La statue d’amour (Alciat, Emblematum Libellus, 1542, n°97)
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Analyse
1. In statuam Amoris. [Emblème] XCVII.
Quis sit Amor, plures olim cecinere Poetae,
Eius qui vario nomine gesta ferunt.
Convenit hoc, quod veste caret, quod corpore parvus,
Tela alasque ferens, lumina nulla tenet.
Haec ora hic habitusque Dei est. Sed dicere tantos
Si licet in vates, falsa subesse reor.
Eccur nudus agat ? Divo quasi pallia desint,
Qui cunctas domiti possidet orbis opes ?
Aut qui quaeso nives, boreamque evadere nudus
Alpinum potuit, strictaque prata gelu ?
Si puer est, puerumne vocas qui Nestora vincit ?
An nosti Ascraei carmina docta senis ?
Inconstans puer hic obdurans pectora, quae iam
Trans adiit, numquam linquere sponte potest.
At pharetras et tela gerit, quid inutile pondus ?
An curvare infans cornua dira valet ?
Alas curve tenet, quas nescit in aethera ferre ?
Inscius in volucrum flectere tela iecur.
Serpit humi, semperque virum mortalia corda
Laedit, et haud alas saxeus inde movet.
Si caecus, vittamque gerit, quid taenia caeco
Utilis est ? Ideo num minus ille videt ?
Quisve sagittiferum credat qui lumine captus ?
Hic certa, at caeci spicula vana movet
Igneus est, aiunt, versatque in pectore flammas.
Cur age vivit adhuc ? Omnia flamma vorat.
Quinetiam tumidis cur non extinguitur undis
Naiadum, quoties, mollia corda subit ?
At tu ne tantis capiare erroribus, audi :
Verus quid sit Amor, carmina nostra ferent.
Iucundus labor est, lasciva per otia : signum
Illius est nigro punica glans clypeo.
2. Traduction française par Lefevre, Paris, Wechel, 1536 (même gravure) :
A la statue d’amour.
Plusieurs escripvains ont pris peine,
De faire escripture certaine,
Du dieu d’amours, & sa facon.
Et dient que c’est ung garcon,
Qui n’est point homme devenu.
Et va volant par l’air tout nud,
Avec ung arc, dont flesches tire :
Rendant a plusieurs gros martyre :
Et ayant maint cueur moult grevé :
Jacoit qu’il soit de veue privé.
Vela ce qui en est narré.
En quoy je dis qu’on a erré.
S’il apartient que ause reprandre
Le vieulx, qui nous ont sceu aprendre.
Premier vecy ou je me fonde :
Cil qui regne par tout le monde,
Est il dieu si debilement,
Qu’il n’ayt point ung habillement ?
Ou comment se pourroit il faire,
Que allant es lieux ou il repaire,
Le froit d’hyver que fait la bise,
Ne tuast l’enfant sans chemise.
Et si a ce ay ung respondant,
Disant qu’il porte feu ardent :
Je demande comme il peult vivre ?
Veu que le feu a tout mort livre.
Et ou sa vie tel feu rendroit ?
Et scait on bien qu’il l’estaindroit.
Quand il va devers les Naiades :
Nymphes Seraines Seriades.
Et autre Deesses benignes,
Procedans des maisons marines.
De rechef l’on l’appelle enfant.
Qui neantmoins fut triumphant
Sur Nestor, homme de grand aage.
Et qu’on tenoit tresmeur & sage.
Dont n’est vray semblable sentence.
Car l’enfant est plein de inconstance.
Et cestuy cy est invincible.
Au moins a vaincre peu possible.
Et dez que ung cueur tient en surprise :
A peine en rompt l’on l’entreprise.
Apres l’on dit que ung arc il porte.
Et l’enfant a main si peu forte,
Que ja n’en pourroit ung arc tendre.
Pas pour en scavoir grand cop rendre :
Consequement l’on dit qu’il vole.
Et le vray nye tel parolle :
Car tousjours veult vers l’homme aller.
Et ne va pas fort hault en l’air.
Aussi nous congnoissons assés,
Qu’il n’a gueres d’oyseaux blessés.
Puis contraire apparence notte,
Ceulx qui dient qu’il ne voit goute,
Pour ce que l’œil sert a l’archier,
A veoir ce, ou il veult lascher.
Et puis l’aveugle ne commande,
Que de drapeau ses yeulx on bande.
A ces moyens fais contredit,
A tout ce qu’on a de luy dit.
Et quant a moy, scavoir te fais :
Que amour est ung tresplaisant fais,
Ung labeur, ou l’on prand repos :
Maladie en corps bien dispos,
Travaillant en oysiveté.
Gay en hyver comme en esté.
Et puis qu’il rend joyeuses larmes,
On luy faict avoir en ces armes
La grenade, qui joye raporte :
En champ de sable qui deul porte.
Informations techniques
Notice #004913