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Iphigénie en Aulide : la mort d’Eriphile ? - Felice Torelli

Date :
Entre 1730 et 1748
Nature de l'image :
Peinture sur toile
Dimensions (HxL cm) :
80x98 cm
Lieu de conservation :

Analyse

Cette représentation du sacrifice d’Iphigénie s’écarte du modèle traditionnel, et le roi furieux du premier plan à droite peut difficilement être identifié à l’Agamemnon horrifié et se voilant la face devant l’infaticide qu’il est forcé de commettre, selon le modèle fixé dans la tradition iconographique depuis Timanthe.
Je propose donc d’interpréter ce tableau comme une représentation de l’issue de la tragédie d’Iphigénie telle que Racine l’a modifiée, suivi ensuite par les adaptations lyriques du XVIIIe siècle, et notramment l’Ifigenia in Aulide de Cark Heinrich Graun sur un livret de Leopoldo de Villati (Berlin, 1748).

Chez Racine, Achille est le personnage principal lors du sacrifice. Achille est furieux et s’oppose de toute sa puissance à l’exécution du sacrifice : c’est ce que nous voyons ici au premier plan à droite. Le récit de cette scène est rapporté par Ulyssen qui pourrait être le guerrier placé juste derrière Achille. Sur le bûcher, ce n’est Iphigénie, mais Eriphile qui s’effondre. Elle n’est pas sacrifiée par Caclachas, mais se suicide ou s’apprête à se suicider. Derrière elle, Calchas ne brandit nullement le couteau du sacrifice, mais semble un peu désemparé face à ce qui arrive. Antre Eriphile et Achille, à l’arrière-plan, la jeune femme qui se recule en pleurant est Iphigénie.
Un élément demeure cependant mystérieux : pourquoi ce cerf à l’arrière-plan ? Dans les représentations orthodoxes du sacrifice d’Iphigénie, une biche (non un cerf) vient se substituer à Iphigénie, mais ni biche ni cerf chez Racine.

Mais, quoique seul pour elle, Achille furieux
Épouvantait l’armée, et partageait les dieux.
Déjà de traits en l’air s’élevait un nuage ;
Déjà coulait le sang, prémices du carnage :
Entre les deux partis Calchas s’est avancé,
L’œil farouche, l’air sombre, et le poil hérissé,
Terrible, et plein du dieu qui l’agitait sans doute :
« Vous, Achille, a-t-il dit, et vous, Grecs, qu’on m’écoute,
« Le dieu qui maintenant vous parle par ma voix
« M’explique son oracle, et m’instruit de son choix.
« Un autre sang d’Hélène, une autre Iphigénie
« Sur ce bord immolée y doit laisser sa vie.
« Thésée avec Hélène uni secrètement
« Fit succéder l’hymen à son enlèvement :
« Une fille en sortit, que sa mère a celée ;
« Du nom d’Iphigénie elle fut appelée.
« Je vis moi-même alors ce fruit de leurs amours :
« D’un sinistre avenir je menaçai ses jours.
« Sous un nom emprunté sa noire destinée
« Et ses propres fureurs ici l’ont amenée.
« Elle me voit, m’entend, elle est devant vos yeux ;
« Et c’est elle, en un mot, que demandent les dieux. »
Ainsi parle Calchas. Tout le camp immobile
L’écoute avec frayeur, et regarde Ériphile.
Elle était à l’autel ; et peut-être en son cœur
Du fatal sacrifice accusait la lenteur.
Elle-même tantôt, d’une course subite,
Était venue aux Grecs annoncer votre fuite.
On admire en secret sa naissance et son sort.
Mais puisque Troie enfin est le prix de sa mort,
L’armée à haute voix se déclare contre elle,
Et prononce à Calchas sa sentence mortelle.
Déjà pour la saisir Calchas lève le bras :
« Arrête, a-t-elle dit, et ne m’approche pas.
« Le sang de ces héros dont tu me fais descendre
« Sans tes profanes mains saura bien se répandre. »
Furieuse, elle vole, et, sur l’autel prochain,
Prend le sacré couteau, le plonge dans son sein.
À peine son sang coule et fait rougir la terre,
Les dieux font sur l’autel entendre le tonnerre ;
Les vents agitent l’air d’heureux frémissements,
Et la mer leur répond par ses mugissements ».

Informations techniques

Notice #016625

Image HD

Identifiant historique :
B5944
Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
Wikimedia commons