Livre VI, chapitre 3. Après quel incident Don Alphonse se trouva au comble de la joie et par quelle aventure Gil Blas se vit tout à coup dans une heureuse situation.
Mon compagnon descendit de cheval aussitôt, et courut embrasser le baron, dont la joie me parut immodérée. Venez, mon fils, lui dit ensuite ce bon vieillard, vous allez apprendre qui vous êtes, et jouir du plus heureux sort. En achevant ces paroles, il l’emmena dans le château. J’y entrai avec eux, car j’avais aussi mis pied à terre et attaché nos chevaux à un arbre. Le maître du château fut la première personne que nous rencontrâmes. C’était un homme de cinquante ans et de très bonne mine. Seigneur, lui dit le baron de Steinbach en lui présentant don Alphonse, vous voyez votre fils. À ces mots, don César de Leyva (ainsi se nommait le maître du château) jeta ses bras au cou de don Alphonse, et, pleurant de joie : Mon cher fils, lui dit-il, reconnaissez l’auteur de vos jours. Si je vous ai laissé ignorer si longtemps votre condition, croyez que je me suis fait en cela une cruelle violence. (Folio p. 499)