L'homme aux rubans noirs, en 2 mn
Émilie FesquetSébastien Bourdon, L'Homme aux rubans noirs, 1657-1658, huile sur toile, 108,5x89,5 cm, Montpellier, Musée Fabre

L'homme aux rubans noirs - Sébastien Bourdon
Lorsqu'il exécute ce tableau, à Montpellier, en 1657 ou en 1658, Bourdon jouit déjà d’une solide réputation. Il revient d'un séjour en Suède à la cour de la reine Christine, où il a été en contact avec l'école flamande, dont il continue de s'imprégner à Montpellier au contact de Jean Zueil. Jean Zueil, arrivé à Montpellier vers 1630, avait été naturalisé en 1647. Il était connu sous le nom de « Jean François ». Devenu peintre officiel des Consuls, beau-frère du peintre et collectionneur Samuel Boissière, Jean Zueil ouvrit les artistes locaux aux influences nordiques et les initia à la manière de Rubens et de Van Dyck. Bourdon développe son art du portrait dans cette manière, qui se caractérise par une grande sobriété, le goût du détail, la richesse des textures et l’attention portée aux effets de matière.
L’identité de l’homme représenté ici demeure incertaine. À la date de réalisation probable du portrait, le premier consul de Montpellier est Jacques de Baudan (1616-1682). Le 15 mai 1657, une délibération municipale confie officiellement à Sébastien Bourdon la mission de résider dans la ville pour y peindre chaque année les portraits des consuls, destinés à orner les murs de l’Hôtel de Ville. Le portrait pourrait représenter un fonctionnaire de la ville ou un membre de son entourage familial. Certaines hypothèses évoquent un Espagnol, d’autres vont jusqu’à suggérer qu’il pourrait s’agir de Molière (mais Molière a séjourné à Montpellier en 1654 et 1655, avant le retour de Bourdon).
Bourdon suggère que ce jeune homme habillé de façon discrète mais élégante et raffinée, est en deuil : il porte aux poignets des rubans noirs, ses yeux sont cernés, le fond de la toile, noyé dans un camaïeu de bruns, laisse deviner la tempête et un arbre ployant dans le vent.

<p>Ce buste en plâtre est une copie du modèle en marbre réalisé par Jean-Antoine Houdon en 1778, à la demande de la Comédie-Française, et exposé<br>au Salon de 1779. Il est offert l’année suivante à la Société des Beaux-Arts de Montpellier. Cette œuvre marque le début de la collection à l’origine du<br>musée Fabre.</p><p>Molière est mort depuis longtemps lorsque Houdon réalise ce buste. Mais une tradition iconographique s'est établie, à partir du portrait de Mignard, puis de celui de Coypel, eux-mêmes copiés et adaptés pour la gravure en frontispice de ses nombreuses éditions. Houdon parvient cependant à renouveler complètement laphysionomie vive et fantasque que ses prédécesseurs avaient tenté de saisir.</p><p>Il utilise une technique innovante de moulage des yeux : en sculptant légèrement en creux l’iris et la pupille, il capte subtilement la lumière, donnant au regard transparence et intensité. La tête est tournée de trois quarts, le visage serein et méditatif. Le regard levé suggère l’inspiration. La chevelure abondante et<br>bouclée évoque la mode du XVIIe siècle. Par sa finesse, le modelé confère une grande vivacité à l’ensemble. </p><p>L’attitude calme de Molière, qui donne une sorte d'évidence classique au portrait, rappelle celle de <em>L’Homme aux rubans noirs</em> de Sébastien Bourdon, au point que l’historien Auguste Baluffe crut y reconnaître un portrait de Molière, exécuté à l'occasion d'un de ses séjours en Languedoc. Mais Bourdon n’arrive à Montpellier qu’après le départ de la troupe, en 1657, ce qui infirme cette hypothèse. Il faut prendre en compte également le fait que le <em>Molière</em> de Houdon n'est pas le Molière original, et que celui de Mignard, sans doute plus proche, ne ressemble guère…</p>

<p>Le séjour de Sébastien Bourdon à Rome, à partir de 1634, l'avait rendu célèbre. En 1637 il est à Paris, et obtient des commandes importantes, qui vont de la bambochade à la peinture d'histoire et aux sujets religieux. En 1648, il fait partie des membres fondateurs de l'Académie royale de peinture et de sculpture. En 1652, sa renommée attire l’attention de la reine Christine de Suède, qui l’invite à Stockholm et le nomme premier peintre du royaume. Christine est reine depuis 1632, mais n'a été couronnée qu'en 1650. Sa cour est alors une des plus brillantes d'Europe.</p><p>Pour Bourdon, c’est l’occasion de fuir les troubles de la Fronde à Paris. À la cour suédoise, il réalise plusieurs portraits de la souveraine et de son entourage. Inspiré par Van Dyck, très présent dans les cercles royaux, il affine alors son art du portrait, distinct de ses compositions historiques.</p><p>La reine trône : le registre est nécessairement plus solennel que dans <em>L’Homme aux rubans noirs</em>, mais Bourdon met déjà en place les éléments caractéristiques de son style : l'expressivité mélancolique des yeux, qui ici mangent le visage, le contraste du drap blanc de la chemise bouffante débordant du vêtement sombre, la retenue de la main droite portée à la gorge. </p><p>Dans <em>L’Homme aux rubans noirs</em>, l'expression d'une émotion intérieure, déjà sensible dans les <em>Portraits de la reine Christine</em>, s'accentue : un homme émerge de l’ombre, le regard grave, la main gauche discrètement appuyée sur un rebord de table au premier plan. Cette main, comme suspendue, participe à l’atmosphère de silence et de retenue. </p>

<p>Ce portrait, autrefois attribué à Sébastien Bourdon, aurait plutôt été exécuté par un de ses élèves, à la génération suivante, dans le style de Bourdon. Il représenterait Philippe de Perdrix, conseiller du roi. </p><p>Le tableau s’inscrit dans la tradition du portrait officiel du XVIIe siècle français, de façon plus appuyée que dans les toiles de Bourdon : un rideau doré tendu à gauche du personnage, un pilastre au fond donnent toute sa solennité au portrait, qui se détache sur le fond sombre. L'homme porte une chemise blanche dont les poignets et le col contrastent avec le noir du vêtement. Mais rien à voir avec la souplesse du trait dans <em>L'Homme aux rubans noirs </em>de Bourdon, avec son col légèrement chiffonné, avec sa chemise bouffante débordant tumultueusement des crevés du justaucorps.</p><p>La posture est apparemment similaire : il appuie sa main gauche sur le rebord d'une table. Mais il n'est pas question ici de la fantaisie d'un gant. Les yeux légèrement cernés imitent également les yeux du jeune homme endeuillé de Bourdon. Mais l'expression est plus neutre, renforçant l’idée de sérieux, de rigueur et de statut social élevé. </p>

<p>Baldassare Castiglione (1478-1529), héritier d'une vieille famille de la noblesse lombarde qui s'est installée à Mantoue, fréquente la cour de Ludovic le More, puis celle des Gonzague à Mantoue, auxquels il est apparenté par sa mère, enfin celle d'Urbino (1504), une des plus brillantes alors d'Italie. Après l'élection de Léon X comme pape, il devient ambassadeur d'Urbino à Rome. Il y devient l'ami d'artistes et d'écrivains, notamment de Raphaël, qui peint son portrait. En 1528, il publie à Venise le <em>Livre du courtisan</em>, rédigé lors d'une mission diplomatique en Angleterre. rédigé en italien (et non en latin) sous forme de dialogues, ce manuel de savoir-vivre aristocratique est bientôt traduit dans les principales langues européennes.</p><p>On est frappé par la sobriété du portrait, peint vers 1514-1515 : camaïeu de bruns, aucun bijou, fond beige uni. L'expression du visage, modeste et retenue, contraste avec le statut brillant et les hautes responsabilités du personnage, qui traitait avec le pape et les principaux princes et rois d'Europe. Rien de théâtral, tout est dans la mesure. </p><p>Raphaël compense cette sobriété par le travail des matières et des textures : drap de la chemise, velours et fourrure, où se fond la barbe. Le bleu des pupilles, seule note de couleur vive dans l'éventail des bruns, et le sourcil gauche légèrement relevé suggèrent l'intelligence du diplomate, habitué à travailler en coulisses, à taire ce qu'il pense et à mesurer ce qu'il dit. </p><p>Bourdon saura faire sienne cette école de sobriété, où la présence massive des tonalités ocres donne un relief saisissant aux moindres effets de lumière. Mais le diplomate humaniste peint par Raphaël nous présente une façade sans apprêt et, derrière elle, une intelligence retenue : sous le dehors le plus modeste, la fermeté la plus inébranlable ; <em>a contrario</em>, et avec la même palette de couleurs, le dehors de <em>L'Homme aux rubans noirs</em> est plus ostentatoire, plus fastueux, quitte à révéler, derrière cette façade, blessure et fragilité.</p>

<p>Thomas Howard, 14e comte d'Arundel, fut un courtisan de la cour d'Angleterre sous Jacques Ier et Charles Ier, qui lui confia des missions diplomatiques. Il rassembla au cours de ses voyages une importante collection de peinture. C'est dans sa collection qu'Antoine van Dyck, lors de son premier voyage à Londres en 1620, voit pour la première fois les œuvres du Titien.</p><p>Thomas Howard commande plusieurs tableaux à Van Dyck, destinés à enrichir sa collection. Pour ce portrait, il se fait représenter dans un cadre luxueux, assis sur un fauteuil de cuir rouge clouté d'or, devant un rideau grenat damassé. Détail précieux, le fond à droite n'est pas un paysage, mais un tableau, rapelant qu'il est collectionneur. Dans sa main gauche, il tient un médaillon précieux. Autour du cou, il porte encore la fraise, qui tombera bientôt en désuétude au profit du col plat.</p><p>L'expression du visage contraste fortement avec le faste de son environnement. Tassé dans son fauteuil, l'homme nous regarde presque avec inquiétude et timidité, comme s'il craignait notre jugement. Vand Dyck saisit avec délicatesse la faiblesse intérieure du personnage. Bourdon saura de la même manière saisir cette intimité désarmée qui fait toute la valeur d'un portrait.</p>

<p>Provenant de la galerie Gonzague de Mantoue, <em>L’Homme aux gants</em> du Titien, bien qu'on ne connaisse pas l'identité exacte de son modèle, représente un jeune courtisan de l'époque et du milieu de Balthasar Castiglione. Le tableau est passé, avec les pièces les plus précieuses de cette collection, à Charles I<sup>er</sup> d’Angleterre en 1627, où Van Dyck a pu le voir. Il n'entre que plus tard dans les collections royales françaises, et de là au Louvre.</p><p>Dans <em>L’Homme aux gants</em>, Titien sublime l’élégance masculine à travers un jeu subtil entre les mains et les accessoires. Les gants, posés dans les mains détendues du modèle, ne sont pas simplement un attribut vestimentaire : ils deviennent un symbole de raffinement, de richesse intérieure et de maîtrise de soi. Les mains, soignées, presque efféminées, parlent silencieusement du statut social, de la culture et de la réserve de cet homme. La pose calculée, ni rigide ni relâchée, traduit une grâce discrète, une élégance tranquille, presque mélancolique. Chez Titien, la main devient langage. C’est ce que l’on retrouve chez Bourdon, où la main, par sa retenue et sa grâce, témoigne du statut paisible et maîtrisé du modèle, en contraste avec un décor agité qui laisse entrevoir une certaine tension intérieure.</p>

L'homme aux rubans noirs - Sébastien Bourdon
Lorsqu'il exécute ce tableau, à Montpellier, en 1657 ou en 1658, Bourdon jouit déjà d’une solide réputation. Il revient d'un séjour en Suède à la cour de la reine Christine, où il a été en contact avec l'école flamande, dont il continue de s'imprégner à Montpellier au contact de Jean Zueil. Jean Zueil, arrivé à Montpellier vers 1630, avait été naturalisé en 1647. Il était connu sous le nom de « Jean François ». Devenu peintre officiel des Consuls, beau-frère du peintre et collectionneur Samuel Boissière, Jean Zueil ouvrit les artistes locaux aux influences nordiques et les initia à la manière de Rubens et de Van Dyck. Bourdon développe son art du portrait dans cette manière, qui se caractérise par une grande sobriété, le goût du détail, la richesse des textures et l’attention portée aux effets de matière.
L’identité de l’homme représenté ici demeure incertaine. À la date de réalisation probable du portrait, le premier consul de Montpellier est Jacques de Baudan (1616-1682). Le 15 mai 1657, une délibération municipale confie officiellement à Sébastien Bourdon la mission de résider dans la ville pour y peindre chaque année les portraits des consuls, destinés à orner les murs de l’Hôtel de Ville. Le portrait pourrait représenter un fonctionnaire de la ville ou un membre de son entourage familial. Certaines hypothèses évoquent un Espagnol, d’autres vont jusqu’à suggérer qu’il pourrait s’agir de Molière (mais Molière a séjourné à Montpellier en 1654 et 1655, avant le retour de Bourdon).
Bourdon suggère que ce jeune homme habillé de façon discrète mais élégante et raffinée, est en deuil : il porte aux poignets des rubans noirs, ses yeux sont cernés, le fond de la toile, noyé dans un camaïeu de bruns, laisse deviner la tempête et un arbre ployant dans le vent.

<p>Ce buste en plâtre est une copie du modèle en marbre réalisé par Jean-Antoine Houdon en 1778, à la demande de la Comédie-Française, et exposé<br>au Salon de 1779. Il est offert l’année suivante à la Société des Beaux-Arts de Montpellier. Cette œuvre marque le début de la collection à l’origine du<br>musée Fabre.</p><p>Molière est mort depuis longtemps lorsque Houdon réalise ce buste. Mais une tradition iconographique s'est établie, à partir du portrait de Mignard, puis de celui de Coypel, eux-mêmes copiés et adaptés pour la gravure en frontispice de ses nombreuses éditions. Houdon parvient cependant à renouveler complètement laphysionomie vive et fantasque que ses prédécesseurs avaient tenté de saisir.</p><p>Il utilise une technique innovante de moulage des yeux : en sculptant légèrement en creux l’iris et la pupille, il capte subtilement la lumière, donnant au regard transparence et intensité. La tête est tournée de trois quarts, le visage serein et méditatif. Le regard levé suggère l’inspiration. La chevelure abondante et<br>bouclée évoque la mode du XVIIe siècle. Par sa finesse, le modelé confère une grande vivacité à l’ensemble. </p><p>L’attitude calme de Molière, qui donne une sorte d'évidence classique au portrait, rappelle celle de <em>L’Homme aux rubans noirs</em> de Sébastien Bourdon, au point que l’historien Auguste Baluffe crut y reconnaître un portrait de Molière, exécuté à l'occasion d'un de ses séjours en Languedoc. Mais Bourdon n’arrive à Montpellier qu’après le départ de la troupe, en 1657, ce qui infirme cette hypothèse. Il faut prendre en compte également le fait que le <em>Molière</em> de Houdon n'est pas le Molière original, et que celui de Mignard, sans doute plus proche, ne ressemble guère…</p>

<p>Le séjour de Sébastien Bourdon à Rome, à partir de 1634, l'avait rendu célèbre. En 1637 il est à Paris, et obtient des commandes importantes, qui vont de la bambochade à la peinture d'histoire et aux sujets religieux. En 1648, il fait partie des membres fondateurs de l'Académie royale de peinture et de sculpture. En 1652, sa renommée attire l’attention de la reine Christine de Suède, qui l’invite à Stockholm et le nomme premier peintre du royaume. Christine est reine depuis 1632, mais n'a été couronnée qu'en 1650. Sa cour est alors une des plus brillantes d'Europe.</p><p>Pour Bourdon, c’est l’occasion de fuir les troubles de la Fronde à Paris. À la cour suédoise, il réalise plusieurs portraits de la souveraine et de son entourage. Inspiré par Van Dyck, très présent dans les cercles royaux, il affine alors son art du portrait, distinct de ses compositions historiques.</p><p>La reine trône : le registre est nécessairement plus solennel que dans <em>L’Homme aux rubans noirs</em>, mais Bourdon met déjà en place les éléments caractéristiques de son style : l'expressivité mélancolique des yeux, qui ici mangent le visage, le contraste du drap blanc de la chemise bouffante débordant du vêtement sombre, la retenue de la main droite portée à la gorge. </p><p>Dans <em>L’Homme aux rubans noirs</em>, l'expression d'une émotion intérieure, déjà sensible dans les <em>Portraits de la reine Christine</em>, s'accentue : un homme émerge de l’ombre, le regard grave, la main gauche discrètement appuyée sur un rebord de table au premier plan. Cette main, comme suspendue, participe à l’atmosphère de silence et de retenue. </p>

<p>Ce portrait, autrefois attribué à Sébastien Bourdon, aurait plutôt été exécuté par un de ses élèves, à la génération suivante, dans le style de Bourdon. Il représenterait Philippe de Perdrix, conseiller du roi. </p><p>Le tableau s’inscrit dans la tradition du portrait officiel du XVIIe siècle français, de façon plus appuyée que dans les toiles de Bourdon : un rideau doré tendu à gauche du personnage, un pilastre au fond donnent toute sa solennité au portrait, qui se détache sur le fond sombre. L'homme porte une chemise blanche dont les poignets et le col contrastent avec le noir du vêtement. Mais rien à voir avec la souplesse du trait dans <em>L'Homme aux rubans noirs </em>de Bourdon, avec son col légèrement chiffonné, avec sa chemise bouffante débordant tumultueusement des crevés du justaucorps.</p><p>La posture est apparemment similaire : il appuie sa main gauche sur le rebord d'une table. Mais il n'est pas question ici de la fantaisie d'un gant. Les yeux légèrement cernés imitent également les yeux du jeune homme endeuillé de Bourdon. Mais l'expression est plus neutre, renforçant l’idée de sérieux, de rigueur et de statut social élevé. </p>

<p>Baldassare Castiglione (1478-1529), héritier d'une vieille famille de la noblesse lombarde qui s'est installée à Mantoue, fréquente la cour de Ludovic le More, puis celle des Gonzague à Mantoue, auxquels il est apparenté par sa mère, enfin celle d'Urbino (1504), une des plus brillantes alors d'Italie. Après l'élection de Léon X comme pape, il devient ambassadeur d'Urbino à Rome. Il y devient l'ami d'artistes et d'écrivains, notamment de Raphaël, qui peint son portrait. En 1528, il publie à Venise le <em>Livre du courtisan</em>, rédigé lors d'une mission diplomatique en Angleterre. rédigé en italien (et non en latin) sous forme de dialogues, ce manuel de savoir-vivre aristocratique est bientôt traduit dans les principales langues européennes.</p><p>On est frappé par la sobriété du portrait, peint vers 1514-1515 : camaïeu de bruns, aucun bijou, fond beige uni. L'expression du visage, modeste et retenue, contraste avec le statut brillant et les hautes responsabilités du personnage, qui traitait avec le pape et les principaux princes et rois d'Europe. Rien de théâtral, tout est dans la mesure. </p><p>Raphaël compense cette sobriété par le travail des matières et des textures : drap de la chemise, velours et fourrure, où se fond la barbe. Le bleu des pupilles, seule note de couleur vive dans l'éventail des bruns, et le sourcil gauche légèrement relevé suggèrent l'intelligence du diplomate, habitué à travailler en coulisses, à taire ce qu'il pense et à mesurer ce qu'il dit. </p><p>Bourdon saura faire sienne cette école de sobriété, où la présence massive des tonalités ocres donne un relief saisissant aux moindres effets de lumière. Mais le diplomate humaniste peint par Raphaël nous présente une façade sans apprêt et, derrière elle, une intelligence retenue : sous le dehors le plus modeste, la fermeté la plus inébranlable ; <em>a contrario</em>, et avec la même palette de couleurs, le dehors de <em>L'Homme aux rubans noirs</em> est plus ostentatoire, plus fastueux, quitte à révéler, derrière cette façade, blessure et fragilité.</p>

<p>Thomas Howard, 14e comte d'Arundel, fut un courtisan de la cour d'Angleterre sous Jacques Ier et Charles Ier, qui lui confia des missions diplomatiques. Il rassembla au cours de ses voyages une importante collection de peinture. C'est dans sa collection qu'Antoine van Dyck, lors de son premier voyage à Londres en 1620, voit pour la première fois les œuvres du Titien.</p><p>Thomas Howard commande plusieurs tableaux à Van Dyck, destinés à enrichir sa collection. Pour ce portrait, il se fait représenter dans un cadre luxueux, assis sur un fauteuil de cuir rouge clouté d'or, devant un rideau grenat damassé. Détail précieux, le fond à droite n'est pas un paysage, mais un tableau, rapelant qu'il est collectionneur. Dans sa main gauche, il tient un médaillon précieux. Autour du cou, il porte encore la fraise, qui tombera bientôt en désuétude au profit du col plat.</p><p>L'expression du visage contraste fortement avec le faste de son environnement. Tassé dans son fauteuil, l'homme nous regarde presque avec inquiétude et timidité, comme s'il craignait notre jugement. Vand Dyck saisit avec délicatesse la faiblesse intérieure du personnage. Bourdon saura de la même manière saisir cette intimité désarmée qui fait toute la valeur d'un portrait.</p>

<p>Provenant de la galerie Gonzague de Mantoue, <em>L’Homme aux gants</em> du Titien, bien qu'on ne connaisse pas l'identité exacte de son modèle, représente un jeune courtisan de l'époque et du milieu de Balthasar Castiglione. Le tableau est passé, avec les pièces les plus précieuses de cette collection, à Charles I<sup>er</sup> d’Angleterre en 1627, où Van Dyck a pu le voir. Il n'entre que plus tard dans les collections royales françaises, et de là au Louvre.</p><p>Dans <em>L’Homme aux gants</em>, Titien sublime l’élégance masculine à travers un jeu subtil entre les mains et les accessoires. Les gants, posés dans les mains détendues du modèle, ne sont pas simplement un attribut vestimentaire : ils deviennent un symbole de raffinement, de richesse intérieure et de maîtrise de soi. Les mains, soignées, presque efféminées, parlent silencieusement du statut social, de la culture et de la réserve de cet homme. La pose calculée, ni rigide ni relâchée, traduit une grâce discrète, une élégance tranquille, presque mélancolique. Chez Titien, la main devient langage. C’est ce que l’on retrouve chez Bourdon, où la main, par sa retenue et sa grâce, témoigne du statut paisible et maîtrisé du modèle, en contraste avec un décor agité qui laisse entrevoir une certaine tension intérieure.</p>