Dessin de la mort de Pélopidas - Augustin Pajou
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Analyse
Livret du Salon de 1767 :
« Par M. Pajou, Professeur.
193. […]
203. Un Dessin de la mort de Pélopidas, Général des Thébains. Après avoir remporté la Victoire, il fut tué & porté dans sa tente par ses Soldats, qui eurent tant de regret de sa perte, qu’ils voulaient se laisser mourir de faim. »
Commentaire de Diderot :
« 203. Dessin de la mort de Pélopidas
Du mĂŞme
On le voit expirant dans sa tente. Sur le fond, au bord de son lit, des soldats affligés, les regards attachés sur lui, tiennent sa couverture levée. A droite, à son chevet, c’est un groupe de soldats debout. Ils sont consternés. Sur le devant, vers la gauche, assis à terre, un autre soldat, la tête penchée sur ses mains. Tout à fait à gauche, sur le devant, un troisième qui tient la cuirasse du général et qui la présente à ses camarades qui forment un groupe derrière lui.
Cela peut être d’un grand effet général pour le technique. Je vois que ces soldats placés sur le fond qui tiennent la couverture levée feront une belle masse. Ils attendent sans doute que Pélopidas soit expiré, pour la lui jeter sur le visage, et je ne nie pas que cette idée ne soit simple et sublime. Mais du reste où est l’incident remarquable ? Entre tous ces soldats où est le caractère d’un regret singulier ? Que font-ils pour Pélopidas qu’ils ne feraient pour tout autre ? Où sont ces hommes qui ont pris le parti de se laisser mourir ? Une douleur capable de ce projet extrême, est muette, tranquille, silencieuse, presque sans mouvement, et n’en est que plus profonde. C’est ce que vous n’avez pas conçu. Vous me feriez presque penser que le génie vous manque. Croyez-vous que quand vous auriez assemblé quelques-uns de ces soldats autour de la cuirasse brisée de Pélopidas, les yeux attachés sur elle ; cela n’aurait pas parlé davantage ? Quelle comparaison entre votre composition et celle du Testament d’Eudamidas.
Cependant vous ne persuaderez à personne que votre sujet ne fût ni aussi grand, ni aussi pathétique ni aussi fécond que celui du Poussin. Je ne vous dirai pas que les têtes penchées sur les mains sont bien usées ! Tant qu’elles seront en nature, on aura le droit de les employer dans l’art ; mais que fait votre Pélopidas ? Il expire, et puis c’est tout ; et cela n’eût pas été mal, si la résolution de ne pas lui survivre eût été caractérisée dans les siens par l’inaction, le silence et l’abandon. Vous n’y avez pas pensé, et vous m’autorisez à vous demander : “Quoi, dans cette foule le général thébain n’avait pas un ami particulier ? Il n’y avait pas là un seul homme qui songeât à la perte que faisait la patrie, et qui parût tourner ses yeux, ses bras, [ses] regrets vers elle.” Je ne sais ce que j’aurais produit à votre place ; je me serais renfermé longtemps dans les ténèbres ; j’aurais assisté à la mort de Pélopidas, et je crois que j’y aurais vu autre chose. En général la multitude des acteurs nuit à l’effet de la scène. Cette abondance est vraiment stérile. On n’y a recours que pour suppléer à une idée forte qui manque. Pigalle, jetez-moi à bas et ce squelette, et cet Hercule tout beau qu’il est, et cette France qui intercède. Étendez le maréchal dans sa dernière demeure, et que je voie seulement ces deux grenadiers affilant leurs sabres contre la pierre de sa tombe. Cela est plus beau, plus simple, plus énergique et plus neuf que tout votre fatras moitié histoire, moitié allégorie. ” (éd. Versini, Laffont, p. 804)
2. Vente Drouot Richelieu, Paris, mercredi 29 juin 2011, lot 8.
Informations techniques
Notice #015778