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Recherche infructueuse

Les Grâces - Carle Vanloo

Série de l'image :

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Date :
1765
Nature de l'image :
Peinture sur toile
Dimensions (HxL cm) :
250x204
Sujet de l'image :
Lieu de conservation :

Analyse

Livret du Salon de 1765 :

« Par feu M. Carle Vanloo, premier Peintre du Roi, Chevalier de son Ordre, Directeur de l’Académie Royale de Peinture & de Sculpture, Directeur de l’Ecole Royale des Elèves protégés.

N° 1. Auguste fait fermer les portes du Temple de Janus. […]

2. Les Graces. Â»

Mercure de France, octobre 1765, p. 147-148 :

« On sait que le tableau des Grâces avoit subi des critiques Ă  la dernière exposition. Elles avoient dĂ©terminĂ© ce Peintre Ă  sacrifier au jugement du Public les beautĂ©s rĂ©elles du cĂ´tĂ© de l’art, qui se trouvoient dans ce morceau, & Ă  en refair eun autre. De pareils sacrifices sont familiers aux grads talens. Assez riches de leur propre fonds pour retrouver mieux qu’ils n’ont perdu ; ils ne doivent compter l’emploi du temps que par les progrès vers la perfection, & par le profit pour leur gloire. Un nouveau tableau des Grâces a Ă©tĂ© exposĂ© cette annĂ©es ; il offre trois figures charmantes, entre lesquelles on auroit peine Ă  faire un choix de prĂ©fĂ©rence, soit pour l’agrĂ©ment des tĂŞtes, soit pour l’élĂ©gance des formes, la beautĂ© des contours, soit enfin pour la fraĂ®cheur & pour l’éclat du coloris dans les carnations. MalgrĂ© tant de parties recommandables en peinture, on ne peut dissimuler que le groupe a paru pensĂ© un peu froidement. Mais quelles difficultĂ©s dans cette position de trois figures de femmes debout, toutes trois Ă©galement belles, mais dĂ©nuĂ©es du secours des reflets, du jeu des contrastes ! C’est ainsi, cependant, que l’antiquitĂ© a pour ainsi dire prescrit ce sujet. Pourquoi s’y ĂŞtre conformĂ©, dira-t-on peut ĂŞtre ? Mais pourquoi auroit-on Ă©ludĂ© une difficultĂ© qui n’a rien en soi de bizarre ni de contraire Ă  la belle nature ? Dans les arts ainsi que dans les sciences, les erreurs des grands hommes sont souvent des guides vers le but qu’ils n’ont pas atteint eux-mĂŞmes. Â»

Commentaire de Diderot dans le Salon de 1765 :

«  Les Grâces

Tableau de sept pieds six pouces de haut, sur six pieds deux pouces de large. Parce que ces figures se tiennent, le peintre a cru qu’elles Ă©taient groupĂ©es. L’aĂ®nĂ©e des trois sĹ“urs occupe le milieu ; elle a le bras droit posĂ© sur les reins de celle qui est Ă  gauche, et le bras gauche entrelacĂ© avec le bras droit de celle qui est Ă  droite. Elle est toute de face. La scène, si c’en est une, est dans un paysage. On voit un nuage qui descend du ciel, passe derrière les figures, et se rĂ©pand Ă  terre. Celle des Grâces qui est Ă  gauche, de deux tiers pour la tĂŞte et pour le dos, a le bras gauche posĂ© sur l’épaule de celle du milieu et tient un flacon dans sa main droite. C’est la plus jeune. La seconde, de deux tiers pour le dos et de profil pour la tĂŞte, a dans sa main gauche une rose ; Ă  l’aĂ®nĂ©e, c’est une branche de myrte qu’on a donnĂ©e et qu’elle tient dans sa main droite. Le site est jonchĂ© de quelques fleurs. Il est difficile d’imaginer une composition plus froide, des Grâces plus insipides, moins lĂ©gères, moins agrĂ©ables. Elles n’ont ni vie, ni action, ni caractère. Que font-elles lĂ  ? je veux mourir si elles en savent rien. Elles se montrent. Ce n’est pas ainsi que le poète les a vues. C’était au printemps. Il faisait un beau clair de lune. La verdure nouvelle couvrait les montagnes. Les ruisseaux murmuraient. On entendait, on voyait jaillir leurs eaux argentĂ©es. L’éclat de l’astre de la nuit ondulait Ă  leur surface. Le lieu Ă©tait solitaire et tranquille. C’était sur l’herbe molle de la prairie, au voisinage d’une forĂŞt, qu’elles chantaient et qu’elles dansaient. Je les vois, je les entends aussi. Que leurs chants sont doux  ! qu’elles sont belles  ! que leurs chairs sont fermes  ! la lumière tendre de la lune adoucit encore la blancheur de leur peau. Que leurs mouvements sont faciles et lĂ©gers  ! C’est le vieux Pan qui joue de la flĂ»te. Les deux jeunes faunes qui sont Ă  ses cĂ´tĂ©s, ont dressĂ© leurs oreilles pointues. Leurs yeux ardents parcourent les charmes les plus secrets des jeunes danseuses. Ce qu’ils voient ne les empĂŞche pas de regretter ce que la variĂ©tĂ© des mouvements de la danse leur dĂ©robe. Les nymphes des bois se sont approchĂ©es. Les nymphes des eaux ont sorti leurs tĂŞtes d’entre les roseaux. BientĂ´t elles se joindront aux jeux des aimables sĹ“urs.

    Junctaeque numphis Gratiae decentes

    Alterno terram quatiunt pede...

Mais revenons Ă  celles de Vanloo, qui ne valent pas celles que je quitte. Celle du milieu est raide. On dirait qu’elle a Ă©tĂ© arrangĂ©e par Marcel. Sa tĂŞte est trop forte. Elle a peine Ă  la soutenir. Et ces petits lambeaux de draperies qu’on a collĂ©es sur les fesses de l’une et sur le haut des cuisses de l’autre, qu’est-ce qui les attache lĂ   ? Rien que le mauvais goĂ»t de l’artiste et les mauvaises mĹ“urs du peuple. Ils ne savent pas que c’est une femme dĂ©couverte, et non une femme nue qui est indĂ©cente. Une femme indĂ©cente, c’est celle qui aurait une cornette sur sa tĂŞte, ses bas Ă  ses jambes, et ses mules aux pieds. Cela me rappelle la manière dont Mme Hocquet avait rendu la VĂ©nus pudique, la plus dĂ©shonnĂŞte crĂ©ature possible. Un jour elle imagina que la dĂ©esse se cachait mal avec sa main infĂ©rieure ; et la voilĂ  qui fait placer un linge en plâtre entre cette main et la partie correspondante de la statue, qui eut tout de suite l’air d’une femme qui s’essuie. Croyez-vous, mon ami, qu’Apelle se fĂ»t avisĂ© de placer grand de draperie comme la main sur tout le corps des trois Grâces  ?

HĂ©las ! depuis qu’elles sortirent nues de la tĂŞte du vieux poète jusqu’à Apelle, si quelque peintre les a vues, je vous jure que ce n’est pas Vanloo. Celles de Vanloo sont longues et grĂŞles, surtout Ă  leurs parties supĂ©rieures. Ce nuage, qui tombe de la droite et qui vient s’étendre Ă  leurs pieds, n’a pas le sens commun. Pour des natures douces et molles, comme celles-ci, la touche est trop ferme, trop rigoureuse  ; et puis tout autour un beau vert imaginaire qui les noircit et les enfume. Nul effet  ; nul intĂ©rĂŞt  ; peint et dessinĂ© de pratique. C’est une composition fort infĂ©rieure Ă  celle qu’il avait exposĂ©e au Salon prĂ©cĂ©dent, et qu’il a mise en pièce. Sans doute puisque les Grâces sont sĹ“urs, il faut qu’elles aient un air de famille  ; mais faut-il qu’elles aient la mĂŞme tĂŞte  ? Avec tout cela, la plus mauvaise de ces trois figures vaut mieux que les minauderies, les affĂ©teries, et les culs rouges de Boucher. C’est du moins de la chair et mĂŞme de la belle chair, avec un caractère de sĂ©vĂ©ritĂ© qui dĂ©plaĂ®t moins encore que le libertinage et les mauvaises mĹ“urs. S’il y a de la manière ici, elle est grande.

Et si vous lui passez de ne les avoir pas groupĂ©es, vous trouverez sĂ»rement les trois sĹ“urs avec tous leurs dĂ©fauts plus belles ici que dans son premier tableau. Â» (CFL VI 23-25)

Annotations :

2. Commandé en 1761 par la comtesse Maria Amalia Mniszech, fille du comte de Brühl, ministre du roi de Pologne Auguste III, par l’intermédiaire du diplomate Pierre-Michel Hennin (1728-1807). Une première version du tableau est exposée au salon de 1763 puis détruite par le peintre.

Objets :
Scène à trois

Informations techniques

Notice #001832

Image HD

Identifiant historique :
A1151
Traitement de l'image :
Image web
Bibliographie :
Diderot et l’art de Boucher à David (cat), 1984
n° 111, p. 372