Tempête (Verhael van de Avontuerlijke Reyse…, p49, in Oost en Westindische Voyagien..., 1650)
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Analyse
« Le 16, 17 & 18, le vent étoit si véhément, que nous ne pouvions pas aller à huit lignes. Le Midelbourg & le Trigaut avoient chacun son fanal allumé la nuit, & nous, nous en avions deux, afin de ne se pas écarter. La tempête redoublant, je fu avertir le Commandeur, que si nous continuyons de cingler, nous nous mettions en danger de périr. Qu’il étoit plus à propos d’amener les voiles & d’aller au gré du vent ; & que les deux autres vaisseaux nous voyant ainsi cingler, ils en feroient de même. Il me répondit : Si vous le trouvez bon ainsi, faites-le. Je fi aussitôt fraiser toutes les voiles, laissant courir au Zud avec la misaine de devant. Les deux autres navires nous suivirent. Sur la min-nuit le vent souffla avec tant de force & tant de violence, que cela n’est pas croyable à qui ne l’a jamais vu. Nous ne pouvions pas voir quelle route nous tenions ; car le vent tournoit à l’entour de la boussolle. Nôtre grand mast fut rompu & emporté tout d’un coup hors bord. Cette violente tempête, que l’on nomme Houragan, dura environ 4 heures, sans que la mer fût émuë ; mais le vent diminuant un peu, elle commença à s’émouvoir, & fut en peu d etems tellement agité, que le navire pensa plusieurs fois renverser. , Il prit, par sur le bord en balançant, une telle quantité d’eau, qui se répandoit par le dedans, qu’en sondant le fond de cale, on en trouva 7 pieds. On eut d’abord recours aux pompes. Nous avions 60 piéces de canon, tant d ebronze que d emétal, sous le poivre & sous le gingembre, qui furent ébranlées par le balancement du vaisseau ; de sorte que roulant d’un bord à l’autre, elles firent un grand fracas, & brisérent par malheur quelques balles de poivre. Pendant que les pompes joüoient, le poivre se répandit au fond de cale, qui en peu d etemps boucha tous les conduits des pompes & les rendit inutiles : l’eau s’augmentoit de plus en plus : ce qui nous fit croire que nous enfoncerions infailliblement. Nous étant aperçus que c’étoit le poivre qui causoit ce retardement, on tira les pompes hors de l’eau & on les nettoya , & puis on enveloppa le bout d’embas de chaque pompe d’un morceau de vieux pavillon que l’on mit dans chacun une grande corbeille, & puis on les descendit au fond de cale. Cela étant fait, on se remit à pomper vigoureusement. Chacun voyant l’eau un peu diminuer, reprit courage. Nôtre grand mast, qui étoit dans l’eau, flottoit [frottoit ?] si fort contre le navire, que nous appréhendions qu’il n’en brisâ le bord : ce qui m’obligea de faire couper les ausbants, & les autres cordages qui l’arrêtoient, afin de le laisser driver. Le matin nous aperçûmes le vaisseau Midelbourg, qui avoit aussi été cruellement mal-traité de la tempête, ayant perdu le gallion & tous ses mâts, à la réserve d e l’artimon. Mais pour le Trigaut nous ne le vîmes point ; ce qui nous fit appréhender, qu’il n’eût été submergé. »
Récit du voyage aventureux de Guillaume Ysbrantsz Bonte-Koe van Horn.
Verhael van de Avontuerlijke Reyse van Willem Ysbrantsz Bonte-Koe, van Horn.
Le journal commence en décembre 1618. Texte non daté
Cette gravure, inversée, se retrouvera au frontispice du Récit lamentable du désastre du vaisseau La Trompe d’Or (Gouden Buys) parti au service de la Compagnie des Indes Orientales, pour la Chambre d’Enkhuyse, le 4 mai de l’année 1693, publié en néerlandais à Amsterdam, chez les héritiers de la Veuve de Gijsbert de Groot et Antoine van Dam.
1. Sur le haut de la gravure, « ’tSchip blÿst door een Orkaen ».
Informations techniques
Notice #006469