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Œuvres de Racine, Paris, Didot l’aîné, 1801-1805, 3 vol. gd in fol.

En 1801, quand parut le premier volume du « Racine » de Didot, les estampes dont il est illustré étaient terminées depuis plus d’un an déjà, ou bien étaient en voie d’achèvement. Elles sont au nombre de 57 pour les 3 volumes et offrent, dit l’avis de l’imprimeur

« en tableau le trait le plus intéressant de chacun des actes des diverses pièces de Racine. Les dessins, commencés l’an I.er de la République, ont été suivis sans interruption, mais avec le temps qu’ont jugé nécessaire à leur composition des Artistes distingués, livrés d’ailleurs à des travaux particuliers et bien éloignés de faire un objet de lucre d’une occupation pour laquelle ils avoient établi entre eux une rivalité honorable. Tous en effet se sont chargés de ces dessins avec le plus grand intérêt ; mais je dois un tribut de reconnaissance particulier aux citoyens Girodet, Gérard et Chaudet, qui seuls en ont fait les deux tiers... »

Aussitôt imprimé le premier volume fut envoyé à l’Exposition de l’Industrie, qui s’ouvrait en l’an IX. A cette occasion, Pierre Didot fit paraître un prospectus, dont voici les passages essentiels :

« […] Cette édition contiendra trois volumes in-folio ornés de gravures exécutées avec soin. Chacune des pièces offrira une estampe pour chaque acte, ce qui fera monter la totalité à cinquante-sept, en y comprenant le frontispice dessiné par Prudhon et gravé par Marais. Les dessins de chaque pièce sont tous de la composition d’un même auteur, de sorte que l’ensemble de l’ouvrage produira sans bizarrerie une variété piquante et offrira le spectacle intéressant d’une lutte honorable de talents distingués.
Ainsi, pour le tome I.er la « Thébaïde » a été composée en entier par Moitte, sculpteur ; « Alexandre » par Gérard, peintre ; « Andromaque » par Girodet, peintre ; « Britannicus », par Chaudet, sculpteur ; « les Plaideurs », par Taunay, peintre.
Pour le tome second, « Bérénice », par Serangeli ; « Bajazet », par Gérard ; « Mithridate », par Peyron ; « Iphigénie », par Gérard ; « Phèdre », par Girodet, peintre.
Pour le troisième volume, les dessins d’« Esther » et d’« Athalie » sont de la composition de Chaudet, sculpteur.
A l’égard des caractères gravés par Firmin Didot, nous ne craignons pas de dire qu’ils ont probablement atteint le dernier degré de perfection, puisqu’ils ont encore quelque supériorité sur ceux employés dans le « Virgile » et l’« Horace » in-folio, déjà publiés, qui forment les deux premiers volumes de cette collection. Ces caractères sont un peu plus forts que ceux du « Virgile », afin de mieux correspondre à la dimension des figures, les artistes ayant désiré quelque étendue de plus pour la composition de leurs sujets... Cette édition n’est tirée qu’à deux cent cinquante exemplaires, tous numérotés et signés de l’imprimeur, dont cent avec figures avant la lettre. Elle sera publiée en trois livraisons, et, de même que pour le « Virgile », on paiera la totalité de l’ouvrage en payant le premier, afin d’éviter le risque et le dommage des exemplaires incomplets. La première livraison, composée du premier volume, paraît actuellement ; la seconde, composée du troisième volume, paraîtra dans six mois au plus tard, et la troisième et dernière, composée du second volume, six mois environ après la seconde. On paie, comme nous l’avons dit, la totalité de l’ouvrage en recevant la première livraison avec le premier volume, et le prix est de 1 200 francs pour l’exemplaire avec figures après la lettre, et de 1 800 francs pour l’exemplaire avec figures avant la lettre... A la publication de la seconde livraison, ou du troisième volume, l’exemplaire avec figures après la lettre sera invariablement fixé à 1 500 francs et à 2 250 francs avec figures avant la lettre. Lors de la troisième et dernière livraison ou à la publication du second volume, l’exemplaire sera de 1 800 francs avec figures après la lettre et de 2 700 francs avec figures avant la lettre... »

Ce prospectus ne laisse rien présager des difficultés de l’éditeur, à qui l’entreprise rapporta plus de déboires que de profit. C’est plus tard que Pierre Didot avoua ses ennuis.

« J’avais commencé, dit-il, avec une noble et touchante naïveté, par le « Virgile » in-folio, qui parut en 1798, et par l’« Horace » in-folio, qui le suivit de près ; mais ce n’était rien auprès du « Racine », auquel je travaillais depuis huit ans et qui vit le jour en 1801 : graver et fondre les caractères, fabriquer le papier, composer et imprimer les trois volumes in-folio, ce ne fut pas là le plus difficile, avec des ouvriers aussi excellents que ceux qui s’étaient formés dans notre imprimerie ; oui, j’aurais pu certainement réaliser mon projet, si gigantesque qu’il fût, de publier ainsi dans le format in-folio une collection des grands écrivains anciens et modernes. Mais la pierre d’achoppement a été l’exécution des dessins et des gravures pour les estampes de mon « Racine » : j’aurais commandé sans peine une armée de cent ouvriers compositeurs, correcteurs et imprimeurs ; j’ai failli perdre la tête, quand je me suis vu aux prises avec six ou huit peintres et douze ou quinze graveurs. C’était la tour de Babel, avec la confusion des langues. J’en suis venu pourtant à mes fins, et le « Racine » a été publié ; mais je n’ai pas osé tenter un nouvel essai du même genre, et le « Molière » que j’avais projeté avec des estampes gravées d’après les dessins de Taunay, de Duplessi-Bertaux, de Monsiau et d’autres grands artistes, n’a jamais été mis sous presse... »

David avait été en quelque sorte le promoteur de l’ouvrage, et les dessins avaient été confiés, pour la plupart, à ses élèves. Malheureusement Didot s’était aussi adressé à Prudhon, pour qui il avait une particulière estime. Prudhon fut regardé comme un intrus dans une entreprise que David considérait comme sienne. Il était, on le sait, la bête noire de l’école académique ; on lui déniait la notion du grand art, on ne voulait voir en lui qu’un continuateur attardé de Boucher et de Fragonard. De là des protestations, des jalousies, des rivalités faillirent faire « perdre la tête » à l’éditeur. Mais Prudhon ne voulut pas entrer en lutte avec David et ses élèves. Il se retira de son propre mouvement, laissant entre les mains de Pierre Didot le dessin du « Couronnement de Racine », frontispice de l’ouvrage que David ne réussit plus à faire supprimer et plusieurs esquisses, qui ne furent pas gravées. L’une d’elles pourtant fut retenue, mais ne fut reproduite qu’après avoir été mise à l’alignement, c’est-à-dire revue et corrigée par le maître, et le nom du Prudhon ne figure pas sur l’état définitif. Il est juste de dire que David, si intransigeant qu’il se montrât en matière d’art, fit preuve en cette affaire d’un parfait désintéressement. Il dirigea l’exécution des dessins et des gravures, mais il n’accepta aucune rétribution personnelle et il réduisit le travail de ses élèves à la plus juste rémunération. Les planches furent payées au taux normal, c’est-à-dire de 5 à 600 francs chacune. Le « Racine », on l’a vu, ne fut tiré qu’à un petit nombre d’exemplaires. C’est que le prix demandé n’était pas à la portée de toutes les bourses. Tous les souscripteurs étaient gens confortables. Ce sont pour la plupart des généraux, des sénateurs, des financiers, toutes personnes empressées à faire la cour au maître du jour, le premier Consul, qui avait accepté la dédicace de l’ouvrage. Néanmoins l’entreprise se solda par un déficit. La première médaille d’or à l’Exposition de l’Industrie fut à peu près tout le bénéfice que retira Pierre Didot d’une entreprise onéreuse, où il avait engagé des fonds considérables.
(D’après la notice de la Bnf.)

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