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Recherche infructueuse

La RĂ©forme - Wilhelm von Kaulbach

Date :
Entre 1854 et 1855
Nature de l'image :
Peinture sur toile
Dimensions (HxL cm) :
900x800
Sujet de l'image :
Lieu de conservation :
collection Luther, IKZG-RE

Analyse

Das Zeitalter der Reformation.

« Nul parmi nous, il faut savoir le reconnaĂźtre avec sincĂ©ritĂ©, ne pourrait rien faire qui ressemblĂąt au carton que M. Kaulbach nous montre aujourd’hui. Il est intitulĂ© la RĂ©formation, et l’on pourrait le surnommer l’École d’AthĂšnes du protestantisme. Nous en parlerons avec quelques dĂ©tails, car c’est le seul moyen de faire comprendre par quel procĂ©dĂ©, Ă  la fois simple et ingĂ©nieux, M. Kaulbach arrive Ă  ordonner de si grandioses compositions.
La scĂšne se passe dans une cathĂ©drale allemande, cathĂ©drale gothique, car le protestantisme fera pour le culte qu’il vient remplacer ce que ce dernier a fait jadis pour le paganisme : il prendra ses demeures, les purifiera et y installera la loi nouvelle. Deux colonnes la soutiennent, ce sont les colonnes de la foi ; devant chacune d’elles se tient un roi guerrier et une reine : Gustave-Adolphe et Elisabeth d’Angleterre. Au fond du chƓur semi-circulaire sont assis les prĂ©curseurs, ceux qui, Ă©branlant peu Ă  peu l’autoritĂ© spirituelle et temporelle de la papautĂ©, ont enfin permis aux peuples de substituer le dogme du libre examen Ă  celui de l’autoritĂ© infaillible : ce sont Wiclef, Geiler de Kaisersberg, qui fut un des plus ardens fustigateurs du clergĂ© de son temps, Jean Wessel le thĂ©ologien hollandais, Jean Huss, Pierre Walde, Arnaud de Brescia, Abailard, Savonarole et TaĂŒler, un des plus rudes lutteurs du XIIIe siĂšcle. Devant eux, debout, Ă©levant la Bible allemande entre ses mains, Luther montre Ă  l’humanitĂ© le grand prĂ©cepte : « aime ton prochain comme toi-mĂȘme ; » L’artiste l’a reprĂ©sentĂ© jeune, vigoureux ; plein d’enthousiasme et de foi, tel qu’il devait ĂȘtre Ă  Worms quand il brĂ»la solennellement la bulle. A sa droite se tient Zwingle, Ă  sa gauche Juste Jonas ; prĂšs de ce dernier, Bugenhagen, le rĂ©formateur pomĂ©ranien, un calice Ă  la main, se penche vers Jean de Saxe et Jean-FrĂ©dĂ©ric ; derriĂšre ces deux personnages, on aperçoit Albert de Brandebourg et des conseillers des villes hansĂ©atiques. A cĂŽtĂ© de Zwingle, Calvin, vieux, sec et anguleux, offre la communion Ă  un groupe oĂč l’on reconnaĂźt des Suisses, des huguenots français, Coligny et Maurice de Saxe ; au-dessous d’eux se dressent Guillaume d’Orange et Barneveldt. — C’est lĂ  le cĂŽtĂ© religieux et politique de la composition, il est complĂ©tĂ© par les Anglais cĂ©lĂšbres : Essex, Burleigh, Drake, Cranmer et Thomas Morus, qui suivent la reine Elisabeth. Au centre mĂȘme du tableau, M. Kaulbach a placĂ© les hommes qui reprĂ©sentent ce qu’on pourrait appeler l’alliance de la paix, Ăąmes douces et indulgentes qui ont tout fait pour calmer les esprits, pour amener des concessions mutuelles, pour arriver enfin au compromis satisfaisant de la confession d’Augsbourg : ce sont MĂ©lanchthon, Éberhardt de Tann, qui, conseiller de Saxe, mit Ă  l’apaisement gĂ©nĂ©ral une ardeur extraordinaire, puis Ulrich Zase, qui, comme diplomate, fut un des agens les plus actifs de la pacification. Au-dessous d’eux et symbolisant la dĂ©mocratie intelligente, travailleuse, honnĂȘte et prĂ©occupĂ©e de l’Allemagne, je vois Hans Sachs, le cordonnier poĂšte, qui fut, comme chacun sait, un des hommes les plus Ă©tranges de son temps.
Ce n’est pas tout, car il y a eu Ă  l’époque de la rĂ©formation d’autres hommes que des thĂ©ologiens, des diplomates et des soldats. Il y a eu un mouvement pacifique qui a bouleversĂ© le monde par des dĂ©couvertes dans les lettres, les sciences et les arts. M. Kaulbach s’est bien gardĂ© de l’oublier, et il l’a reprĂ©sentĂ© avec une largeur de pensĂ©e extraordinaire. Le premier groupe placĂ© Ă  la droite du spectateur comprend les humanistes, les poĂštes, les orateurs, les historiens : Jacques Balde, le jĂ©suite poĂšte, PĂ©trarque, l’Espagnol VivĂšs, le philologue Ficin, Pic de la Mirandole, Campanella, Machiavel. A leur tĂȘte semblent marcher les deux hommes qu’on appelait de leur vivant les deux yeux de l’Allemagne, Érasme et Reuchlin ; puis viennent Shakspeare, Cervantes, le jurisconsulte français Dumoulin, le cardinal Krebs, qui changea son nom barbare en celui de Cusa, sa ville natale, le poĂšte Celtes ; prĂšs d’eux, voici Ulrich de Hutten, un des ardens promoteurs du protestantisme, et le prĂ©dicateur Kuhhom, qui latinisa son nom et en fit Bucerus. Au-dessus d’eux, Gutenberg montre avec orgueil la premiĂšre feuille sortie de sa presse ; Ă  ses cĂŽtĂ©s se tient Laurent Koster, que la Hollande regarde comme l’indiscutable inventeur de l’imprimerie. Ensuite voici les artistes, le graveur Pierre Vischer, LĂ©onard, RaphaĂ«l, Michel-Ange, et tout en haut, le dernier ou le premier, Albert DĂŒrer, dont le broyeur de couleurs est M. Kaulbach lui-mĂȘme. De l’autre cĂŽtĂ©, Ă  la gauche du spectateur, l’artiste a placĂ© ceux que, faute d’un mot français, je nommerai les dĂ©couvreurs, ceux qui en fouillant la nature ont puissamment aidĂ© l’humanitĂ© Ă  se dĂ©gager des tĂ©nĂšbres du moyen Ăąge, des fictions dangereuses et des superstitions de la magie. Le plus grand de tous, le plus sombre, car sa vie fut dure, apparaĂźt Colomb, posant sa main enchaĂźnĂ©e sur le globe terrestre, auquel il a ajoutĂ© un monde ; il est, pour ainsi dire, le centre vers, lequel se tournent le gĂ©ographe Behaim, le grammairien SĂ©bastien Munster, Bacon, Harvey, AndrĂ© VĂ©sale, Franck, qui Ă©crivit l’histoire du monde, Paracelse et le botaniste LĂ©onard Fuchs ; au-dessus d’eux, Giordano Bruno, Cardan, Tycho-BrahĂ©, Kepler, puis GalilĂ©e et enfin Copernic.
Tel est l’ensemble de cette immense composition qui, dans une description Ă©crite, peut paraĂźtre confuse, mais oĂč le peintre a rĂ©pandu une luciditĂ© extraordinaire. La division des groupes est si bien observĂ©e, le rayonnement des idĂ©es consĂ©cutives autour de l’idĂ©e-mĂšre est si nettement formulĂ©, l’action des personnages est si simple et en mĂȘme temps si prĂ©cise, que cet Ă©norme dessin se lit et se comprend d’un coup d’Ɠil ; il se passe de commentaire, on peut facilement saisir tout ce que l’auteur a voulu dire. Cette clartĂ© dans l’allĂ©gorie positive de l’histoire est une des qualitĂ©s les plus remarquables de M. Kaulbach ; elle suffirait Ă  lui donner un rang enviable parmi les peintres, si son admirable talent de dessinateur n’en faisait le premier artiste de l’Allemagne. C’est beaucoup d’avoir de bonnes idĂ©es et de vouloir faire entrer la philosophie historique dans l’art : nous avons eu en France des hommes qui ont tentĂ© cette haute aventure et qui ont Ă©chouĂ© dans leur Ɠuvre parce qu’ils n’avaient eu que la conception et qu’ils ne pouvaient, comme M. Kaulbach, exĂ©cuter, eux-mĂȘmes et d’une façon irrĂ©prochable les compositions palingĂ©nĂ©siques qu’ils avaient imaginĂ©es. C’est lĂ  la vĂ©ritable originalitĂ© et la force rĂ©elle de M. Kaulbach, sa main va de pair avec son cerveau ; on peut lui appliquer la vieille dĂ©finition de l’homme : c’est une intelligence servie par des organes. Pour lui, l’art est l’expression plastique d’une pensĂ©e toujours Ă©levĂ©e ; il est loin, comme on le voit, des peintres qui s’imaginent qu’il suffit de rendre un morceau d’étoffe, de chiffonner, un pli de draperie. pour ĂȘtre un artiste. M. Kaulbach n’est pas seulement grandiose ; son trĂšs riche clavier est loin d’avoir une note unique, son Reineke Fuchs montre les cĂŽtĂ©s ironiques, railleurs de son talent multiple, et dans ses illustrations de l’Ɠuvre de Goethe il est arrivĂ© Ă  une Ă©motion profonde, Ă  un sentiment exquis. Lolotte distribuant des tartines aux enfans, le Jardin de Lili, Gretchen Ă  la fontaine, Goethe patinant, sont des chefs-d’Ɠuvre. Claire appelant le peuple aux armes est Ă©gal dans son genre Ă  la musique de Beethoven sur le mĂȘme sujet. Quant Ă  sa façon de peindre, elle est un peu sĂšche, ainsi qu’on peut le voir dans les galeries rĂ©servĂ©es Ă  la Prusse, et oĂč M. Kaulbach a mis plusieurs portraits ; mais elle est prĂ©cise, franche d’allure et sans miĂšvreries : elle tient une sorte de juste milieu trĂšs raisonnable entre les empĂątemens excessifs auxquels nous sacrifions trop souvent en France, et la duretĂ© des peintres anglais. On voit qu’entre les mains de l’artiste la couleur est un moyen et non pas un but. Quand il a suffisamment rendu sa pensĂ©e, il passe outre et fait bien. Nous comprenons qu’en Allemagne M. Kaulbach soit un maĂźtre vĂ©nĂ©rĂ© et que Berlin ait fait quelques sacrifices pour l’enlever Ă  Munich ; les peuples intelligens sont ceux qui savent attirer et retenir les grands artistes. » (Revue des deux mondes, 1867, tome 70, p. 136-138)

Informations techniques

Notice #015443

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Identifiant historique :
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