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Recherche infructueuse

Colère de Jambicque discovered (Heptameron, Bern, 1780, N43) - Freudeberg

Description

Le gentilhomme a découvert, grâce à un trait de craie, que sa maîtresse masquée était Jambicque, qui joue ostensiblement la prude. Malgré les précautions avec lesquelles il l’aborde à découvert dans le jardin du château de la princesse dont elle est la demoiselle, Jambicque entre dans une colère noire. Elle fera chasser par sa maîtresse le gentilhomme du château.

« Et ung jour que ceste grande dame alloit au jardin, la damoiselle Jambicque s’en alla pourmener en une aultre allĂ©e. Le gentil homme, la voĂŻant seulle, s’advancea pour l’entretenir, et, faingnant ne l’avoir poinct veue ailleurs, luy dist : “Mademoiselle, il y a long temps que je vous porte une affection sur mon cueur, laquelle pour paour de vous desplaire ne vous ay osĂ© reveler; dont je suys si mal, que je ne puis plus porter ceste peyne sans morir, car je ne croys pas que jamais homme vous sceut tant aymer que je faictz.” La damoiselle Jambicque ne le laissa pas achever son propos, mais luy dist avecq une très grand collere : “Avez-vous jamais oy dire ne veu que j’aye eu amy ne serviteur ? Je suis seure que non, et m’esbahys dont vous vient ceste hardiesse de tenir telz propos Ă  une femme de bien comme moy, car vous m’avez assez hantĂ©e ceans, pour congnoistre que jamais je n’aymeray autre que mon mary; et, pour ce, gardez-vous de plus continuer ces propoz.” Le gentil homme, voyant une si grande fiction, ne se peut tenir de se prendre Ă  rire et de luy dire : “Madame, vous ne m’estes pas tousjours si rigoreuse que maintenant. De quoy vous sert de user envers moy de telle dissimullation ? Ne vault-il pas mieulx avoir une amityĂ© parfaite que imparfaicte ?” Jambicque luy respondit : “Je n’ay amityĂ© Ă  vous parfaicte ne imparfaicte, sinon comme aux autres serviteurs de ma maistresse; mais, si vous continuez les propos que vous m’avez tenu, je pourray bien avoir telle hayne, qu’elle vous nuyra.” Le gentil homme poursuivyt encores son propos et luy dist : “Et oĂą est la bonne chere que vous me faictes quand je ne vous puys veoir ? Pourquoy m’en privez-vous maintenant, que le jour me monstre vostre beaultĂ© accompaignĂ©e d’une parfaicte et bonne grace ?” Jambicque, faisant ung grand signe de la croix, luy dist : “Vous avez perdu vostre entendement, oĂą vous estes le plus grand menteur du monde, car jamais en ma vie je ne pensay vous avoir faict meilleure ne pire chere que je vous faictz; et vous prye de me dire comme vous l’entendez ?” Alors le pauvre gentil homme, pensant la gaingner davantaige, luy alla compter le lieu oĂą il l’avoit veue et la marque de la craye qu’il avoit faicte pour la congnoistre; dont elle fut si oultrĂ©e de collere, qu’elle luy dist qu’il estoit le plus meschant homme du monde ; qu’il avoit controuvĂ© contre elle une mensonge si villaine, qu’elle mectroit peyne de l’en faire repentir. Â»

History :

1. SignĂ© sous la gravure, Ă  gauche « S. Freudenberg. Inv. Â», Ă  droite « L. Halbou. Sculp. Â».

Textual Sources :
Marguerite de Navarre (1492-1549), L’Heptaméron (1542-1546)

Technical Data

Notice #007862

Image HD

Past ID :
A7181
Image editing :
Photo numérique