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Après la Révolution de Juillet, les travaux de décoration du Palais-Bourbon sont suspendus.

Le chantier est relancé par l’arrêté du 25 septembre 1830 qui organise un Concours pour la commande de trois tableaux destinés à orner la Salle des Séances de la Chambre des Députés.

Guizot, alors ministre de l’intérieur, est à l’origine du programme iconographique : les sujets doivent constituer des exemples de vertu pour les députés et légitimer le nouveau régime.

  • Au centre devait figurer Louis-Philippe prêtant serment à la charte constitutionnelle le 9 aout 1830, et, de chaque côté, 
  • La séance de l’Assemblée constituante le 23 juin 1789 au moment où Mirabeau répond au Maître des Cérémonies qui prie l’Assemblée de se séparer : « allez dire à votre maître que nous sommes ici par l’ordre du peuple et nous n’en sortirons que par la puissance des baïonnettes » et 
  • Boissy d’Anglas, Président de la Convention Nationale, saluant la tête du député Féraud que les révoltés du 1er prairial an III lui présentent en le menaçant.

Les trois sujets devaient être jugés séparément par un jury constitué de quinze membres. Certains artistes présentèrent des esquisses pour plusieurs sujets. Il y eut vingt-six concurrents pour le premier tableau, trente-huit pour le deuxième et cinquante-trois pour le troisième.

Le concours pour le 3e sujet fut clos le 1er avril 1831. Sur les cinquante-trois concurrents, treize furent sélectionnés : Vinchon, Court, Lami, Caminade, Thomas, Lettière, Shoppin, Durupt, Tassaert, Harlé, Delacroix, Jollivet, Goyet.

Pour entourer Louis-Philippe, Guizot choisit l’action héroïque de deux députés : dans l'esprit de Guizot, Mirabeau a initié la Révolution et Boissy d’Anglas a marqué les limites qu'elle ne devait pas dépasser. En effet, lors de l’envahissement de la Convention le 1er prairial an III (20 mai 1795) par le peuple qui réclamait « du pain et la constitution de 1793 », Féraud, député des Hautes Pyrénées, s’opposa à l’émeute. Dans la mêlée, il fut abattu d’un coup de pistolet et sa tête tranchée fut présentée au bout d’une pique au président de séance, Boissy d’Anglas, qui resta imperturbable et évita ainsi la dissolution de l’assemblée.

Le but de ces trois tableaux formant triptyque est pédagogique et politique. Représenter Louis-Philippe entre Mirabeau résistant au roi et Boissy d’Anglas résistant au peuple, c’était faire du roi des Français à la fois le garant du bon fonctionnement de l’Assemblée Nationale et l’héritier de la Révolution.

Les résultats du concours et le choix du jury furent contestés : Coutan fut désigné pour le premier tableau, A. Hesse pour le deuxième (Mirabeau) et Vinchon pour le troisième (Boissy d’Anglas). Aucun artiste de la nouvelle école romantique ne fut choisi. Le jury ne retint pas les esquisses de Delacroix, et particulièrement Boissy d’Anglas saluant la tête du député Féraud, unanimement apprécié lors de l’exposition, lui reprochant de ne pas avoir scrupuleusement respecté le programme iconographique. (Delacroix par ailleurs était républicain…)

Tant pour Mirabeau que pour Boissy d’Anglas, on retint les esquisses qui donnaient une description précise de la Salle des Séances de l’Assemblée Nationale (la Salle des Menus Plaisirs à Versailles devenue Salle des Etats Généraux ; la Salle des Séances de la Convention Nationale aux Tuileries) et qui privilégièrent la galerie de portraits et la description précise de l’attitude du héros. Le choix de la composition de Vinchon pour Boissy d’Anglas saluant la tête du député Féraud est révélateur. La critique préféra l’œuvre de Court parce qu’il avait su donner de fidèles portraits des protagonistes et avait mis l’accent sur la variété des expressions, le réalisme des physionomies. Si Vinchon obtint finalement la majorité des suffrages, c’est parce qu’il avait su rendre parfaitement « la résistance calme du héros » en inventant une anecdote supplémentaire qui met encore en valeur le stoïcisme du président de l’Assemblée Nationale : un révolté ayant arraché la tête de Féraud de dessus la pique qui la portait pour la mettre près du visage du président.

D'après Marie-Claude Chaudonneret, Revue du Louvre, 2 | 1987, p 128-135.