La garçon de boutique (Rétif, Les Contemporaines, vol. 2, 1780) - Binet
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Analyse
Sujet de l’estampe de la Huitième Nouvelle : Le lieu de la scène est le magasin d’un riche marchand de draps. Le marchand, qui a ses vues, a envoyé la fille dans le magasin, sous prétexte de faire avec le garçon de boutique des relevés de comptes et des spéculations de commerce. On voit dans l’estampe cette jeune et jolie personne debout, une main appuyée sur la chaise du jeune homme, derrière laquelle elle se tient, pour être moins embarrassée de ses regards. Elle lui dit :
« Voilà des vues bien étendues, Monsieur ! »
Les deux jeunes gens, prénommés Cloris et de Courbuisson se retrouvent en tête à tête pour la première fois ; cette rencontre a été manigancée par le père de la jeune fille, M. d’Aubussat.
Cloris fut chargée d’un compte qui lui rendait la présence de Courbuisson nécessaire […] M. d’Aubussat n’avait prescrit ces deux opérations, d’ailleurs utiles, que pour amener une certaine facilité à se parler entre les deux amants. (P. 234)
M. d’Aubussat souhaite que les deux jeunes gens, qu’il a bien éduqués – l’un est son apprenti et l’autre sa fille – se marient car il a pu observer quelques regards entre Cloris et de Courbuisson. L’estampe présente Cloris se penchant vers de Courbuisson qui se retourne vers elle : Cloris s'appuie sur le dossier de la chaise de Courbuisson. Cloris est au centre de l’estampe et est mise en valeur par la lumière sur sa robe tandis que tout le reste est sombre. Sa posture est élégante, Binet lui a fait à son habitude des pieds minuscules et son bras gauche esquisse un geste gracieux. Elle est penchée sur de Courbuisson et paraît avoir une conversation avec lui. Il est, en effet, sur le même plan qu’elle, assis à son bureau, et tient une plume pour écrire tout en écoutant Cloris, qu'il regarde intimidé.
La seconde [opération] surtout, qui exigeait des questions continuelles, accoutuma Cloris à parler sans rougir à de Courbuisson, et celui-ci à lui répondre sans ce trouble secret qu’il éprouvait toujours. Il [le père] observa que sa fille, pour être moins gênée sans doute, s’était levée et qu’elle tenait une main appuyée sur la chaise de Courbuisson qui ne la regardait que rarement et avec timidité. (P. 234)
Ainsi leur discussion, forcée par les tâches que M. d’Aubussat donne à son protégé et à sa fille, permet de créer un premier lien. C’est en ce sens que le premier et l’arrière-plan sont encombrés de ballots de draps, pour ne pas oublier le lieu de travail et la tâche qui les réunit.
Cloris porte par dessus sa jolie robe un tablier : elle est en tenue de travail. Son père ne l’éduque pas en bourgeoise ; il lui apprend le métier. Dans le même esprit, il apprend à son apprenti à bien se conduire au sein d’une maison. L’innocence du garçon et la pudeur de Cloris s’accordent.
1. Signé sous la gravure à gauche « L. Binet inv. », à droite « L. S. Berthet Scul. ».
Légende sous les signatures : « Voila des vues bien-etendues, Monsieur ! »
Informations techniques
Notice #020034