Le Prince des Aigues Marines (Dessins pour le Cabinet des Fées) - Marillier
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Analyse
La scĂšne prend place dans une clairiĂšre. Le prince des Aigues-Marines, naufragĂ© sur lâĂźle des Sauvages, se tient debout devant lâarbre au fond Ă gauche. Alors que le Roi des barbares Ă©tait sur le point de le poignarder, celui-ci tombe soudainement mort devant lui, au premier plan Ă droite. On distingue le poignard Ă terre au bout de sa main gauche. A la suite du Roi, toutes les personnes qui posent les yeux sur le Prince succombent brutalement. DerriĂšre le Roi, un sauvage effrayĂ© enlace lâarbre de droite, comme pour se protĂ©ger du prince. Parmi les corps nus gisant sans vie sur le sol, on distingue au premier plan Ă gauche le corps dâune femme (enceinte ?), Ă droite les deux pieds dâun autre mort. Le Roi des sauvages est Ă©tendu sur le dos, bouche ouverte, tĂȘte renversĂ©e. Une femme est penchĂ©e sur sa gorge dĂ©ployĂ©e, elle le prend dans ses bras. Le Roi gĂźt sur un trĂŽne de pierre recouvert dâune peau de bĂȘte. Ses armes et attributs sont tombĂ©s Ă terre. Aux pieds du Prince des Aigues-Marines, devant et derriĂšre lui, des barbares nus et apeurĂ©s, assis ou Ă genoux, tendent vers lui leurs bras et leurs regards implorant sa merci. Mais on sait Ă la lecture du texte que ceux-ci vont pĂ©rir pour avoir posĂ© les yeux sur le Prince. Le Prince des Aigues-Marines, qui croyait sa derniĂšre heure arrivĂ©e, Ă ce moment de lâhistoire, ne sait pas encore quâil est frappĂ© dâune malĂ©diction et quâau jour de ses vingt ans toutes les personnes qui poseront le regard sur lui tomberont mortes. Lâillustration montre le moment prĂ©cis oĂč la malĂ©diction prend effet : de ce fait, seules quelques personnes ont pour lâinstant succombĂ©, les autres sont sur le point de mourir. Cette situation explique le regard Ă©nigmatique du Prince, qui Ă©prouve successivement peur, soulagement, effroi, incomprĂ©hension, mais semble vouloir garder en toutes circonstances lâattitude altiĂšre due Ă son rang.
Les cadavres du premier plan, les Sauvages assis du fond dĂ©limitent la scĂšne proprement dite, tout entiĂšre tendue entre les deux troncs dâarbres. Si, Ă gauche, il est clair que câest le prince et son regard mĂ©dusant qui focalise lâattention, celle-ci se divise Ă droite entre le roi dĂ©jĂ terrassĂ© et le sauvage qui embrasse lâarbre, et est destinĂ© Ă tomber Ă son tour. La scĂšne oscille donc entre ces deux Ă©vĂ©nements : le passage de lâĆil du spectateur du moment de la terrification au moment de la mort donne lâillusion du mouvement et de lâĂ©coulement du temps ; câest lâinstant prĂ©gnant.
Entre le prince et ses deux victimes du premier plan Ă droite, les Sauvages lĂšvent la main, comme pour arrĂȘter lâeffet malĂ©fique de son regard. De façon dĂ©risoire, ils tentent de faire Ă©cran Ă ce regard qui tue. Les mains tendues signifient lâĂ©cran de la reprĂ©sentation.
1. Au-dessus du dessin à gauche « le prince des aigues marines », à droite « tom. 24 1er des. »
LĂ©gende dans le cartouche sous le dessin : « il Ă©toit prĂȘt a lâegorger, quand Soudain le poignard | tomba, et le Roi mĂȘme fut renversĂ© mort aux pieds de cet inconnu. »
2. 1Ăšre illustration du volume 24.
PremiĂšre publication, anonyme : Le Prince des Aigues Marines. Le Prince invisible. Paris, L.-D. Vatel, 1722, 214p. in-12.
Informations techniques
Notice #008227