La Halte, dit aussi Halte Ă la source - Boucher
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Analyse
Livret du Salon de 1761 :
« Par M. Boucher, Recteur.
9. Pastorales & Paysages, sous le même Numero. »
Commentaire de Diderot :
« Pastorales et paysages de Boucher
Quelles couleurs ! quelle variété ! quelle richesse d’objets et d’idées ! Cet homme a tout, excepté la vérité. Il n’y a aucune partie de ses compositions qui, séparée des autres, ne vous plaise ; l’ensemble même vous séduit. On se demande : Mais où a-t-on vu des bergers vêtus avec cette élégance et ce luxe ? Quel sujet a jamais rassemblé dans un même endroit, en pleine campagne, sous les arches d’un pont, loin de toute habitation, des femmes, des hommes, des enfants, des bœufs, des vaches, des moutons, des chiens, des bottes de paille, de l’eau, du feu, une lanterne, des réchauds, des cruches, des chaudrons ? Que fait là cette femme charmante, si bien vêtue, si propre, si voluptueuse ? et ces enfants qui jouent et qui dorment, sont-ce les siens ? et cet homme qui porte du feu qu’il va renverser sur sa tête, est-ce son époux ? que veut-il faire de ces charbons allumés ? où les a-t-il pris ? Quel tapage d’objets disparates ! On en sent toute l’absurdité ; avec tout cela on ne saurait quitter le tableau. Il vous attache. On y revient. C’est un vice si agréable, c’est une extravagance si inimitable et si rare ! Il y a tant d’imagination, d’effet, de magie et de facilité !
Quand on a longtemps regardé un paysage tel que celui que nous venons d’ébaucher, on croit avoir tout vu. On se trompe ; on y retrouve une infinité de choses d’un prix !... Personne n’entend comme Boucher l’art de la lumière et des ombres. Il est fait pour tourner la tête à deux sortes de personnes, les gens du monde et les artistes. Son élégance, sa mignardise, sa galanterie romanesque, sa coquetterie, son goût, sa facilité, sa variété, son éclat, ses carnations fardées, sa débauche, doivent captiver les petits-maîtres, les petites femmes, les jeunes gens, les gens du monde, la foule de ceux qui sont étrangers au vrai goût, à la vérité, aux idées justes, à la sévérité de l’art. Comment résisteraient-ils au saillant, aux pompons, aux nudités, au libertinage, à l’épigramme de Boucher ? Les artistes qui voient jusqu’à quel point cet homme a surmonté les difficultés de la peinture, et pour qui c’est tout que ce mérite qui n’est guère bien connu que d’eux, fléchissent le genou devant lui ; c’est leur dieu. Les gens d’un grand goût, d’un goût sévère et antique, n’en font nul cas. Au reste, ce peintre est à peu près en peinture ce que l’Arioste est en poésie. Celui qui est enchanté de l’un est inconséquent s’il n’est pas fou de l’autre. Ils ont, ce me semble, la même imagination, le même goût, le même style, le même coloris. Boucher a un faire qui lui appartient tellement, que dans quelque morceau de peinture qu’on lui donnât une figure à exécuter, on la reconnaîtrait sur-le-champ. » (CFL V 57-8)
1. Signé et daté sur le piédestal du vase à droite : FBoucher / 1765.
2. Don des héritiers de Peter Parker.
3. Tableau exposé au Salon de 1761, puis agrandi en 1765, où il est daté et signé. Il est à nouveau exposé, avec un pendant, au Salon de 1769 (voir lien). Bergeret de Grancourt se fait alors connaître comme le propriétaire de la paire.
Le croquis de Gabriel de Saint-Aubin sur le livret du Salon de 1761, et la description de Diderot, permettent d’identifier le tableau pour sa partie gauche. Mais la partie droite semble avoir été refaite : Saint-Aubin nous montre un bœuf regardant la mère avec son enfant, où nous voyons un groupe de personnages sous une urne. Et l’arrière plan est vide chez Saint-Aubin.
Informations techniques
Notice #001801