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Recherche infructueuse

Livre XII, chapitre 1. Gil Blas est envoyé par le ministre à Tolède. Du motif et du succès de son voyage.

Lucrèce entra dans la chambre au moment que j’achevais ces paroles. Je crus voir la déesse Hébé, tant elle était mignonne et gracieuse ! Elle venait de se lever ; et sa beauté naturelle, brillant sans le secours de l’art, présentait à la vue un objet ravissant. Venez, ma nièce, lui dit sa mère, venez remercier monsieur de la bonne volonté qu’il a pour nous : c’est un de mes anciens amis qui a beaucoup de crédit à la cour, et qui se fait fort de nous mettre toutes deux dans la troupe du Prince. Ce discours parut faire plaisir à la petite fille, qui me fit une profonde révérence, et me dit avec un souris enchanteur : Je vous rends de très humbles grâces de votre obligeante intention ; mais, Seigneur, je ne sais si elle ne tournera pas contre moi. En voulant m’ôter à un public qui m’aime, êtes-vous sûr que je ne déplairai point à celui de Madrid ? Je perdrai peut-être au change. Je me souviens d’avoir ouï dire à ma tante qu’elle a vu des acteurs briller dans une ville, et révolter dans une autre ; cela me fait peur : craignez de m’exposer au mépris de la cour, et vous à ses reproches. Belle Lucrèce, lui répondis-je, c’est ce que nous ne devons appréhender ni l’un ni l’autre : je crains plutôt qu’enflammant tous les cœurs, vous ne causiez de la division parmi nos grands. La frayeur de ma nièce, me dit Laure, est mieux fondée que la vôtre ; mais j’espère qu’elles seront vaines toutes deux : si Lucrèce ne peut faire de bruit par ses charmes, en récompense elle n’est pas assez mauvaise actrice pour devoir être méprisée. (Folio, p. 935-936)

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