Médor défend Dardinel, Angélique & Médor (Roland furieux Franceschi1584 ch19) - G. Porro
Notice précédente Notice n°19 sur 46 Notice suivante
Analyse
Au premier plan, Girolamo Porro a choisi de représenter le moment où Médor, jeune soldat sarrazin, rattrapé par Zerbin, chevalier chrétien, le supplie de le laisser enterrer son chef Dardinel, avant de le mettre à mort (stance 11). Ému de pitié et saisi par la beauté du jeune homme, Zerbin s’apprête à la grâcier : « En ce moment, un chevalier brutal, sans respect pour son prince, transperce d’un coup de lance la potrine sans défense du malheureux suppliant. » (St. 13.)
La scène se lit donc de gauche à droite. A gauche, venant d’un ailleurs vague, la troupe de Zerbin fait irruption sur l’espace théâtral du premier plan, dont le fond est délimité par un rideau d’arbres entrouvert en son milieu. Au moment où, de son épée, Zerbin fait signe à Médor qu’il lui permet d’enterrer son capitaine, l’un de ses compagnons, surgi de derrière lui, dirige sa lance contre le jeune soldat sarrazin.
Médor est représenté pris entre deux mouvements contraires : de sa tête tournée vers la gauche il s’adresse à Zerbin ; de ses bras tendus vers le cadavre, il désigne l’objet de son discours, Dardinel.
Une ligne de force se dessine dans cette scène, qui traverse en diagonale la gravure : en haut à gauche le compagnon de Zerbin avec sa lance ne voit pas Dardinel, que lui cache Médor et en quelque sorte manque le tuer par erreur. Au centre, Médor fait écran au regard de son agresseur et sert en même temps d’embrayeur visuel pour Zerbin et, de là, pour nous. Par rapport au sol se dessine ainsi un cône visuel barré en son centre, ce qui est caractéristique des dispositifs d’écran.
Le moment choisi est un instant prégnant : Médor est pris entre la geste héroïque passée, le combat autour du corps de Dardinel, et la blessure à venir, qu’annonce la lance. Mais le moment de la représentation est lui-même un temps faible, avant le coup fatal, qui constituera l’instant paroxystique.
Le fond de l’image, qui se déroule dans le mince rectangle clair dessiné par l’ouverture du rideau d’arbres derrière Médor, pourrait ne constituer que l’espace vague de la scène. Il est cependant encore habité par tous les épisodes de la suite de la narration, de sorte que cette gravure peut et même doit être encore considérée comme une gravure narrative : en bas, Médor, Dardinel et Cloridan sont étendus morts. Au-dessus, à droite Angélique survient à cheval. A gauche, elle est penchée à genoux, ramassant l’herbe qui soignera Médor. Au-dessus, aidée du berger qui soulève et maintient le jeune homme, elle soigne et panse sa blessure, sous l’œil attentif des deux chevaux (l sien et celui du berger). L’enterrement de Dardinel n’est pas représenté. Au-dessus, à droite dans les buissons, Angélique et Médor font l’amour. A gauche, devant la bergerie, ils se donnent la main, comme pour symboliser leur mariage. Au-dessus de la maison, ils profitent du locus amoenus. Puis ils sont représentés partant à cheval pour le Cathay. Enfin, tout en haut, le vaisseau de Marphise et de ses compagnons fait voile vers le « Royaume des Dames », la cité d’Alexandrette où Marphise affrontera Guidon. Mais cet affrontement n’est pas représenté.
1. La gravure est numérotée XVIIII. dans un petit médaillon en haut au centre de la bordure. En haut à gauche, numéro de la page, 200 et CANTO [DECIMONONO, page de droite]. Argument sur la page de droite, p. 201 : Angelica il ferito giouinetto Sana, e diuien sua sposa, e al Catai uanno. Marfisa al fin col bel drappello eletto Giunge à Laiazzo dopo lungo affanno. Guidon Seluaggio in seruitù distretto Da l’empie Donne, che dominio u’hanno, Combatte con Marfisa, e à l’aer cieco La mena, co i compagni à starsi seco. » 3. La gravure s’éloigne énormément de celle de l’édition Valgrisi, même si le premier plan, qui correspond au second plan chez Valgrisi, est ici représenté de façon inversée : mais la posture de Médor est très différente.
Informations techniques
Notice #001299