Folie de Lancelot (Lancelot du lac, Ms Fr118) - M. des cleres femmes
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Analyse
Devenu fou furieux dans la geĂŽle oĂč il Ă©tait enfermĂ© avec Galehaut et ses compagnons, Lancelot, qui est pauvre et pour qui personne ne paiera de rançon, est finalement relĂąchĂ© par la dame de la Roche, et se retrouve errant dans le camp des assiĂ©geants. La reine GueniĂšvre lâaperçoit depuis son logement, reprĂ©sentĂ© Ă droite, et envoie Ă sa rencontre la Dame de Malehaut, qui figure ici en bas Ă droite en rouge vermillon. Lancelot lâaccueille en lui jetant des pierres. Nây pouvant tenir, la reine accourt (en bleu au centre) et Lancelot accepte de la suivre Ă lâintĂ©rieur. SoignĂ© par la reine, Lancelot recouvre la raison.
Texte du Ms 118 :
« Selon le conte, Ă prĂ©sent, Lancelot se trouve en ces lieux dans un tel Ă©tat quâil ne boit ni ne mange, malgrĂ© tous les encouragements quâon peut lui pordifuer, et toute la journĂ©e il mĂšne une telle douleur que personne nâarrive Ă le calmer. Son crĂąne se vide et il lui monte Ă la tĂȘte une telle folie furieuse (si li est montee une folie et une raige o chief si durement) que rien ne lui rĂ©site. Il nây a pas un de ses compagnons Ă qui il nâait fait deux ou trois blessures. Le geĂŽlier finit par lâisoler dans une chambre : il voit bien que sa folie furieuse nâest pas feinte (et voit bien que il est enragiez sanz guille), et il en a lui-mĂȘme grand pitiĂ©. Galehaut le prie alors de le mettre avec Lancelot ; mais lâautre refuse, disant que celui-ci le tuerait. Peu vous importe, mon ami, fait Galehaut : je prĂ©fĂ©rerais quâil me tue plutĂŽt que dâĂȘtre sĂ©parĂ© de lui. Mais lâautre avec duretĂ©, nâen veut rien faire. Le bruit sâen rĂ©pand et parvient jusquâĂ la dame de la Roche ; elle dĂ©cide dâaller en personne le voir et demande au geĂŽlier qui il est ; il rĂ©pond que les autres disent quâil nâa pas un denier de terre. Par exemple ! fait-elle, ce serait donc un pĂ©chĂ© mortel de ne pas le laisser aller. Ouvrez-lui plutĂŽt la porte dâen bas. CâĂ©tait la porte qui faisait face aux hommes du roi Arthur, sur la pente de la Roche et juste au-dessus de lâeau. Il y en avait une autre, qui Ă©tait fermĂ©e magiquement, car rien dâautre ne la fermait que lâair, et tous ceux qui la voyaient croyaient quâon pouvait y entrer sans aucun obstacle, mais personne ne pouvait le faire, en dehors des assiĂ©gĂ©s ; ils sortaient ou entraient autant quâils le voulaient, et cela par la vertu des enchantements. Ainsi, par cette poterne, les assiĂ©gĂ©s faisaient de frĂ©quentes et rapides sorties, et dĂšs quâils pouvaient remettre les pieds Ă lâintĂ©rieur, ils ne craignaient plus rien des assiĂ©geants. Quand Lancelot fut mis dehors, et que Galehaut le sut, ce dernier en Ă©prouva une si grande douleur quâil en devint presque fou de rage et en perdit le boire et le manger. Lancelot, lui, se retrouve dans le camp des assiĂ©geants, mais tous les redoutent et sâenfuient devant ses extravagances. Il finit par arriver devant le logement de la reine qui regardait Ă lâune des fenĂȘtres. Ă sa vue, elle sâĂ©vanouit, car la foule le poursuivait comme on fait avec ceux qui ont perdu la raison. Quand elle revient Ă elle, elle se retrouve entre les bras de la dame de Malehaut et elle lui dit quâelle se sent mourir. Dame, fait celle-ci, quâest-ce qui vous a pris ? La reine sâexplique et lâautre sâĂ©crie : Ah ! dame, Dieu merci, il nây a quâĂ entrer dans son jeu, car peut-ĂȘtre feint-il la folie pour vous voir ; ou bien, sâil a vraiment perdu la raison, nous le garderons jusquâĂ ce quâil soit guĂ©ri. La reine lâenvoie auprĂšs de Lancelot ; elle-mĂȘme sâest dâabord prĂ©cipitĂ©e dans une chambre, craignant de sâĂ©vanouir Ă sa vue ; mais une fois lĂ , elle ne peut tenir et ressort pour le voir. La dame de Malehaut le rejoint et veut le prendre par la main ; mais il court saisir des pierres pour la tuer et elle pousse des cris, comme une femme quâelle est, et la reine crie aussin pour lâarrĂȘter ; Ă peine lâa-t-il entendue, quâil sâassied, se met les deux mains devant les yeux, comme pris de honte, sans plus du tout vouloir se lever. La dame d eMalehaut nâose plus approcher ; mais la reine GueniĂšvre sort, le prend par la main et lui commande de se lever ; aussitĂŽt il obĂ©it et elle lâemmĂšne dans une chambr eĂ lâĂ©tage. Les dames de sa suite demandent qui il est ; au dire de certaines, câest un des meilleurs chevaliers du monde. Seule la reine peut le faire tenir en paix : lui donne-t-elle lâordre de rester tranquille, il ne nbougera plus. Ces rĂ©sultats quâobtient la reine soulĂšvent lâĂ©tonnement gĂ©nĂ©ral. »
Informations techniques
Notice #006878