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Didon accueille Énée à Carthage (Compendium operum Virgilianorum) l’arrière-plan

Analyse

La gravure condense la totalité des événements du livre I. L'illustrateur hérite du système territorial en triptyque de la Renaissance, avec ses trois espaces correspondant à trois temps du récit : au fond à droite, la tempête et l'arrivée des bateaux sur les côtes libyennes ; puis au centre Énée débarquant sur le parvis du palais de Didon, accompagné de son fils Ascagne ; enfin à gauche Didon l'accueillant.

Il s'agit d'une véritable réorganisation narrative, qui transforme le texte virgilien. Cette réorganisation s'appuie sur le résumé qui est donné en dessous de la gravure, sous la forme d'un sonnet dont les quatre strophes correspondent à quatre temps du récit.

Pour rendre Troie & sa goire abolie
Et de sa gent empescher l'auantage
Que promettoit le destin sur Cartage,
Ivnon d'ardeur va mouuoir l'Eolie.
  Enée en mer recule d'Italie
Va prendre terre au Lybique riuage :
Refaict ses gens de venaison sauuage :
La flotte esparse ensemble se rallie.
  Venus au bois en vierge deguisee
Porte au carquois mainte fleche aiguisee
Et a son fils donne adresse oportune
  En son palais Didô voire en son cœur
Reçoit feu hoste. Enée ainsi vainqueur
En endurant surmonte la Fortvne.

L'illustrateur ne structure pas directement l'image à partir du texte de Virgile, mais à partir du sonnet, qui consiste déjà dans une première condensation narrative. L'image va accentuer cette condensation. Nous allons voir cependant que dans le détail, le texte de Virgile est bien convoqué dans l'image au delà de ce qui est dit dans le sonnet.

Le premier quatrain est traité comme un décor de fond : ce peut être ce qu'on voit depuis la terrasse du palais de Didon à Carthage, comme ce peut être une tapisserie sur le mur récapitulant les malheurs d'Énée en mer, comme les bas-reliefs du temple de Junon, dans le texte virgilien, récapitulent la guerre de Troie. En haut sont représentées une plantureuse Vénus à gauche et Junon à droite, flanquée de son paon. Le conflit de ces deux déesses structure et commande l'ensemble du récit (comme suggéré par les deux distiques en latin sous l'image). Junon commande la tempête sous elle, on fait l'économie d'Éole. Sous les rais de l'orage surgit Neptune, tenant son trident entre deux chevaux pour calmer la tempête. A gauche et à droite, deux vaisseaux sont ballotés : point d'Énée, point de prière dans la tempête. En bas à quai, quatre bateaux ont accosté, un d'un côté, trois de l'autre pour respecter la division de la flotte racontée par Virgile.

Un seul espace est dévolu au second quatrain et au premier tercet, c'est le parvis du palais, qui devient l'espace principal, la scène de l'image, occupée par Énée, Ascagne et deux gardes. Entre Énée et Ascagne, une marche sépare les deux strophes du sonnet, dont l'illustrateur ne retient que  la substitution de Cupidon à Ascagne par Vénus, à droite, et Énée prenant terre à gauche.

Enfin, complètement à gauche, Didon s'avance à la rencontre d'Énée, suivie de sa sœur Anna et d'une servante. Entre Énée et Didon, la porte du palais brillamment éclairée figure la séparation qui tombe et l'ouverture de la rencontre. Didon est placée sur une marche supérieure au seuil où Énée se trouve. Le seuil devient la scène qu'observent les spectateurs : les deux gardes, et même Ascagne-Cupidon.

Ainsi émerge un espace unique, avec une perspective unique, dont le point de fuite est indiqué par les lignes de la façade du palais et les marches du seuil : c'est Neptune en mer. Le « quos ego… » de la colère de Neptune, qui interrompt le texte pour faire advenir le site du spectacle, devient à l'âge classique le point de mire de la scène.

Sources textuelles :
Virgile, Énéide, Livre 01 (Tempête, Arrivée à Carthage, Accueil de Didon)

Informations techniques

Notice #018522

Image HD

Identifiant historique :
B7841
Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
Bibliothèque numérique Gallica, Bibliothèque nationale de France (https://gallica.bnf.fr)