Dispute de Pamela & de M. B sur l’allaitement (Pamela 1742, vol. 4) - Gravelot
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Analyse
Alors que PamĂ©la est enceinte, survient sa première dispute avec son mari, sur l’allaitement des enfants : « Je crois qu’il est du devoir d’une mere de nourrir son enfant, si elle le peut. M. B…… s’est dĂ©clarĂ© qu’il ne permettroit pas que je me rĂ©glasse sur cette maxime. » (Dans l’édition de 1782, tome septième, lettre III de PamĂ©la Ă ses parents, p. 12.) M. B tient pour la nourrice, et argumente Bible Ă l’appui. Juste avant la scène ici illustrĂ©e, M. B a remis, très en colère, Ă PamĂ©la la rĂ©ponse de ses parents, qui lui prĂŞchent en fait l’obĂ©issance Ă son mari. Il s’est retirĂ© pendant qu’elle lisait et revient entendre leur verdict :   Â
« Eh bien, PamĂ©la, me dit-il d’un air un peu sĂ©rieux ! que dit le digne couple ?   Â
O Monsieur ! rĂ©pondis-je, ils se dĂ©clarent pour vous ; ils disent que le meilleur pour moi est de cĂ©der.   Â
[33] Ils ont certainement raison, chere petite insolente, reprit-il. Mais n’êtes-vous pas une rebelle de me donner tout cet embarras avec vos impertinents scrupules ?
Non, Monsieur, repartis-je, pensant que ma conduite lui avoit un peu dĂ©plu ; non, n’appellez pas ainsi mes scrupules. Quoique mon pere & ma mere me conseillent d’acquiescer Ă ce que vous souhaitez, je suis pourtant encore un peu dans le doute. Mais comme c’est votre volontĂ©, & que vous avez rĂ©solu que la chose soit ainsi, il est de mon devoir de vous cĂ©der en ce point.   Â
Mais cĂ©dez-vous avec plaisir, ma chere, reprit-il ?   Â
Oui, Monsieur, rĂ©pondis-je, & quoi qu’il en arrive, je ne disputerai plus sur ce sujet. Je vous demande pardon d’être revenue si souvent Ă la charge. Mais vous n’ignorez pas, Monsieur, que, quand un esprit foible se forme des scrupules, il ne doit pas cĂ©der implicitement, & doit attendre qu’on les ait levĂ©s ; autrement, il sembleroit que l’obĂ©issance ne seroit pas libre.    Vous ĂŞtes fort obligeante Ă prĂ©sent, ma chere, rĂ©pondit-il. Mais je puis vous dire que vous m’avez Ă moitiĂ© fâchĂ©. Je ne vous l’aurois cependant pas fait paroĂ®tre, Ă cause des circonstances oĂą vous vous rencontrez. Car enfin je ne me serois jamais attendu que vous eussiez cru qu’il Ă©toit nĂ©cessaire d’en appeller, mĂŞme Ă votre pere & Ă votre mere, sur un sujet oĂą mon parti Ă©toit pris, comme vous l’avez pu remarquer toutes les fois que nous en avons parlĂ©.   Â
[34] Ces mots furent un coup de foudre pour moi. Je baissai les yeux, n’ayant pas le courage de les lever sur lui, de peur de trouver son visage aussi mortifiant que ses paroles. Mais il me prit les deux mains, me tira obligeamment près de lui, & me baisa, disant : Excusez-moi, ma chere amour, je ne suis point fâchĂ© contre vous…… Parlez-moi, ma chere…… Pourquoi coulent ces prĂ©cieuses perles ? En mĂŞme-temps il me baisa encore… Parlez-moi, ma PamĂ©la.   Â
Je parlerai, Monsieur… je parlerai… aussitôt que je le pourrai, répondis-je ; car comme c’étoit la premiere censure qu’il m’eût adressée si sérieusement, j’avois le cœur gros. Mais comme je savaois qu’il seroit fâché si je ne parlois pas, & qu’il croiroit que je faisois l’obstinée, j’ajoutai avec un grand embarras : Je souhaiterois, Monsieur… je souhaiterois… que vous eussiez voulu m’épargner un peu plus long-temps, par cette même considération. »
1. En haut à droite « Vol. IV. p. 29. ». En bas à droite « H. Gravelot inv et S »
Informations techniques
Notice #004494