Lâagonie de Mme de Tourvel (Liaisons dangereuses) - Lavreince
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Analyse
Le moment choisi ici pour lâillustration est celui oĂč Mme de Tourvel Ă lâagonie, entendant la nouvelle de la mort de Valmont, ouvre les rideaux de son lit pour entendre le rĂ©cit de sa fin.
« En effet vous avez su que depuis plus de deux jours elle Ă©tait absolument sans connaissance ; et encore hier matin, quand son mĂ©decin arriva, et que nous nous approchĂąmes de son lit, elle ne nous reconnut ni lâun ni lâautre, et nous ne pĂ»mes obtenir ni une parole, ni le moindre signe. HĂ© bien ! Ă peine Ă©tions-nous revenus Ă la cheminĂ©e, et pendant que le mĂ©decin mâapprenait le triste Ă©vĂ©nement de la mort de M. de Valmont, cette femme infortunĂ©e a retrouvĂ© toute sa tĂȘte, soit que la nature seule ait produit cette rĂ©volution, soit quâelle ait Ă©tĂ© causĂ©e par ce smots rĂ©pĂ©ts de M. de Valmont et de mort, qui ont pu rappeler Ă la malade les seules idĂ©es dont elle sâoccupait depuis longtemps.
Quoi quâilo en soit, elle ouvrit prĂ©cipitamment les rideaux de son lit en sâĂ©criant : Quoi ! que dites-vous ? M. de Valmont est mort ? JâespĂ©rais lui faire croire quâelle sâĂ©tait trompĂ©e ; et je lâassurai dâabord quâelle avit mal entendu : mais loin de se laisser persuader ainsi, elle exigea du mĂ©decin quâil recommençùt ce cruel rĂ©cit ; et sur ce que je voulus essayer encore de la dissuader, elle mâappela et me dit Ă voix basse : Pourquoi vouloir me tromper ? nâĂ©tait-il pas dĂ©jĂ mort pour moi ! Il a donc fallu cĂ©der.
Notre malheureuse amie a Ă©coutĂ© dâabord dâun air assez tranquille, mais bientĂŽt aprĂšs, elle a interrompu le rĂ©cit, en disant : Assez, jâen ai assez. Elle a demandĂ© sur-le-champ quâon fermĂąt ses rideaux ; et lorsque le mĂ©decin a voulu sâoccuper ensuite des soins de son Ă©tat, elle nâa jamais voulu souffrir quâil approchĂąt dâelle.
DĂšs quâil a Ă©tĂ© sorti, elle a pareillement renvoyĂ© sa garde et sa femme de chambre ; et quand nous avons Ă©tĂ© seules, elle mâa priĂ©e de lâaider Ă se mettre Ă genoux sur son lit, et de lây soutenir. LĂ , elle est restĂ©e quelque temps en silence, et sans autre expression que celle de ses larmes qui coulaient abondamment. Enfin, joignant ses mains et les Ă©levant vers le Ciel : Dieu tout-puissant, a-t-elle dit dâune voix faible, mais fervente, je me soumets Ă ta justice : mais pardonne Ă Valmont. Que mes malheurs, que je reconnais avoir mĂ©ritĂ©s, ne lui soient pas un sujet de reproche, et je bĂ©nirai ta misĂ©ricorde ! Je me suis permis, ma chĂšre et digne amie, dâentrer dans ces dĂ©tails sur un sujet que je sens bien devoir renouveler et aggraver vos douleurs, parce que je ne doute pas que cette priĂšre de madame de Tourvel ne porte cependant une grande consolation dans votre Ăąme. » (Lettre CLXV de Mme de Volanges Ă Mme de Rosemonde, GF, pp. 489-490.)
1. Sous la gravure : « La Présidente Tourvel. » Plus bas, toujours au centre : « de lui ! grand Dieu....... Reprenez la, reprenez la.. Tiré des Liaisons dangereuses, Lettre CXLIX ». Plus bas : « A Paris, chez Romain Girard, Marché Neuf, Quartier Notre-Dame, prÚs le Corps-de-Garde, N° 8. »
Informations techniques
Notice #003177