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Recherche infructueuse

Il charge sur son épaule le plus triste des fardeaux (Célestine, t. 2) - Bovinet d'après Challiou

Analyse

Le deuxième tome du roman a pour toile de fond la guerre entre Républicains et Émigrés. Les Républicains veulent conquérir les territoires limitrophes à la France, notamment le territoire qui va de Maestricht à Bruxelles, où se trouvent les personnages ; les Émigrés quant à eux cherchent à renverser la République. D'Orméville, le héros du roman, s'est enrôlé comme noble dans les rangs de l'armée émigrée. Mais trompé par Rasoni, son antagoniste machiavélique, il se retrouve seul en chemin et échappe de peu aux « Gendarmes » (Bellin de la Liborlière, Célestine t. II, Hambourg et Brunswick, Fauche, 1798, p. 164). Il parvient à les fuir après s'être caché dans une église (p. 168). C'est ce cadre qui est suggéré au second plan de l'image. Il a ensuite marché le long de la route où il a fini par tomber par hasard sur sa femme, Célestine. Celle-ci avait reçu la fausse nouvelle de sa mort. Ne trouvant plus aucune raison de vivre, elle refusait de quitter la ville de Bruxelles, sur le point de tomber aux mains des Français républicains. C'est avec désespoir qu'elle avait ensuite suivi sa mère, la Comtesse, et leur servante, sur les routes d'un territoire déchiré par la guerre. C'est lorsqu'elle est assise avec sa mère « sur le bord d'un fossé » (p. 187) que d'Orméville tombe sur elle et contrecarre les plans de Rasoni. Célestine ne résiste pas à l'excès d'émotion qui la gagne. Elle s'évanouit et d'Orméville la soutient. Croyant sentir la mort venir, elle articule ces derniers mots : « je meurs, mais je meurs contente puisque je t'ai retrouvé » (p. 188). Cela semble confirmé par sa mère et par Brunon, la servante, qui voient dans la posture de Célestine un signe « sinistre avant-coureur de la mort » (p. 189). D'Orméville, ne sachant comment réagir, envisage de se donner la mort pour mourir avec sa femme. Mais des Français républicains surviennent et l'incitent à emporter loin de « la fureur de ses ennemis » (p. 189) le corps de sa femme qu'il pense à tort perdue.

La gravure illustre ce moment où d'Orméville, habillé en soldat émigré, soulève le corps de Célestine pour le transporter. Celle-ci a la tête en arrière et semble inerte. Les deux personnages positionnés des deux côtés du couple malheureux, ce qui met justement en valeur les deux personnages principaux, sont la Comtesse et la servante.

Le choix de la scène est en lui-même significatif. Ce sont d'une part les retrouvailles des époux qui, comme le titre du roman l'indique, ne se retrouvent jamais concrètement ; et c'est d'autre part un moment où leur vie est en jeu. Célestine est aux portes de la mort et les Français républicains ne sont pas loin. La scène, en plus d'être pathétique, se veut également noire : d'Orméville fait encore une fois figure de revenant ; et Célestine également reviendra de la mort quand elle se sera remise de son état léthargique.

Annotations :

1. Signé sous la gravure à gauche « Challiou del. », à droite « Bovinet Sculp. »
Légende dans le cartouche : « Il charge sur son épaule le plus triste des fardeaux. »

Sources textuelles :
Bellin de la Liborlière, Célestine ou les époux sans l'être

Informations techniques

Notice #022035

Image HD

Traitement de l'image :
Image web