Un ange apparaît à Josué (La Sainte Bible, Mame, 1866) - G. Doré

Or Josué, se trouvant près de Jéricho, leva les yeux et vit un homme qui se tenait debout devant lui, une épée nue à la main. Josué s'avança vers lui et lui dit : Es-tu des nôtres ou de nos ennemis ? Il répondit : Non ! Mais je suis le chef de l'armée de Yahvé, et maintenant je suis venu. Josué, tombant la face contre terre, l'adora et dit : Que dit mon Seigneur à son serviteur ? Le chef de l'armée de Yahvé répondit à Josué : Ote tes sandales de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te trouves est saint. Et Josué fit ainsi. (Josué 5, 14-15)

Le message est guerrier, l’ange porte une grande épée, comme il convient au chef de l’armée du Seigneur. Le message est collectif : tel Moïse descendant du Sinaï, l’ange s’adresse au peuple réuni, et non à Josué en particulier. Et la fin du texte biblique, qui ressemble à celle de l'épisode du Buisson ardent où Moise est invité à se déchausser, n’est pas représentée. Tout est en place pour la guerre à venir.

L'originalité de la composition de Gustave Doré tient dans le premier plan vide relégué dans l'ombre, alors que le fond de l'image est brillamment éclairé. L'ange ne vient pas du fond de l'image, mais s'interpose de dos au second plan en contre-jour face aux Hébreux situés au troisième plan sur la gauche. Nous ne voyons pas ce que voit Josué, mais plutôt ce qu'on pouvait voir depuis Jéricho, qui du coup est invisible. Josué, reconnaissable à son bâton de prophète est à peine visible au coin gauche de l'image, à la limite du second et du troisième plan. Symboliquement, l'image nous conduit de l'ombre de Jéricho vers la lumière du peuple de Dieu. Le sujet de l'image n'est pas la geste de Josué, mais celle du peuple, que l'on voit littéralement, face à l'apparition de l'ange, se con-vertir : sur la gauche, devant Josué, un cavalier se retourne pour voir l'ange ; plus à droite, deux personnages tombent à genoux, deux se prosternent.