Histoire du second calender. Le génie le confronte à la princesse (1001 nuits, éd. Janin, 1864)
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Analyse
[Le génie] me prit par le milieu du corps, me traîna hors de la chambre ; et s’élançant dans l’air, m’enleva jusqu’au ciel avec tant de force et de vîtesse, que je m’aperçus plutôt que j’étois monté si haut, que du chemin qu’il m’avoit fait faire en peu de momens. Il fondit de même vers la terre ; et l’ayant fait entr’ouvrir en frappant du pied, il s’y enfonça, et aussitôt je me trouvai dans le palais enchanté, devant la belle princesse de l’isle d’Ébène. Mais hélas, quel spectacle ! Je vis une chose qui me perça le cœur. Cette princesse étoit nue et toute en sang, étendue sur la terre, plus morte que vive et les joues baignées de larmes. « Perfide, lui dit le génie en me montrant à elle, n’est-ce pas là ton amant ? » Elle jeta sur moi ses jeux languissans, et répondit tristement : « Je ne le connois pas ; jamais je ne l’ai vu qu’en ce moment. » « Quoi, reprit le génie, il est cause que tu es dans l’état où te voilà si justement, et tu oses dire que tu ne le connois pas ! » « Si je ne le connois pas, repartit la princesse, voulez-vous que je fasse un mensonge qui soit la cause de sa perte ? » « Hé bien, dit le génie, en tirant un sabre, et le présentant à la princesse, si tu ne l’as jamais vu, prends ce sabre et lui coupe la tête. » « Hélas, dit la princesse, comment pourrois-je exécuter ce que vous exigez de moi ? Mes forces sont tellement épuisées, que je ne saurois lever le bras ; et quand je le pourrois, aurois-je le courage de donner la mort à une personne que je ne connois point, à un innocent ? » « Ce refus, dit alors le génie à la princesse, me fait connoître tout ton crime. » Ensuite se tournant de mon côté : « Et toi, me dit-il, ne la connois-tu pas ? »
J’aurois été le plus ingrat et le plus perfide de tous les hommes, si je n’eusse pas eu pour la princesse la même fidélité qu’elle avoit pour moi, qui étois la cause de son malheur. (GF I 155)
1. Signé sous la gravure à gauche « E. Wattier pinx.t », à droite « Nargeot sc. »
Légende sous les signatures : « PERFIDE ! LUI DIT LE GÉNIE. »
Informations techniques
Notice #023228