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Recherche infructueuse

L'Infortunée !... elle s'appelait comme moi ! (Célestine, t. 4) - d'après Fortier

Notice précédente Notice n°4 sur 4

Date :
1800
Nature de l'image :
Gravure sur cuivre
Sujet de l'image :
Y2-21568
Œuvre signée

Analyse

Dans le dernier tome du roman, Célestine poursuivie par Rasoni, a trouvé refuge auprès d'amis. Rasoni a tout de même réussi à éloigner d'Orméville, le mari malheureux de Célestine. Les amis de Célestine lui conseillent donc de loger un temps dans un couvent, le temps que d'Orméville revienne, ce qui ne s'annonce plus très long. En effet, Célestine se promet de passer sa dernière nuit dans le couvent avant les retrouvailles avec son mari. Ce moment du roman se veut donc réjouissant pour mieux annoncer le dénouement tragique qui suit : Célestine « se livroit au riant espoir d'un avenir heureux » (Bellin de la Liborlière, Célestine t. IV, Hambourg et Brunswick, Fauche, 1798, p. 104). Avant de s'endormir, elle décide de faire un petit tour dans le cimetière du couvent mais n'y voit que des mauvais présages. L'extrait se veut particulièrement noir : perdue dans ses rêveries, elle se prosterne sans le vouloir devant « une tombe » et ressent un « un froid mortel » qui lui annonce « le présage le plus sinistre » (ibid.).

Rasoni, qui de surcroît voulait initialement tromper d'Orméville qui aurait pu passer dans ces lieux, avait pris soin de faire enterrer une servante décédée dans ce cimetière en inscrivant sur sa tombe le nom de celle qu'il convoite, « Célestina » (p. 105). Cela était destiné à faire croire à son rival que sa femme était morte. Mais c'est l'héroïne qui tombe dessus, ce qui annonce sa propre mort.

C'est le moment que représente la gravure. Célestine s'est relevée et regarde avec effroi la tombe qui porte son nom. Le décor est typique des romans noirs : on ne voit pas l'abbaye qui est censée être à côté du cimetière, mais une forêt touffue rend le lieu sombre et sauvage, et les nombreuses tombes confèrent une dimension macabre au lieu. On observe trois croix, qui entourent Célestine à la manière d'un triptyque, des tombes, et une petite tête de mort qui accompagne une épitaphe. La tonalité générale est plutôt sombre, ce qui met en valeur la figure blanche de l'héroïne dans la nuit, vêtue d'une robe flottante qui la fait ressembler à un fantôme.

Un second personnage est également présent sur la gravure. Il s'agit de Rasoni, discrètement présent à droite de l'image. Ce n'est que dans un second temps que Célestine aperçoit « une figure pâle et décharnée qui la contemploit avec un sourire amer » (p. 106). Elle ne peut que douter de ce qu'elle voit étant donné qu'il « avoit été tué » (p. 107) à plusieurs reprises dans le roman. Rasoni incarne la figure du revenant : alors que personne ne l'attend, il revient dans l'intrigue au pire des moments pour enlever Célestine et entraîner la mort de d'Orméville. L'héroïne n'y voit avec recul qu'un « fantôme » (ibid.), d'autant plus que cette apparition a « plutôt l'air d'un spectre que d'une créature vivante » (p. 106). Rasoni est en effet amaigri, pâle et immobile. Pour rendre son apparence spectrale, l'image le représente enveloppé dans un vêtement ample et avec un chapeau haut-de-forme qui allonge sa silhouette. Cela masque aussi en partie son visage. L'image répond à l'horizon d'attente du lecteur qui voit représentée sur la dernière illustration du roman l'héroïne typique du roman noir - une femme belle et blanche qui en appelle à l'« infortune » (p. 105) ; l'oppresseur qui se tapit dans l'ombre sous la forme d'un spectre ; une forêt inexpugnable pour toile de fond que l'on pénètre en suivant « des sentiers tortueux » (p. 106) ; et un cimetière qui évoque la mort.

Annotations :

1. Signé sous la gravure à gauche « fortier Sculp ».
Légende dans le cartouche : « L'Infortunée !... elle s'appelait comme moi ! »

Sources textuelles :
Bellin de la Liborlière, Célestine ou les époux sans l'être

Informations techniques

Notice #022037

Image HD

Traitement de l'image :
Image web