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LES | COMEDIES | DE | TERENCE, | AVEC LA TRADUCTION | ET LES REMARQUES, | DE MADAME DACIER. | TOME PREMIER. | [Vignette avec masques, cothurnes, lyre, flûte, tambourin, triangle, B. Picart del. 1717] | A ROTTERDAM, | AUX DÉPENS DE GASPAR FRITSCH. | M DCC XVII. | AVEC PRIVILEGE.
« Avant que de finir cette Préface, je rendrai compte ici d’une chose qui me paraît ne devoir pas être oubliée. Pendant que je travaillois à cet Ouvrage, M. THEVENOT, dont le merite est si connu de tout le monde, & qui a sû joindre toute sles qualitez de l’honnête homme [xxxviii] à celles de l’homme d’esprit, m’exhortoit à voir les Manuscrits de la Bibliotheque du Roi, où il me disoit que je pourrois trouver des choses que je ne serois pas fâchée de voir. J’avois beaucoup de repugnance à en venir là ; il me sembloit que les Manuscrits étoient si fort au dessus d’une personne de mon sexe, que c’étoit usurper les deoits des Savans que d’avoir seulement la pensée de les consulter. Mais ma Traduction étant achevée d’imprimer, & M. THEVENOT m’ayant dit que les Manuscrits dont il m’avoit parlé méritoient d’être vûs, à cause des figures qui y sont, la curiosité m’a portée enfin à les voir avant que de donner ma Préface. Ils m’ont été communiquez depuis quelques jours, & j’y ai trouvé des choses dont je suis charmée, & qui prouvent admirablement les changemens les plus considerables que j’ai faits au texte pour la division des Actes, qui est ce qu’il y a de plus important. Pour le plaisir du Lecteur je mettre par [xxxix] ordre ce que j’y ai trouvé de plus remarquable.
Entre ces Manuscrits il y en a deux qui bien que fort anciens (car le plus moderne paroît avoir plus de huit ou neuf cens ans) ne sont pas si précieux par leur antiquité que par les parques qu’ils portent, qui font connoître qu’ils ont été faits sur des Manuscrits fort anciens, & d’une très-bonne main. Les figures qui sont au commencement de chaque Scene ne sont pas fort délicatement dessinées ; mais leur geste & leur attitude répondetn parfaitement aux passions & aux mouvemens que le Poëte a voulu donner à se spersonnages ; & je ne doute pas que du temps de TERENCE les Comédiens ne fissent les mêmes gestes qui sont représentez par ces figures.
Il n’y avoit point d’Acteur qui n’eût un masque : c’est pourquoi à la tête de chaque Comédie il y a une Planche où l’on voit autant de masques qu’il y a d’Acteurs ; mais [xl] ces masques n’étoient pas faits comme les nôtres qui couvrent seulement le visage, c’étoit une tête entiere qui enfermoit toute la tête de l’Acteur. On n’a qu’à se représenter un casque dont le devant auroit la figure du visage, & qui seroit coiffé d’une perruque ; car il n’y avoit point de masque sans cheveux. J’ai fait graver toutes les figures de ce Manuscrit & les Planches de ces masques, dont les figures servent à faire entendre cette fable de PHEDRE :
Personam tragicam forte Vulpes viderat.
O quant species ! inquit, cerebrum non habet.
Un Renard voyant un jour un masque de Théâtre, ô la belle tête, dit-il, mais elle n’a point de cervelle.
La troisième remarque que je fais sur les figures, c’est que le manteau des Esclaves étoit aussi court que [xli] celui de nos Comédiens Italiens ; mais il étoit beaucoup plus large. Ces Acteurs le mettoient d’ordinaire en écharpe, & ils le portoient le plus souvent autour du cou, ou sur une épaule ; & quelquefois ils s’en servoient comme d’une ceinture.
La quatrième remarque, c’est que les portes qui donnoient dans la rüe avoient presque toute sle sportieres qui les couvroient par dedans ; & comme apparemment on n’avoit pas alors l’usage des tringles & des anneaux, ceux qui sortoient, & qui se tenant devant la porte vouloient voir cependant ce qui se passoit devant la maison, nouoient la portiere comme on noue les rideaux d’un lit.
C’est ce que je trouve de plus remarquable dans ces figures. Voyons si en parcourant les pieces l’une après l’autre, on ne trouvera rien qui mérite d’être remarqué.