Livre II, chapitre 4. Gil Blas continue d’exercer la médecine avec autant de succès que de capacité. Aventure de la bague retrouvée.
N’en venons point aux invectives, interrompis-je assez brusquement : un homme de votre profession a bonne grâce, vraiment, de faire de pareils reproches ! Allez, allez, monsieur le docteur, sans saigner et sans boire de l’eau chaude, on envoie bien des malades en l’autre monde ; et vous en avez peut-être vous-même expédié plus qu’un autre. Si vous en voulez au seigneur Sangrado, écrivez contre lui ; il vous répondra, et nous verrons de quel côté seront les rieurs. Par saint Jacques, et par saint Denis ! interrompit-il à son tour avec emportement, vous ne connaissez guère le docteur Cuchillo. Sachez que j’ai bec et ongles, et que je ne crains nullement Sangrado, qui, malgré sa présomption et sa vanité, n’est qu’un original. La figure du petit médecin me mit en colère. Je lui répliquai avec aigreur ; il me repartit de la même sorte, et bientôt nous en vînmes aux gourmades. Nous eûmes le temps de nous donner quelques coups de poing, et de nous arracher l’un à l’autre une poignée de cheveux, avant que l’épicier et son parent pussent nous séparer. Lorsqu’ils en furent venus à bout, ils me payèrent ma visite, et retinrent mon antagoniste, qui leur parut apparemment plus habile que moi. (Folio, p. 144)