand il manie la dialectique, commence son article de Henri IV par dire que, “si on l’eût fait eunuque, il eût pu effacer la gloire des Alexandre et des César”. Voilà de ces choses qu’il eût dû effacer de son dictionnaire. Sa dialectique même lui manque dans cette ridicule supposition : car César fut beaucoup plus débauché que Henri IV ne fut amoureux, et on ne voit pas pourquoi Henri IV eût été plus loin qu’Alexandre. Bayle a-t-il prétendu qu’il faille être un demi homme pour être un grand homme ? » (Voltaire, Essai sur les mœurs, chap. CLXXIV, éd. R. Pomeau, Garnier, t. II, p. 528.)

[3]

De même, Diderot reproche à Adam, pour sa sculpture d’Ulysse et Polyphème, de nous avoir donné « un sac de noix pour un Ulysse » (Salon de 1765, Vers 453). Dans l’Allégorie de la paix de Hallé, « Ces échevins ne sont que des sacs de laine ; ou des colosses ridicules de crème fouettée » (Salon de 1767, Vers 536) ; et Diderot y revient plus loin : « A ces foutus sacs rouges, noirs, emperruqués, en bas de soie bien tirés, bien roulés sur le genou, en rabats, en souliers à talon, substituez-moi de graves personnages à longues barbes, à têtes, bras et jambes nus, à poitrines découvertes, en longues, fluentes et larges robes consulaires » (Vers 692). Quant au Coucher de la mariée de Baudouin : « le mari vu par le dos a l’air d’un sac sous lequel on ne ressent rien ; sa robe de chambre l’emmaillote » (Salon de 1767, Vers 670).

[4]

« un grand vêtement […] sous lequel rien ne se dessine » peut être comparé au « sac sous lequel on ne ressent rien » dans Le Coucher de la mariée, c’est-à-dire sous lequel on ne devine pas les traits d’un corps, ou plutôt sous lequel il n’y a pas un corps qui ressent l’excitation sexuelle. De même, le sac d’Ulysse suit immédiatement une plaisanterie sur le nom du peintre Adam, premier mari, et mari cocu. Quant aux échevins de Hallé, ce sont de foutus sacs, qui suggèrent l’homosexualité passive. (Références des textes à la note précédente.)

[5]

Giambattista Tiepolo, Le Christ et la femme adultère, huile sur toile, 77x127 cm, Marseille, Musée des Beaux-Arts, 1752-1753.

[6]

Nicolas Poussin, Le Christ et la femme adultère, huile sur toile, 121x95 cm, Paris, Musée du Louvre, 1653.

[7]

Les trois tableaux de J. F. de Troy que nous évoquons ci-après sont signés et datés.

[8]

On a vu, dans le commentaire de l’Accordée de village de Greuze, développer la même contradiction, à propos de la disposition des figures : « Comme elles vont en ondoyant et en pyramidant ! Je me moque de ces conditions ; cependant, quand elles se rencontrent dans un morceau de peinture par hasard, sans que le peintre ait eu la pensée de les y introduire, sans qu’il leur ait rien sacrifié, elles me plaisent. » (Vers 232 ; DPV XIII 266-267.)

[9]

La contradiction éclate par exemple à propos de La Naissance de Vénus de Briard, dans le Salon de 1769. Diderot écrit d’abord : « Miséricorde ! quel ventre ! quelle hanche ! et l’énorme derrière et les cuisses exostosées d’une autre figure de femme posée sur des nuages qui avaient la complaisance de la porter ! » (Vers 861 ; DPV XVI 634.) On est en pleine défiguration. Mais Diderot, qui annotait sur place au Salon un livret, puis reprenait ses notes chez lui, a par mégarde fait le travail deux fois pour Briard : deux livrets ont été annotés à deux moment différents, et avec deux jugements contradictoires, d’où cette remarque quelques pages plus loin à l’article Lépicié : « Relisez les lignes qui précèdent sur la Naissance de Vénus de Briard, j’en dis le diable ; c’est le jugement d’un de mes livrets et voici le jugement d’un autre de mes livrets : “Assez agréable, quoique la composition en soit arrangée ; la Vénus d’un dessin assez fin…” D’un dessin assez fin ! voilà ce qui me confond, car il est écrit ainsi et je ne me trompe pas. Il y a ensuite : “Mais d’une attitude académique et recherchée…” Et puis ayez quelque confiance dans mes connaissances dans l’art et prêchez-moi, si vous l’osez, de publier mes réflexions. Il faut pourtant vous expliquer la contradiction très réelle de ces deux jugements : c’est qu’il y avait un point de vue sous lequel la Vénus de Briard avait tous les défauts que je lui reproche, et un autre point de vue sous lequel elle ne les avait plus. Ainsi cette figure était-elle bonne, était-elle mauvaise ? Ma foi, je n’en sais rien. » (Vers 862 ; DPV XVI 637.) L’académisme de la figure la sauve in extremis de la défiguration, comme est sauvée, par un revirement ultime, la Suzanne académisée de Vanloo.

[10]

Diderot décrit ce mouvement virtuel de défiguration-refiguration dans une digression de l’article Servandoni où il réduit l’Hercule de Glycon, « tueur d’hommes » et « écraseur de bêtes » et exagère parallèlement « un Mercure, quelques-unes de ces natures légères, élégantes, sveltes » : « suivez cette métamorphose idéale, jusqu’à ce que vous ayez deux figures réduites qui se ressemblent parfaitement, et vous rencontrerez les proportions de l’Antinoüs. » (Salon de 1765, Vers 351 ; DPV XIV 127.)

[11]

Galerie du Palais Royal gravée d’après les tableaux des differentes ecoles qui la composent : avec un abrégé de la vie des peintres & une description historique de chaque tableau, Paris, Couché et Bouilliard, 1786-1808, Bnf, département des Imprimés, cotes V-292 à V-294.

[12]

Avec les deux vieillards du même côté, on peut citer entre beaucoup d’autres la Suzanne de Lorenzo Lotto, 1517, Florence, Offices ; la fresque de Jules Romain au Palais du Té à Mantoue, 1525 ; le tableau du Tintoret, 1555, Vienne, Kunsthistorisches Museum ; celui de Louis Carrache (1555-1619), conservé autrefois avec le Cesari dans la galerie du duc d’Orléans ; celui du Dominiquin, 1603, Rome, Galerie Doria Pamphilj ; la première version de Rembrandt, 1636-1647, La Haye, Mauritshuis ; la toile de Jean-Baptiste Santerre, 1704, Paris, Musée du Louvre.

Référence de l'article

Stéphane Lojkine, « S'agit-il d'une scène ? La Chaste Suzanne de Vanloo », supplément inédit à L'Œil révolté, J. Chambon, 2007.

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