Le festin de Balthasar - Rembrandt
Analyse
Balthasar roi de Babylone, au centre, coiffĂ© dâun turban oriental, prĂ©side le banquet quâil a ordonnĂ© avec la vaisselle sacrĂ©e du temple de JĂ©rusalem. Au moment oĂč, Ă droite, une servante allait lui verser Ă boire, une main surnaturelle inscrit en lettres lumineuses sur le mur derriĂšre lui une formule mystĂ©rieuse que seul le jeune prophĂšte juif Daniel saura interprĂ©ter.
Rembrandt suit, pour cette inscription, lâinterprĂ©tation que son voisin, le rabbin Menasseh ben Israel, proposait dans son livre, le De Terminis vitae : si les devins babyloniens nâont pas su lire lâinscription divine, ce nâest pas parce quâils ne lisaient pas lâhĂ©breu, mais parce que les lettres Ă©taient disposĂ©es non horizontalement, comme Ă lâordinaire, mais verticalement, en cinq colonnes de trois lettres quâil fallait lire ainsi, de droite Ă gauche : MĂ©NE, MĂ©NE, TĂ©QeL, UPhaR SIN, pesĂ©, pesĂ©, comptĂ©, divisĂ© (le premier mot est rĂ©pĂ©tĂ©, le dernier mot occupe deux colonnes). On sait comment Daniel interprĂ©ta le message : tu as Ă©tĂ© pesĂ©, ton temps est comptĂ©, ton royaume sera divisĂ©. Le lendemain, Babylone Ă©tait prise par les Perses.    Le moment choisi par Rembrandt est le moment oĂč Balthasar se retourne pour lire lâinscription, que la main achĂšve de tracer. Dans son geste de la main gauche, il dĂ©sĂ©quilibre la servante, qui renverse le vin sur sa manche.    Le tableau superpose deux Ă©crans : lâĂ©cran traditionnel, formĂ© par le manteau de Balthsar, sĂ©pare un espace restreint, occupĂ© par le roi et par sa servante, de lâespace vague, Ă gauche, oĂč sont reprĂ©sentĂ©s le spectateurs de la scĂšne ; mais il y a aussi lâĂ©cran de projection que forme en nhaut Ă droite le mur, avec son inscription lumineuse. Curieusement, la main de Dieu est une main droite disposĂ©e Ă gauche, comme celle de Balthasar. La main nâĂ©crit donc pas en face dâelle, mais « contre soi », en aveugle, comme un homme Ă©crirait sur son ventre : Rembrandt signifie par lĂ que Dieu est derriĂšre lâĂ©cran, et conçoit les lettres lumineuses comme des fentes de derriĂšre lesquelles la lumiĂšre divine irradie.
1. Signature visible seulement aux ultra-violets : « Rembrand[.] f 163[.] »
2. AchetĂ© en 1964 avec lâaide de lâArt Fund.
3. Rembrandt se serait inspirĂ© dâune copie de lâEnlĂšvement dâEurope de VĂ©ronĂšse pour la jeune femme de gauche qui renverse sa coupe. Voir liens.
Informations techniques
Notice #000913