De quoi se souvient-on, d'un roman qu'on a lu il y a longtemps et dont on a oublié le détail de l'intrigue ?
De ses scènes.
La scène de roman se fixe dans la mémoire par le dispositif qu'elle met en œuvre, et par la dimension visuelle de ce dispositif. Le dispositif scénique a une histoire. Au Moyen Âge, la narration est séquencée en aventures. Bien sûr, le romancier médiéval sollicite l'image et l'imagination, mais il le fait par d'autres moyens : la merveille, la chose merveilleuse est son levier le plus puissant. Pour qu'il y ait scène, il faut installer dans la fiction le regard d'un spectateur et la découpe par ce regard d'un espace scénique de représentation. La scénographie du roman est une conséquence de l'invention par la Renaissance italienne de la perspective italienne, qui suppose cette découpe et, surtout, l'interposition d'un écran : l'expérience de Brunelleschi comme l'intersecteur d'Alberti placent au cœur de la fiction romanesque classique un écran de la représentation.
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