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Les compagnons d’Ulysse (Fables de La Fontaine, 1694) - atelier de Chauveau

Notice n°1 sur 21 Notice suivante

Date :
1693
Nature de l'image :
Gravure sur cuivre
Sujet de l'image :
Rés. Lebaudy in-12 200

Analyse

« A Monseigneur Le Duc de Bourgogne



Prince, l'unique objet du soin des Immortels,

Souffrez que mon encens parfume vos Autels.

Je vous offre un peu tard ces Présents de ma Muse ;

Les ans et les travaux me serviront d'excuse.

Mon esprit diminue, au lieu qu'Ă  chaque instant

On aperçoit le vôtre aller en augmentant

Il ne va pas, il court, il semble avoir des ailes.

Le Héros dont il tient des qualités si belles

Dans le métier de Mars brûle d'en faire autan ;

Il ne tient pas à lui que, forçant la Victoire,

                Il ne marche Ă  pas de gĂ©ant

                Dans la carrière de la Gloire.

Quelque Dieu le retient ; c'est notre Souverain,

Lui qu'un mois a rendu maître et vainqueur du Rhin.

Cette rapidité fut alors nécessaire ;

Peut-être elle serait aujourd'hui téméraire.

Je m'en tais ; aussi bien les Ris et les Amours

Ne sont pas soupçonnés d'aimer les longs discours.

De ces sortes de Dieux votre Cour se compose

Ils ne vous quittent point. Ce n'est pas qu'après tout

D’autres Divinités n’y tiennent le haut bout :

Le sens et la raison y règlent toute chose.

Consultez ces derniers sur un fait oĂą les Grecs,

               Imprudents et peu circonspects,

                S'abandonnèrent Ă  des charmes

Qui métamorphosaient en bêtes les humains.

Les compagnons d'Ulysse, après dix ans d'alarmes,

Erraient au gré du vent, de leurs sorts incertains.

                Ils abordèrent un rivage

OĂą la fille du dieu du jour,

                CircĂ©, tenait alors sa cour.

                Elle leur fit prendre un breuvage

Délicieux, mais plein d'un funeste poison.

                D'abord ils perdent la raison ;

Quelques moments après, leur corps et leur visage

Prennent l'air et les traits d'animaux différents

Les voilà devenus Ours, Lions, Éléphants ;

               Les uns sous une masse Ă©norme,

               Les autres sous une autre forme.

Il s'en vit de petits, exemplum ut Talpa.

                Le seul Ulysse en Ă©chappa ;

Il sut se défier de la liqueur traîtresse.

                Comme il joignait Ă  la sagesse

La mine d'un héros et le doux entretien,

                Il fit tant que l'Enchanteresse

Prit un autre poison peu différent du sien.

Une déesse dit tout ce qu'elle a dans l'âme ;

                Celle-ci dĂ©clara sa flamme.

Ulysse était trop fin pour ne pas profiter

                D'une pareille conjoncture.

Il obtint qu'on rendrait Ă  ces Grecs leur figure.

« Mais la voudront-ils bien, dit la Nymphe, accepter ?

Allez le proposer de ce pas Ă  la troupe. Â»

Ulysse y court, et dit : « L'empoisonneuse coupe

À son remède encore ; et je viens vous l'offrir.

Chers amis, voulez-vous hommes redevenir ?

                On vous rend dĂ©jĂ  la parole. Â»

                Le Lion dit, pensant rugir :

« Je n'ai pas la tête si folle.

Moi renoncer aux dons que je viens d'acquérir ?

J'ai griffe et dent, et mets en pièces qui m'attaque.

Je suis Roi, deviendrai-je un Citadin d'Ithaque ?

Tu me rendras peut-ĂŞtre encor simple Soldat.

                Je ne veux point changer d'Ă©tat. Â»

Ulysse du Lion court à l'Ours : « Eh, mon frère,

Comme te voilĂ  fait ! Je t'ai vu si joli !

                - Ah ! vraiment nous y voici,

                Reprit l'Ours Ă  sa manière ;

Comme me voilĂ  fait ? Comme doit ĂŞtre un Ours.

Qui t'a dit qu'une forme est plus belle qu'une autre ?

Est-ce Ă  la tienne Ă  juger de la nĂ´tre ?

Je me rapporte aux yeux d'une Ourse mes amours.

Te déplais-je ? va-t’en, suis ta route et me laisse :

Je vis libre, content, sans nul soin qui me presse ;

                Et te dis tout net et tout plat,

                Je ne veux point changer d'Ă©tat. Â»

Le Prince grec au Loup va proposer l'affaire ;

Il lui dit, au hasard d'un semblable refus :

                Â« Camarade, je suis confus

                Qu'une jeune et belle Bergère

        Conte aux Ă©chos les appĂ©tits gloutons

                Qui t'ont fait manger ses moutons.

Autrefois on t'eût vu sauver la bergerie.

                Tu menais une honnĂŞte vie.

                Quitte ces bois et redevien,

                Au lieu de ce Loup, homme de bien.

- En est-il ? dit le Loup. Pour moi, je n'en vois guère.

Tu t'en viens me traiter de bête carnassière ;

Toi qui parles, qu'es-tu ? N'auriez-vous pas, sans moi,

Mangé ces animaux que plaint tout le village ?

               Si j'Ă©tais Homme, par ta foi,

                Aimerais-je moins le carnage ?

Pour un mot quelquefois vous vous étranglez tous ;

Ne vous ĂŞtes-vous pas l'un Ă  l'autre des Loups ?

Tout bien considéré, je te soutiens en somme

                Que, scĂ©lĂ©rat pour scĂ©lĂ©rat,

                Il vaut mieux ĂŞtre un Loup qu'un Homme.

                Je ne veux point changer d'Ă©tat. Â»

Ulysse fit Ă  tous une mĂŞme semonce ;

                Chacun d'eux fit mĂŞme rĂ©ponse ;

                Autant le grand que le petit.

La liberté, les lois, suivre leur appétit,

                C'Ă©tait leurs dĂ©lices suprĂŞmes ;

Tous renonçaient au los de belles actions.

Ils croyaient s'affranchir suivant leurs passions ;

                Ils Ă©taient esclaves d'eux-mĂŞmes.

Prince, j'aurais voulu vous choisir un sujet

OĂą je pusse mĂŞler le plaisant Ă  l'utile.

               C'Ă©tait sans doute un beau projet,

               Si ce choix eĂ»t Ă©tĂ© facile.

Les Compagnons d'Ulysse enfin se sont offerts,

Ils ont force pareils en ce bas Univers ;

                Gens Ă  qui j'impose pour peine

                Votre censure et votre haine.

[Vous raisonnez sur tout : les Ris et les Amours

Tiennent souvent chez vous de solides discours :

Je leur veux proposer bientôt une matière

Noble, d’un très grand art, convenable aux héros ;

      C’est la louange ; ses propos

Sont faits pour occuper votre âme tout entière.]

Annotations :

1. Gravure non signée.

2. Edition de 1694, Fable 1.

Composition de l'image :
Scène (espace vague/espace restreint)
Objets :
Lion
Sources textuelles :
La Fontaine, Fables (1668-1692)
HOMOD10 Homère, Odyssée, chant 10
OM14 - Métamorphoses d'Ovide - livre 14

Informations techniques

Notice #005449

Image HD

Identifiant historique :
A4768
Traitement de l'image :
Photo numérique
Localisation de la reproduction :
Collection particulière