Tristan et Yseut dans la forĂŞt du Morois (Roman de la poire, Bnf Fr2186 5v)
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Analyse
L’épisode est raconté ainsi par Béroul :
« Le roi délace son manteau dont les attaches sont en or fin. Sans manteau, il apparaît dans toute sa beauté. Il dégaine son épée, s’élance en colère, répétant qu’il préfère mourir plutôt que de ne pas se venger en les tuant. L’épée nue, il entre dans la hutte, avec le forestier sur ses talons, empressé derrière le roi. Mais le roi lui fait signe de repartir. Le roi lève son épée, dans un geste de colère, mais il a une défaillance. Déjà le coup allait s’abattre sur eux, il les aurait tués, et c’eût été un grand malheur, quand il remarqua qu’elle avait gardé sa chemise, qu’entre eux il y avait un espace, que leurs bouches n’étaient pas jointes. Et quand il vit que l’épée nue séparait leurs deux corps, que Tristan avait gardé ses braies, le roi dit :
Dieu ! que se passe-t-il ? Maintenant que j’ai découvert tant de détails de leur existence, Dieu, je ne sais plus ce que je dois faire, si je dois les tuer ou me retirer. Je peux bien m’imaginer, avec un peu de bon sens, que s’ils s’aimaient d’amour coupable ils ne dormiraient pas avec une épée entre eux deux, et ce couple offrirait un tout autre spectacle (autrement fust cest’asenblee). » (Trad. Daniel Poirion, Pléiade, pp. 55-56.)
L’enluminure décentre deux fois le dispositif du tabernacle. Le couple endormi dans la hutte de branchage remplace la dame seule dans la tente. Tristan constitue le premier décalage. Puis Marc découvrant les amants produit un second décalage. On va vers la scène : une intéraction (ou plutôt une absence d’intéraction) entre deux personnages (Tristan et Yseut) est surprise par le regard d’un tiers (Marc).
2. Folio 5 verso.
Le Roman de la poire est un poème allégorique du 13e siècle qui a pour sujet l’innamoramento de son auteur. Ayant accepté de mordre dans une poire que la dame dont il était amoureux lui avait tendue après l’avoir mordue, le poète est pénétré jusqu’au cœur par la saveur du fruit, qui persiste en lui, lui procurant joie et douleur tout à la fois. Il dialogue alors avec un interlocuteur imaginaire, jusqu’à l’arrivée de quatre messagères d’Amour, Beauté, Courtoisie, Noblesse et Franchise, lui demandant de se rendre à leur maître. Amour arrive alors en grande pompe. Le poète se rend à Amour. Commence alors son martyre : Amour lui enlève le cœur et le remet à sa Dame, qui seule pourra le guérir. Après quelques péripéties, la Dame, sur l’ordre d’Amour, accepte le poète pour son ami ; mais c’est elle à son tour qui reçoit , en plein cœur, l’une de ses flèches dorées. Suit une ambassade allégorique symétrique de la précédente, et le cœur de la Dame est confié au poète. La Dame (Agnès) demande au poète et obtient qu’il vienne chez elle lui lire son « Roman ».
Informations techniques
Notice #006858