Paolo et Francesca (version d’Angers) - Ingres
Analyse
Ingres reproduit sur la tenture derrière les amants les armes de Gianciotto Malatesta de Rimini, le mari de Francesca.
Dans les Enfers, voici comment Francesca raconte à Dante cette scène :
« Nous lisions un jour, pour nous divertir, la geste de Lancelot et comment amour s’empara de lui ; nous étions seuls et sans aucune défiance.
À plusieurs reprises, cette lecture fit nos yeux se chercher et pâlir nos visages ; mais seul un passage triompha de nous.
Quand nous lûmes que le sourire tant désiré fut baisé par un tel amant, celui-ci, qui de moi ne sera jamais séparé,
La bouche me baisa tout tremblant. Gallehaut fut le livre et qui l’a écrit. Ce jour là nous ne lûmes pas plus avant. »
Francesca ne parle jamais explicitement du coup d’épée de Gianciotto son mari. Rien n’indique que le coup d’épée ait mis fin à la scène, même si c’est ce qu’a retenu l’iconographie romantique.
Voir les commentaires de l’Anonyme florentin (Bologne, 1866-1874) et Boccace, Il Comento alla « D. C. » e gli altri scritti intorno a Dante, Bari, 1918, II, p. 138.
Francesca, fille de Guido Minore da Polenta, était la tante de Guido Novello da Polenta, près de qui Dante trouva refuge dans les années qui précédèrent sa mort. Elle avait épousé vers 1276 Gianciotto Malatesta, seigneur de Rimini, vaillant chevalier, mais, dit-on, laid et difforme. Son amant était son beau-frère, Paolo Malatesta, qui fut capitaine du peuple à Florence en 1282. Dante, alors âgé de 17 ans, l’a peut-être connu. Le meurtre des deux amants par Gianciotto eut lieu vers 1285.
Le roman lu par les deux amants est peut-être Le Chevalier à la Charrette, dit aussi le Roman de Lancelot, de Chrétien de Troyes. C’est Guenièvre, dans ce roman, qui a l’initiative du baiser (vv. 4654-4660). Mais il n’y a pas de Galehaut chez Chrétien. Galehaut, fils de la Belle Géante, seigneur des Étranges Ïles, est en revanche un personnage central de Lancelot du Lac, roman anonyme du début du XIIIe siècle : le pacte amoureux conclu par Guenièvre à la fin de ce roman est un pacte à quatre, liant Guenièvre et Lancelot d’une part, la dame de Malehaut et Galehaut d’autre part.
« Alors la reine, Galehaut et la dame de Malehaut se lèvent. Galehaut fait signe à son compagnon ; et les quatre amis se promènent en parlant très longuement, jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’orée du petit bois. Là , ils s’assoient ; et la reine montre Lancelot à la Dame qui l’avait longtemps tenu dans sa prison. Il en est tout honteux ; et elle lui dit en riant qu’il lui avait caché ce méfait. Ils demeurèrent longtemps en cet endroit et la matière de leurs entretiens ne fut qu’embrassements et baisers, dont ils avaient le plus ardent désir. » (LP, éd. F. Mozès, p. 911.)
Informations techniques
Notice #006801