Le coucher de la mariée - Baudouin
Notice précédente Notice n°55 sur 103 Notice suivante
Analyse
Livret du Salon de 1767 :
« Par M. Baudouin, Académicien.
73. Le Coucher de la Mariée. »
Commentaire de Diderot :
« 1. Le coucher de la mariée A gouache.
Entrons dans cet appartement et voyons cette scène. A droite, cheminée et glace. Sur la cheminée et devant la glace, flambeaux à plusieurs branches et allumés. Devant le foyer, suivante accroupie qui couvre le feu. Derrière celle-ci, autre suivante accroupie qui, l’éteignoir à la main, se dispose à éteindre les bougies des bras attachés à la boiserie. Au côté de la cheminée en s’avançant vers la gauche, troisième suivante debout, tenant sa maîtresse sous les bras et la pressant d’entrer dans la couche nuptiale. Cette couche, à moitié ouverte, occupe le fond. La jeune mariée s’est laissée vaincre. Elle a déjà un genou sur la couche ; elle est en déshabillé de nuit. Elle pleure. Son époux, en robe de chambre, est à ses pieds et la conjure. On ne le voit que par le dos. Il y a au chevet du lit une quatrième suivante qui a levé la couverture. Tout à fait à gauche sur un guéridon, un autre flambeau à branches ; sur le devant du même côté une table de nuit, avec des linges.
Monsieur Baudouin, faites-moi le plaisir de me dire en quel lieu du monde cette scène s’est passée. Certes ce n’est pas en France. Jamais on n’y a vu une jeune fille bien née, bien élevée, à moitié nue, un genou sur le lit, sollicitée par son époux, en présence de ses femmes qui la tiraillent. Une innocente prolonge sans fin sa toilette de nuit. Elle tremble. Elle s’arrache avec peine des bras de son père et de sa mère. Elle a les yeux baissés. Elle n’ose les lever sur ses femmes. Elle verse une larme. Quand elle sort de sa toilette pour passer vers le lit nuptial, ses genoux se dérobent sous elle. Ses femmes sont retirées, elle est seule, lorsqu’elle est abandonnée aux désirs, à l’impatience de son jeune époux. Ce moment est faux. Il serait vrai qu’il serait d’un mauvais choix. Quel intérêt cet époux, cette épouse, ces femmes de chambre, toute cette scène peut-elle avoir. Feu notre ami Greuze n’eût pas manqué de prendre l’instant précédent, celui où un père, une mère envoient leur fille à son époux. Quelle tendresse ! quelle honnêteté ! quelle délicatesse ! quelle variété d’actions et d’expressions dans les frères, les sœurs, les parents, les amis, les amies, quel pathétique n’y aurait-il pas mis. Le pauvre homme que celui qui n’imagine dans cette circonstance qu’un troupeau de femmes de chambre.
Le rôle de ces suivantes serait ici d’une indécence insupportable, sans les physionomies ignobles, basses et malhonnêtes que l’artiste leur a données. La petite mine chiffonnée de la mariée, l’action ardente et peu touchante du jeune époux vu par le dos, ces indignes créatures qui entourent la couche, tout me représente un mauvais lieu. Je ne vois qu’une courtisane qui s’est mal trouvée des caresses d’un petit libertin et qui redoute le même péril sur lequel quelques-unes de ses malheureuses compagnes la rassurent. Il ne manque là qu’une vieille.
Rien ne prouve mieux que l’exemple de Baudouin combien les mœurs sont essentielles au bon goût. Ce peintre choisit mal ou son sujet ou son instant. Il ne sait pas même être voluptueux. Croit-il que le moment où tout le monde s’est retiré, où la jeune épouse est seule avec son époux n’eût pas fourni une scène plus intéressante que la sienne. » (Ver IV 667-9)
2. Acheté en 1984.
C’est ici l’étude préparatoire du tableau définitif, exécuté également à la gouache, qui était destiné au marquis de Marigny, pour son mariage. C’est cette étude qui fut exposée au Salon de 1767.
3. Gravé par Moreau le jeune et Simonet, avec quelques modifications.
Informations techniques
Notice #007050