Livre VIII, chapitre 11. De la visite secrète et des présents que le prince d’Espagne fit à Catalina.
Après un compliment si gracieux pour une tante, il dit mille choses flatteuses à Catalina qui lui répondit très spirituellement. Comme il est permis aux honnêtes gens qui font le personnage que je faisais dans cette occasion, de se mêler à l’entretien des amants, pourvu que ce soit pour attiser le feu, je dis au galant que sa nymphe chantait et jouait du luth à merveille. Il fut ravi d’apprendre qu’elle eût ces talents ; il la pressa de lui en montrer un échantillon. Elle se rendit de bonne grâce à ces instances, prit un luth tout accordé, joua quelques airs tendres, et chanta d’une manière si touchante, que le prince se laissa tomber à ses genoux tout transporté d’amour et de plaisir. Mais finissons-là ce tableau, et disons seulement que, dans la douce ivresse où l’héritier de la monarchie espagnole était plongé, les heures s’écoulèrent comme des moments, et qu’il nous fallut l’arracher de cette dangereuse maison, à cause du jour qui s’approchait. Messieurs les entrepreneurs le ramenèrent promptement au palais, et le remirent dans son appartement. Ils se retirèrent ensuite chez eux, aussi contents de l’avoir appareillé avec une aventurière, que s’ils eussent fait son mariage avec une princesse. (Folio, p. 674-675)