Numéro coordonné par Vérane Partensky et Philippe Ortel
Comité scientifique
Bénédicte Boudou, Université Paris Nanterre
Jean-Paul Engélibert, Université Bordeaux Montaigne, Plurielles
Béatrice Laville, Université Bordeaux Montaigne, Plurielles
Philippe Ortel, Université Bordeaux Montaigne, Plurielles
Vérane Partensky, Université Bordeaux Montaigne, Plurielles
Arnaud Rykner, Université Sorbonne Nouvelle, IRET, IUF
S’inscrivant dans le cadre des études intermédiales, et plus spécifiquement média-littéraires, le présent numéro voudrait se centrer sur la notion d’œuvre, envisagée dans sa relation avec les médias. Elle vise ainsi à explorer cet espace hybride, que nous proposons d’appeler inter-œuvre et qui, depuis l’intérieur des œuvres jusqu’à leur environnement médiatique, les sépare d’elles-mêmes tout en leur permettant de se constituer.
Depuis la fin du XVIIIe siècle et l’usage moderne du mot « littérature », la notion d’œuvre a vu ses connotations classiques s’infléchir et revêtir une dignité croissante ; même si les avant-gardes en ont contesté l’usage, elle semble résister aujourd’hui aux remises en question qu’elle a rencontrées au XXe siècle. Alors que d’autres termes la concurrencent (travail, production, intervention, performance …), on l’emploie spontanément dès qu’il s’agit de désigner une production d’importance attribuable à un artiste ou à un groupe d’artistes déterminé ; il n’est pas anachronique de parler de l’œuvre de Michel Houellebecq ou d’Annie Ernaux. Œuvre manifeste chaque fois une vertu méthodologique indéniable : elle signale la façon dont l’écrivain, son lectorat ou la postérité démarquent son travail d’autres formes de communication, que les critères en soient institutionnels, éditoriaux, génériques ou stylistiques.
On sait cependant ce que les œuvres doivent à leur environnement communicationnel, qu’il soit textuel, iconique ou verbal. Avec l’idée d’une inter-œuvre c’est le caractère autonome de l’œuvre qui se trouve mis en question, soit que la communication sociale s’invite dans les œuvres (la conversation mondaine dans un conte ou un essai de Voltaire), soit que celles-ci prolongent leur existence dans les médias ou sur d’autres supports (promotion, transpositions, musicales ou cinématographiques, etc.). Qu’elle soit interne (résultant de dispositifs médiatiques inscrits dans l’œuvre elle-même : telle page de Proust recyclant un de ses articles) ou externe (procédant des modalités de médiatisation de l’œuvre), l’inter-œuvre désigne le jeu d’interdépendance des supports et des médias dans lesquels les œuvres naissent, s’inscrivent, sont diffusées : elles apparaissent ainsi comme solidaires des formes de communication externes dont elles cherchent pourtant à se distinguer.
Parmi les approches possibles de l’inter-œuvre, on pourra envisager les points suivants :
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Une analyse historique des connotations que recouvre le terme d’œuvre ainsi que des formes de démarcation qu’il désigne pour distinguer telle ou telle production « littéraire » de son environnement médiatique.
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L’analyse d’objets : avec leurs images et leur composition typographique, un codex du Moyen Âge, un ouvrage scientifique du XVIe siècle, ou un livre d’art contemporain portent matériellement l’empreinte de l’inter-œuvre.
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L’intermédialité cachée des œuvres, dans le prolongement des recherches intertextuelles mais élargies aux médias (tel article de journal transformé en passage romanesque chez Balzac ou Proust par exemple).
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La manière dont les modes actuels d’éditorialisation des textes par l’univers numérique déstabilise et reconduit la notion d’œuvre.
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L’extension de l’œuvre en dehors de son support et espace d’expression initial : discours d’auteur, interviews d’un écrivain ou d’un artiste dans les médias.
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Détournement d’un texte par d’autres médias et ses conséquences sur sa perception comme œuvre (tel roman continué ou adapté au cinéma appartient-il encore à l’œuvre initiale ? Citation d’un poème dans un discours publicitaire).
Publication prévue en décembre 2023.
