Le départ du courrier - Boucher
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Don de Mrs Joseph Heine en mémoire de son mari I.D. Levy, 1944
Analyse
Livret du Salon de 1765Â :
« Par M. Boucher, Premier Peintre du Roi, Recteur.
8. [âŠ]
11. Quatre Pastorales, dont deux sont ovales, sous le mĂȘme numero.
Ces Tableaux ont environ 15 pouces de haut, sur 13 de large. »
Mercure de France, octobre 1765, p. 152 :
« Par une suite naturelle de lâesprit qui avoit dirigĂ© lâexposition des morceaux de feu M. Vanloo, on avoit mis au mĂȘme endroit plusieurs morceaux de M. Boucher, son sucesseu dans la place de premier Peintre du Roi, appellĂ© Ă cet honneur par le vĆu gĂ©nĂ©ral des connoisseurs, & presque dĂ©signĂ© par la cĂ©lĂ©britĂ© de son nom.
Une maladie considĂ©rable, suivie dâune fort longue convalescence, nâayant pas permis Ă M. Boucher de sâoccuper de grands ouvrages, on nâa vu cette annĂ©e d elui que des sujets galans, tels que Jupiter transformĂ© en Diane pour surprendre Calisto. AngĂ©lique & MĂ©dor (7), pastorales (8) dâune plus grande forme que les prĂ©cĂ©dens. On y avoit joint un tableau dâenviron deux pieds & demi de haut sur deux pieds de large, reprĂ©sentant une femme qui attache une lettre au col dâun pigeon. Dans ces divers morceaux on a reconnu le gĂ©nie fertile du plus bel esprit de ce siĂšcle en peinture. Toujours fĂ©cond en moyens de diversifier de mille façons plus agrĂ©ables les unes que les autres une idĂ©e galante & spirituelle, cet Artiste ne paroĂźt quâagrĂ©able aux yeux vulgaires, tandis que par lâart du dessein, le charme de son faire & les grĂąces de son pinceau, il Ă©tonne, il attache le connoisseur & les Peintres, dont il est toujours admirĂ©.
-Ce sont particuliĂšrement ces derniers qui ont senti tout le mĂ©rite de six autres petits tableaux de pastorales, oĂč le Peintre sâest plĂ» Ă reprĂ©senter lâancien usage dâemployer des pigeons Ă porter & Ă rapporter des lettres. Ces tableaux sont une espĂšce de prodige de lâart pour la finesse de la touche, & pour le prĂ©cieux du fini, sans mollesse, sans affoiblissement ; au contraire, tout pĂ©tille de force & de grĂąces. On a peine Ă concevoir par quelle sorte de magie de lâart, un Artiste, accoutumĂ© Ă ne travailler que dans le grand, est parvenu Ă se rĂ©duire dans cet autre genre, sans que son pinceau en soit devenu ni moins large ni moins libre. La nature est sans doute embellie par ce Peintre jusques dans la fraĂźcheur & dans lâĂ©clat des paysages, mais elle nâest point altĂ©rĂ©e. Câest, pour ainsi dire, un autre principe de lumiĂšre, plus pur, plus radieux qui la lui fait voir, & sous lâaspect duquel il nous la prĂ©sente. Ceux qui, par prĂ©jugĂ©, croyent le coloris de M. Boucher trop brillant pour ĂȘtre toujours dâaccord, nâont quâĂ consulter les tableaux existans de lui aprĂšs plusieurs annĂ©es, ils seront obligĂ©s de convenur que ce quâils avoient cru paillotter (pour se servir du terme ordinaire) est devenu le modĂšle de la fonte & de lâunion la plus parfaite des tons. Ce qui arrive invariablement ne peut ĂȘtre lâeffet du hsard, il faut donc que ce soit celui dâune entente particuliĂšre Ă ce Peintre, dans lâemploi des couleurs. Une expĂ©rience plus rĂ©cente serviroit Ă dĂ©truire ce prĂ©jugĂ© (sâil pouvoir avoir lieu). On avoit placĂ© parmi ces petites pastorales plusieurs paysages en petit du fameux M. Vernet, & cet ensemble formoit, pour ainsi dire, une collection de diamans prĂ©cieux au milieu dâun grand trĂ©sor de richesses. Personne assurĂ©ment ne refuse aux ouvrages de ce dernier la plus exacte & la plus pure vĂ©ritĂ© dâimitation. Plusieurs amateurs ont Ă©prouvĂ© quâĂ certaine distance le stableaux de ces deux grands MaĂźtres produisoient un accord de couleur aussi agrĂ©able que brillant. En se rapprochant on reconnoissoit la distinction des styles ; mais il en rĂ©sulte toujours que le principe de vĂ©ritĂ© Ă©toit le mĂȘme. Dans tous les arts les grands hommes vont & parviennent au beau, au vrai par des voies diffĂ©rentes. »
  Â
(7) Tableaux ovales dâenviron deux pieds de haut sur un pied & demi de large, du cabinet de M. Bergeret de Grancour.
(8) Tableaux de sept pieds six pouces de haut sur quatre pieds de large.
Mathon de la cour, Lettres Ă Monsieur ***âŠ, 1765, p. 12-13 :
« M. Boucher, qui vient de succĂ©der Ă la place de premier Peintre, a donnĂ© plusieurs tableaux. Lâun reprĂ©sente Jupiter transformĂ© en Diane pour surprendre Calisto. Lâautre, AngĂ©lique & M&dor. Il y a ensuite huit Pastorales & un Paysage. Dans ces Pastorales, le Peintre sâest plu Ă retracer lâancien usage dâemployer les pigeons Ă porter des lettres. TantĂŽt il a peint un Berger ou une Bergere qui attachent un billet au cou dâun pigeon ; tantĂŽt une Bergere qui Ă©tend la main vers son petit Passager, de lâair le plus tendre & le plus impatient. Cela prĂ©sente Ă lâimagination des idĂ©es galantes. M. Boucher est un des Artistes les plus ingĂ©nieux & les plus fĂ©conds quâil y ait jamais eu. Mais on lui reproche des compositions trop chargĂ©es dâobjets, un coloris maniĂ©rĂ© & des nĂ©gligences dans le clair obscur. Au lieu de la belle nature, il lui arrive quelquefois de peindre la nature embellie. Les Bergers de ses Pastorales ressemblent Ă ceux de Fontenelle. »
1. Signé et daté en bas à droite sur une pierre : « f Boucher | 1765 ».
2. Don de madame Joseph Heine, en mémoire de son mari, I. D. Levy (1944).
3. Le tableau a Ă©tĂ© gravĂ© par Jacques Firmin Beauvarlet, peut-ĂȘtre en 1769. Voir Louvre, DĂ©partement des arts graphiques, RĂ©serve Edmond de Rothschild, Portefeuille 443, 19051 LR/ Recto ; Bnf Estampes, RESERVE EF-26 (3)-FOL .
Informations techniques
Notice #001211