Livre IV, chapitre 10. Histoire de don Alphonse et de la belle Séraphine.
Imaginez-vous quelle fut sa surprise de voir dans sa chambre et au milieu de la nuit un homme qu’elle ne connaissait point. Elle frémit en m’apercevant, et fit un grand cri. Je m’efforçai de la rassurer ; et mettant un genou à terre : Madame, lui dis-je, ne craignez rien ; je ne viens point ici pour vous nuire. J’allais continuer ; mais elle était si effrayée, qu’elle ne m’écouta point. Elle appelle ses femmes à plusieurs reprises ; et, comme personne ne lui répondait, elle prend une robe de chambre légère qui était au pied de son lit, se lève brusquement, et passe dans les chambres que j’avais traversées, en appelant encore les filles qui la servaient, aussi bien qu’une sœur cadette qu’elle avait sous sa conduite. Je m’attendais à voir arriver tous les valets, et j’avais lieu d’appréhender que, sans vouloir m’entendre, ils ne me fissent un mauvais traitement ; mais, par bonheur pour moi, elle eut beau crier, il ne vint à ses cris qu’un vieux domestique qui ne lui aurait pas été d’un grand secours, si elle eût eu quelque chose à craindre. Néanmoins, devenue un peu plus hardie par sa présence, elle me demanda fièrement qui j’étais, par où et pourquoi j’avais eu l’audace d’entrer dans sa maison. Je commençai alors à me justifier ; et je ne lui eus pas sitôt dit que j’avais trouvé la porte du cabinet du jardin ouverte, qu’elle s’écria dans le moment : Juste ciel ! quel soupçon me vient dans l’esprit. (Folio p. 382)