Esther et Assuérus - Tintoret
Analyse
Esther est l'épouse juive du roi de Perse Assuérus. Haman, ministre d'Assuérus, a conseillé au roi de faire exécuter tous les Juifs de l'empire qui ne se prosterneraient pas devant ses statues. Or la loi juive interdit formellement un tel culte : le massacre des Juifs semble inéluctable. Esther tente alors une démarche désespérée. Bravant la loi qui interdit de comparaître devant le roi sans y avoir été invité, elle se présente devant Assuérus pour intercéder en faveur de son peuple :
« Et le troisième jour, lorsqu'elle eut fini de prier, elle dépouilla les habits de la servitude et se revêtit de sa gloire, et redevenue éclatante, après avoir invoqué le Dieu qui voit toutes choses et qui sauve, elle prit avec elle deux servantes… et elle-même s'avança rougissante … tandis que son cœur était oppressé par la crainte. Ayant franchi toutes les portes, elle s'arrêta devant le roi. Or, il était assis sur son trône royal, et il s'était revêtu de toute sa magnificence, et il était couvert d'or et de pierres précieuses, et il était terrible. Et quand il leva son front rayonnant de majesté, un éclair de fureur brilla dans son regard. Et la reine tomba, et son teint se changea en une mortelle pâleur, et elle se pencha sur la tête de la servante qui la précédait. Et Dieu adoucit l'esprit du roi ; et saisi d'angoisse, Artaxerxés s'élança de son trône, et il la prit dans ses bras jusqu'à ce qu'elle revint, et il la consola par des paroles caressantes, et il lui dit : Esther ! Qu’y a-t-il, je suis ton frère, rassure-toi, tu ne mourras point ; mais notre loi est pour tous ; approche. » (Esther, V, 1 les italiques signalent les ajouts de la version de la Septante par rapport au texte hébraïque)
Le Tintoret peint le moment où Esther se trouve mal : ses servantes et un courtisan se précipitent pour prévenir sa chute, et le roi, abandonnant sa majesté, se jette en avant pour la secourir. Les autres personnes, hommes et femmes, se rapprochent pour mieux voir l’événement.
A partir de la poitrine d’Esther, les mouvements déclenchés par l’émotion, qui gagne les spectateurs, forment des cercles concentriques. Le premier correspond aux bras d’une servante qui s’ouvrent, pour enserrer  les têtes penchées sur la reine. Celles des autres témoins forment un second cercle, astucieusement rattaché au premier, par le visage d’un homme qui s’y agrège. Tout tourne bien autour d’Esther, même la lumière, qu’elle est la seule à recevoir directement.
En haut à gauche, un étrange personnage se tient derrière Assuérus, en retrait comme s'il essayait de le retenir. Une longue écharpe bleue enserre son cou. On a proposé de l'identifier à Haman. L'écharpe préfigurerait son sort : il sera pendu.
3. Une autre version, de dimensions similaires, se trouve à l'Escorial, considérée généralement comme une réplique d'atelier.
Informations techniques
Notice #012242