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Auteurs & Autrices :
  • Claret Jean-Louis
Mots-clés :
  • Carême
  • Carnaval
  • Shakespeare
  • Twelfth Night

Résumé :

Les mondes opposés dans

Twelfth Night de Shakespeare et Le Combat de Carnaval et Carême de Pieter Bruegel l'Ancien. Le monde de Twelfth Night est double. Il y a d'un côté les joyeux fêtards qui oublient d'aller se coucher, faisant de la nuit un jour de contrebande, et le rabat-joie qui, parce qu'il est vertueux, estime que la bière et les gâteaux devraient être interdits à tous (2.3.113). La licence s'oppose donc à l'ascèse et entre ces deux extrêmes se glisse la figure du fou professionnel, Feste, dont la lucidité lui permet de naviguer entre folie et sagesse, entre licence et gravité. Parallèlement à ce jeu d'opposition se dessinent d'autres territoires limitrophes et antagonistes. Ainsi, la réversibilité du masculin et du féminin, incarnée par Viola et son frère jumeau Sebastian, celles du puritain et de l'amoureux transi, du serviteur et du maître, du fou et du sage, du rire et de la cruauté constituent-elles des couches successives de l'épaisseur de signes qu'est la théâtralité 1 . Quant aux voeux de concorde et de discorde suscités par la représentation, ils alternent sans trêve tout au long de la pièce. La saveur du feuilleté de sens 2

qui constitue Twelfth Night repose en grande partie sur ces renversements typiques des festivités de décembre. « Twelfth Night, précise François Laroque, c'était le soir où, par les hasards de la fève, chacun pouvait être roi ou reine, et aussi le grand jour des représentations théâtrales. » 3 L'Illyrie que compose Shakespeare semble balayée par le vent de folie qui parcourait chaque année l'Angleterre de la première modernité et renversait l'ordre des choses. L'amour y règne en maître, se jouant tout aussi bien de ceux qui, comme Orsino, se soumettent à ses lois que de ceux qui essaient, comme Olivia, de se préserver de ses caprices.

Ses feux illuminent la nuit (« Love's night is noon. » 3.1.146) et l'amant éperdu confond plaisir et peine (« But since you make your pleasure of your pains » 3.3.2). C'est lui qui est à l'origine des désordres qui règnent en Illyrie. Shakespeare a campé un monde bariolé qui échappe aux tentatives de définition rapides et s'effiloche, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Ces derniers se surprennent à rire de farces cruelles qui les placent du côté de la meute de chiens enragés agglutinés autour d'un ours qui, bien que mal léché, est la victime de son désir d'être aimé. Alors que le public bienveillant est généralement sensible à la voix des personnages amoureux, celle de l'ambitieux Malvolio ne suscite en lui que mépris et désir de 1

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