- Représentations du genre
- Femme
- Médecine
- Corps
Résumé :
Depuis les années 1970, la médecine et ses représentations font l’objet d’un intérêt croissant dans le champ des sciences humaines et sociales, et réciproquement, les outils narratifs sont de plus en plus explorés par les sciences de la médecine. Ce chassé-croisé, concomitant d’un « tournant narratif » (Polkinghorne, 1988 ; Czarniawska, 2004 ; Kreiswirth, 2005) dans les sciences sociales, a favorisé la naissance puis l’essor des humanités médicales dans le monde anglo-saxon. En France, ce champ a fait son apparition plus récemment, avec la création de l’IRN Humanités médicales en 2019 et la parution de l’ouvrage collectif Les humanités médicales. L'engagement des sciences humaines et sociales en médecine en 2020. Moins caractérisé par sa méthodologie que par son objet, ce champ rassemble des travaux allant de ladite médecine narrative (Charon, 2006 ; Galichon, 2017), puisant dans les outils de la narratologie pour transformer les échanges médicaux, jusqu’aux études sur les représentations socio-culturelles des pratiques médicales et des maladies. Les études littéraires n’ont pas attendu cet essor pour s’intéresser aux interactions entre « la plume et le scalpel » (Thomas, 2008), en analysant les discours et les représentations du médical. Ainsi certains travaux, comme ceux de Jean Starobinski, ont étudié le « corps écrit » (Rueff ed., 2020), et, plus particulièrement, sa souffrance (Danou, 1994 ; Gianico dir., 2018 ; Naturel dir. 2018). D’autres se penchent sur les représentations du médecin (Miguet-Ollagnier et Baron dir., 2000), y compris la figure du médecin écrivain (Labreure, 2023 sur Céline et Schaffner, 2017 sur Lorand Gaspar). Cependant, dans les nombreuses parutions consacrées aux interactions spécifiques entre littérature et médecine, la question du genre constitue un pan de recherche encore insuffisamment exploré. L’influence croissante des studies sur les études littéraires a néanmoins suscité un regain d’intérêt pour les problématiques liées au genre (gender) et à la sexualité dans ce champ de recherche. En témoignent, par exemple, les travaux récents sur la sexualité (Brancher 2012 et 2020) et les représentations de la femme (Abramovici, 2003 et 2022) dans les discours médicaux, ou les projets collectifs cherchant à faire émerger des nouveaux canons autour d’objets de santé précis tel que Birthing Stories de l’université Sorbonne Nouvelle autour des récits d’accouchement ou Le Sein : des mots pour le dire (Sagaert et Ordioni dir., 2015) de l’équipe “Femmes et genre” de l’université de Toulon. Ce numéro s’inscrit ainsi dans la continuité de ces différents travaux. Il a aussi été pensé dans le prolongement des projets issus de la collaboration entre les Initiatives Genre et Humanités biomédicales de Sorbonne Université et en particulier du colloque « Genre et Médicalisation » qui s’est tenu à Paris en novembre 2022. Au croisement des lettres classiques, de la littérature française et de la littérature comparée, ce numéro accueille des propositions issues de ces spécialités, rédigées en langue française, et qui interrogent les discours et les représentations du médical dans leur rapport au genre.