Nativité (version de Buenos Aires) - Tintoret
Analyse
Dans une étable ouverte à tous vents, Marie est assise, les jambes allongées sur un lit de paille, qu’elle partage avec un bœuf accroupi. Elle regarde l’enfant Jésus, posé nu sur le manteau bleu qui l'enveloppe. A droite une jeune femme apporte un seau d’eau et regarde la mère et l’enfant. Concentrée sur sa tâche, elle ne s'attendrit pas sur la scène centrale. A gauche, un vieux chien renifle la paille.
C’est au centre que l’action se noue : un âne pointe sa tête et sa gueule menace l’enfant. Il est monté par un jeune homme aux cheveux blonds bouclés qui, de sa main droite, brandit son bâton, tandis que son bras gauche enserre le cou de l’animal. Retient-il sa monture ou la pousse-t-il ? Joseph qui éclairait la scène avec une bougie, se retourne affolé vers le jeune homme et, comme sa main gauche est occupée à remonter le manteau sur les épaules de Marie, il croise les mains et essaie d’arrêter l’animal de sa main droite !
L’âne est traditionnellement représenté dans les nativités, mais toujours comme un animal inoffensif : pourquoi celui-ci semble-t-il dangereux ? Le Tintoret fait allusion à un épisode du livre biblique des Nombres (22, 17-22), à l’ânesse de Balaam, qui voyait le Seigneur sur le chemin alors que le prophète ne le voyait pas. L’âne est un animal capable de discerner ce que les humains ne voient pas, il montre l’identité divine de l’enfant Jésus. Il la montre à ces deux personnes, et bien sûr aux spectateurs qui ne voient qu’un incident.
L’Enfant et Marie n’ont pas peur de l'âne, qu'ils accueillent avec sérénité, formant avec lui au centre de la composition le triangle régulier d'une scène intime. Le Tintoret réalise ainsi un audacieux dispositif d'effraction scénique, où le passage de l'espace vague à l'espace restreint de la scène proprement dite est mis en œuvre par l'âne.
Informations techniques
Notice #021465