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Recherche infructueuse

Jacob chez sa maîtresse (Le Paysan parvenu, Varrentrap, 1758) - Mund

Notice n°1 sur 2 Notice suivante

Date :
1758
Nature de l'image :
Gravure sur cuivre
Sujet de l'image :
Cote AA 23775 M du Fonds ancien
Œuvre signée

Analyse

«  Bonjour, mon garçon, me dit-elle quand je l’abordai. Eh bien  ! Comment te trouves-tu Ă  Paris  ? Et puis se tournant du cĂ´tĂ© de ses femmes  : Vraiment, ajouta-t-elle, voilĂ  un paysan de bonne mine.
Bon  ! Madame, lui rĂ©pondis-je, je suis le plus mal fait de notre village. Va, va, me dit-elle, tu ne me parais ni sot ni mal bâti, et je te conseille de rester Ă  Paris, tu y deviendras quelque chose.
Dieu le veuille, madame, lui repartis-je, mais j’ai du mérite et point d’argent, cela ne joue pas ensemble.
Tu as raison, me dit-elle en riant, mais le temps remĂ©diera Ă  cet inconvĂ©nient-lĂ   ; demeure ici, je te mettrai auprès de mon neveu qui arrive de province, et qu’on va envoyer au collège, tu le serviras.
Que le ciel vous le rende, madame, lui rĂ©pondis-je  ; dites-moi seulement si cela vaut fait, afin que je l’écrive Ă  notre père  ; je me rendrai si savant en le voyant Ă©tudier, que je vous promets de savoir quelque jour vous dire la sainte Messe. HĂ©  ! Que sait-on  ? Comme il n’y a que chance dans ce monde, souvent on se trouve Ă©vĂŞque ou vicaire sans savoir comment cela s’est fait.
Ce discours la divertit beaucoup, sa gaietĂ© ne fit que m’animer  ; je n’étais pas honteux des bĂŞtises que je disais, pourvu qu’elles fussent plaisantes  ; car Ă  travers l’épaisseur de mon ignorance, je voyais qu’elles ne nuisaient jamais Ă  un homme qui n’était pas obligĂ© d’en savoir davantage, et mĂŞme qu’on lui tenait compte d’avoir le courage de rĂ©pliquer Ă  quelque prix que ce fĂ»t.
Ce garçon-lĂ  est plaisant, dit-elle, je veux en avoir soin  ; prenez garde Ă  vous, vous autres (c’était Ă  ses femmes Ă  qui elle parlait), sa naĂŻvetĂ© vous rĂ©jouit aujourd’hui, vous vous en amusez comme d’un paysan  ; mais ce paysan deviendra dangereux, je vous en avertis.
Oh  ! RĂ©pliquai-je, madame, il n’y a que faire d’attendre après cela  ; je ne deviendrai point, je suis tout devenu  ; ces demoiselles sont bien jolies, et cela forme bien un homme  ; il n’y a point de village qui tienne  ; on est tout d’un coup nĂ© natif de Paris, quand on les voit.
Comment  ! Dit-elle, te voilĂ  bien galant  ; et pour laquelle te dĂ©clarerais-tu  ? (elles Ă©taient trois). Javotte est une jolie blonde, ajouta-t-elle. Et Mlle Geneviève une jolie brune, m’écriai-je tout de suite.
Geneviève, Ă  ce discours, rougit un peu, mais d’une rougeur qui venait d’une vanitĂ© contente, et elle dĂ©guisa la petite satisfaction que lui donnait ma prĂ©fĂ©rence d’un souris qui signifiait pourtant  : Je te remercia  ; mais qui signifiait aussi  : Ce n’est que sa naĂŻvetĂ© bouffonne qui me fait rire.
Ce qui est de sĂ»r, c’est que le trait porta ; et comme on le verra dans la suite, ma saillie ui fit dans le cĹ“ur une blessure sourde dont je ne nĂ©gligeai pas de m’assurer ; car je me doutai que mon discours n’avait pas dĂ» lui dĂ©plaire, et dès ce moment-lĂ , je l’épiai pour voir si je pensais juste.  » (Le Paysan parvenu, Première partie, GF p. 29-30)

Annotations :

1. LE PAYSAN | PARVENU, | OU LES | MÉMOIRES | DE M***. | Par M. DE MARIVAUX. | [Filet torsadé] | TOME PREMIER… | [Fleuron] | A Francfort sur le Meyn, | Chez François Varrentrapp. | M D CC LVIII.
in-8°.
SignĂ© en bas Ă  gauche « Mund del. Â», Ă  droite « Back sc. Â».
2. Mund enseignait à l’Académie de dessin de Francfort sur le Main ; il eut pour élève Gœthe. En 1761, il fur reçu maître à la loge maçonnique de Francfort.
Jakb Conrad Back, graveur de cartes, a également illustré les Lettres de Milady Juliette Catesby à Milady Henriette Campley par Mme Riccoboni (Francfort & Leipsic, chez Knoch & Eslinger. M. DCC. LX., [1760]).

Objets :
Miroir
Sources textuelles :
Marivaux, Le Paysan parvenu (1734-1735)

Informations techniques

Notice #009883

Image HD

Identifiant historique :
A9202
Traitement de l'image :
Photo numérique