Le marquis D** voit de sa fenĂȘtre Mlle de Mongol lisant (Les Sonnettes, 1751)
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Analyse
« Ma chambre Ă©toit sur le derriere de lâHĂŽtel ; un petit bruit me fait tourner la tĂȘte, jâapperçois dans un des appartemns dâun HĂŽtel voisin une beautĂ© charmante, & qui sembloit ĂągĂ©e au plus de seize ans : elle entra en chantant & folĂątrant. Une femme de chambre portoit devant elle deux bougies, jâĂ©teignis les miennes, & jâouvris doucement ma fenĂȘtre. Quelque chose de plus fort que la curiositĂ© me faisoit souhaiter de discerner exactement tout ce que je voyois. Ah, je nâen vis que trop ! Quâon se figure un jeune assailli de dĂ©sirs quâil ne connoĂźt pas, quâil veut dĂ©mĂȘler, & qui se confondent ; quâon e mette Ă ma place, Ă© quâil essuye le charmant supplice de voir deshabiller en dĂ©tail le plus beau corps qui ait Ă©tĂ© jamais. On ĂŽte la robe, la finesse de la taille en devient mieux marquĂ©e ; le mouchoir, ce gardien aussi jaloux que le Dragon des HespĂ©rides, ne cache plus les pommes du Jardin de lâAmour : Ă mesure que lâon dĂ©lace le corset, les graces sâĂ©chapent, elles ne sont plus couvertes que dâun voile lĂ©ger : cette chaussure galante laisse bientĂŽt voir une jambe fate au tour, & dâune blancheur Ă Ă©blouir. Qui ne se seroit pas alors trouvĂ© heureux dâembrasser ses genoux, & de lui jurer une flĂąme aussi rĂ©elle que le prix des objets ? Mes yeux faisoient mille larcins, & me donnoient lâidĂ©e confuse de mille autres ; ma sĂ©duction & mon dĂ©lire Ă©toient au comble, cependant elle se met au lit ; mon bonheur voulut quâil fĂźt une extrĂȘme chaleur, les fenĂȘtres resterent ouvertes, les rideaux ne furent point tirĂ©s, & la femme de chambre sortit, aprĂšs avoir approchĂ© du lit une table avec des lumiĂšres. Ma jeune DĂ©esse prit sous son chevet une brochure, & lâouvrit. Il me fut aisĂ© de juger que cette lecture lâattachoit : que ne voyent pas les yeux dâun Amanat ? Car sans doute je lâĂ©tois devenu. Je crus appercevoir une expression de langueur, rĂ©pandue dans toute sa personne. Quelques moments aprĂšs sa tĂȘte se panche, le livre lui Ă©chappe, elle Ă©tend ses beaux bras, sa respiration devient prĂ©cipitĂ©e, son sein timide & naissant sâĂ©leve & sâabaisse, & ses yeux fermĂ©s me font craindre quâelle nâait perdu lâusage des sensâŠÂ »
2. Face p. 28.
Informations techniques
Notice #013155