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Utpictura18, revue Rubriques. Présentation du numéro
Auteurs / Autrices :
Choiseul, Voyage pittoresque de la Grèce, 1782 - Milo

Numéro coordonné par Fabrice Moulin et Séverine Guillet. 

Comité scientifique : 

Odile Parsis-Barubé, Université de Lille, IRHIS 
Gilles Bertrand, Université Grenoble Alpes, LUHCIE 
Elise Pavy, Université Bordeaux-Montaigne, PLURIELLES 
Jean-Marie Roulin, Université Jean-Monnet Saint Etienne, IHRIM 
Christopher Drew Armstrong, University of Pittsburg, Dpt of History of Art and Architecture 

Calendrier et consignes

Les propositions d’articles (250-300 mots) devront être envoyées, accompagnées d’une courte bio-bibliographie, avant le 30 janvier 2026 à Séverine Guillet, guillets@parisnanterre.fr, et à Fabrice Moulin, moulinfabrice@yahoo.fr.
Le comité donnera sa réponse à la mi-mars 2026.
Les articles dont les propositions auront été retenues devront nous parvenir avant le 10 juillet 2026.
Longueur maximale des articles : 35000 signes, espaces compris. Se conformer aux consignes de mise en page (à lire avant de commencer à rédiger) : https://utpictura18.univ-amu.fr/consignes-mise-en-page-articles
Chaque article pourra être illustré de 15 images maximum. Les consignes sur la préparation des dossiers iconographiques seront données aux auteurs en mars 2026.
Publication prévue en janvier 2027.

Présentation du numéro

Entreprises éditoriales, aux contours génériques mouvants, les “Voyages pittoresques” se développent de façon très importante à partir du dernier tiers du XVIIIe siècle et dans la période romantique. Ils sont les héritiers de
traditions littéraires savantes occidentales, qui ont participé, par la découverte et l’observation, à l’ouverture et à l’élargissement du monde et du savoir : lointainement, le récit viatique humaniste, et plus directement les voyages antiquaires des XVIIe et XVIIIe siècles, ou encore les recueils d’antiquités ainsi que les voyages à visée scientifique et encyclopédique des Lumières.

Ancré, au départ, dans un double territoire, méditerranéo-oriental d’une part (le Voyage pittoresque ou description des royaumes de Naples et de Sicile de Saint-Non en 1781 ; le Voyage pittoresque de la Grèce de Choiseul-Gouffier en 1782), et national d’autre part (le Voyage pittoresque de la France, initié par Laborde dès 1780), le voyage pittoresque, dont les horizons s’élargissent parfois jusqu’aux Indes ou au Nouveau Monde, est aussi bien une affaire d’histoire (avec en vue l’antique, ou le passé médiéval) que de géographie (paysages lointains ou proches, urbains, ruraux, alpins…). Parmi les nombreuses publications françaises qui s’affichent sous ce titre, on compte, sur cette période, au moins une quarantaine d’ouvrages illustrés. En dépit des disparités qui traversent ce corpus, a fortiori sur une période de quarante ans, les voyages pittoresques illustrés ont en commun, bien souvent, une forte ambition éditoriale : ce sont le plus souvent de luxueux ouvrages, de grand format, financés non sans difficultés par des souscriptions, voire des subventions. Ils sont richement illustrés de gravures (plus tard de lithographies) extrêmement soignées. Ils partagent surtout le projet, inscrit aussi dans leur titre (qui joint parfois le voyage au tableau, et le pittoresque au sentimental, puis au romantique), de faire voir, de rendre visible l’expérience singulière et sensible du voyage. Par l’image comme par le texte, le pittoresque traduit d’abord une nouvelle sensibilité au paysage, qui, à travers le vécu du voyage, cherche avant tout à produire de l’effet sur le spectateur-lecteur. Depuis Choiseul, qui place, dans son prospectus, le Voyage pittoresque de la Grèce sous le signe du désir de « communiquer [...] une partie des sensations qu’[il] ven[ait] d'éprouver » jusqu’à Nodier, qui dit écrire, avec le Voyage pittoresque de l’ancienne France, un « voyage d’impressions », le voyage pittoresque configure la communication d’une expérience.

Des expériences d’architecture en images ?

Qu’ils participent tantôt de la culture de l’observation scientifique des Lumières (en articulant, à loisir, savoirs archéologiques et topographiques, histoire naturelle, études de mœurs…) ou de l’affirmation d’une nouvelle sensibilité romantique (notamment à l’histoire et au passé national), ces voyages pittoresques placent l’architecture, délibérément ou non, au cœur de leurs enquêtes. Dans un article, adossé à une thèse restée inédite mais importante pour l’étude de ce corpus, Caroline Jeanjean-Becker constate que si « la forme et le fond de ces récits évoluent au cours de la période […] l’intérêt des voyageurs pour les monuments et la manière dont ils sont érigés demeure une constante. [Ces voyages] constituent donc autant d’histoires de l’architecture et d’expression d’une sensibilité à l’architecture » (Jeanjean-Becker 1999). L’intérêt des historiens de l’architecture pour ces voyages n’a fait que confirmer cette intuition (Szambien 1988 ; Armstrong 2013, par exemple). D’une certaine manière, c’est même autour du savoir et de l’imaginaire architectural que l’entreprise du voyage pittoresque s’invente (avec les Ruines des plus beaux monuments de la Grèce de Leroy, précurseur du genre) et qu’elle aurait pu trouver son apogée (avec le projet initial, mais abandonné car trop ambitieux, du baron Taylor de donner une « histoire de l’architecture chez tous les peuples », qui se resserra finalement sur les Voyages pittoresques de l’ancienne France).

Inabouti, ce rêve éditorial d’une histoire universelle de l’architecture dans les premières années du XIXe siècle, nous invite néanmoins – c’est tout le sens de ce projet de numéro – à lire la production des voyages pittoresques
illustrés comme autant, sinon d’histoires, du moins de récits imagés, d’expériences figurées d’architecture. Avec des accents culturels différents selon les périodes, les intentions éditoriales, les auteurs et les artistes, qu’ils soient portés par l’esprit de découverte encyclopédique des Lumières, ou la nouvelle sensibilité au paysage, par la passion archéologique de l’antique ou le goût pour les vestiges médiévaux, par l’attirance exotique ou la constitution d’un patrimoine national, tous ces ouvrages ont en commun de produire et diffuser, avec les moyens mécaniques de l’imprimé, un nombre colossal d’images qui font basculer l’essentiel du savoir et du plaisir promis au lecteur du voyage, du régime du discours vers celui du visible. Comment ces voyages pittoresques, en permettant la circulation et la comparaison massive d’images d’architectures – tantôt lointaines, inconnues ou redécouvertes, tantôt ancrées dans la France et ses provinces – participent-ils d’une nouvelle forme d’histoire de l’architecture par les images ? et, plus généralement, d’une culture visuelle du bâti ? Comment cette galerie, ce museum imaginaire et livresque (le musée s’invente d’ailleurs à cette époque) dialogue-t-il avec d’autres traditions visuelles de l’architecture, d’autres corpus d’images (comme ceux de Fischer von Erlach ou de Piranèse, par exemple) ; mais aussi avec les recueils d'antiquités ou encore les traités d’architecture et leurs illustrations, voire des illustrations de fictions ? Comment ces illustrations donnent-elles à voir l’inscription complexe du savoir architectural (que l’iconographie humaniste avait surtout centré sur la question des proportions et des ordres), dans l’expérience multiple et dynamique du voyage ? Comment se traduisent, dans les vues des voyages pittoresques, la série de nouveaux rapports dont se nourrit l’imaginaire architectural du tournant des Lumières ? Rapport à la nature et au paysage (quelle part du bâti dans les esthétiques pittoresque et sublime ?) ; rapport aux passés (quelles reconfigurations historiques, entre retour à l’antique et conscience d’une histoire nationale ?) ; rapport à la subjectivité (la poétique ou la mélancolie des ruines, par exemple) ; rapport aux mœurs et aux sociétés (quand le bâti participe de l’enquête ethnographique naissante).

Cet appel se veut une invitation à circuler dans ces corpus gravés, dessinés, lithographiés, en croisant les approches plurielles de l’histoire de l’art, de l’architecture et du livre, de l’histoire littéraire, mais aussi de la sémiologie, ou des études visuelles. Les quelques grands circuits suivants pourront guider les recherches et les enquêtes, sans exclusive :

L’architecture et l’expérience du voyage

On pourra interroger les différentes modalités selon lesquelles les perceptions, les savoirs, les découvertes d’architecture s’intègrent dans l’expérience globale et mouvante, intellectuelle et sensible, du voyage. Quelle place pour l’architecture au sein du système des savoirs construit par le voyage et son illustration ? Comment l’information d’architecture s’articule-t-elle aux autres types de savoirs véhiculés par l’image (savoir géologique, géographique, historique, ethnographique, épigraphique, numismatique…) ? De même, quelle place occupe la thématique de l’architecture et son iconographie au sein du projet éditorial ? Dans quelle mesure l’enquête architecturale reste-t-elle, comme le suggérait Caroline Jeanjean-Becker « le souci principal » du voyageur ? Parfois, cet intérêt est délibérément formulé et mis en avant (comme dans le Voyage pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine et de la Basse-Egypte de Louis-François Cassas ou le Voyage pittoresque des isles de Sicile… de Jean-Pierre-Louis Houël), posant la question de la nature de cet intérêt. Dans cette perspective, l’étude des discours préfaciels et préliminaires, des péritextes promotionnels, voire des traces de métadiscours sur le projet iconographique pourrait permettre de dégager une sorte de poétique de l’image d’architecture, qui interroge les fonctions différentes qu’on lui assigne et les publics auxquels on la destine : restitution scientifique pour le savant et l’amateur ? sauvegarde patrimoniale ou mémorielle ? recherche de l’« effet » pour le lecteur ? À l’inverse, on pourra se pencher sur les cas où le bâti s’invite sans qu’on l’y attende, jusqu’à occuper, dans le texte et dans l’image, une place importante, parfois à réévaluer, dans des voyages a priori tournés vers l’évocation de la nature ou l’observation des mœurs. Au-delà des approches qui ont volontiers privilégié le champ antiquaire ou l’histoire monumentale, on pourra se demander comment l’expérience du voyage, comme laboratoire d’une ethnographie naissante et au gré des mutations du pittoresque, a contribué à élargir les représentations de l’architecture, en portant une attention nouvelle à des formes du bâti encore relativement négligées par la littérature d’architecture : habitat modeste, rural ou typique, architectures vernaculaires ou industrielles (moulins, manufactures…), constructions édilitaires (pont, aqueduc, fontaine…) mais aussi logements fragiles, provisoires ou nomades (on pense, par exemple, aux frêles tentes des habitants d’Anatolie, que Choiseul-Gouffier fait représenter au milieu des vestiges de temples antiques). Quelle nouvelle visibilité pour ces bâtiments et constructions ? Pour quelles nouvelles formes d’inscription du bâti dans les représentations de la société et des pratiques humaines ? Enfin, entre exotisme (dans les expéditions de Grèce, du Levant ou d’Egypte…) et imaginaire national (depuis les Antiquités de France de Clérisseau, conçues comme parallèlement au Voyage pittoresque de la Grèce de Choiseul-Gouffier, jusqu’à l’ancienne France de Taylor et Nodier), on pourra interroger les rôles fluctuants des motifs d’architecture dans les constructions politiques, idéologiques et poétiques des identités culturelles.

L’architecture mise en scène

« On a peint ce qu’on a vu, et on l’a peint avec amour » déclare le comte de Choiseul-Gouffier dans le prospectus du Voyage pittoresque de la Grèce. Cela pose la question, abordée dans le premier axe, de ce que les voyageurs
voient effectivement, mais aussi celle de la manière dont ils le restituent « avec amour ». Un questionnement autour de la mise en scène de l’architecture dans les voyages pittoresques permettra ainsi de s’emparer de corpus graphiques plus ou moins connus et de créer des ponts avec d’autres ensembles issus des livres d’architecture, d’histoire naturelle (où le bâti est parfois présent en tant que décor ou élément de contexte, comme dans les Tabulae sceleti… (1747) d’Albinus et Wandelaar), de fiction (tel le Voyage du jeune Anacharsis de l’abbé Barthélémy), ou avec l’œuvre de dessinateurs, architectes et graveurs (Piranèse, Clérisseau, Pâris, Wailly…).

On pourra plus précisément mettre en avant des filiations à travers la circulation de modes de représentation de l’architecture entre ces différentes sources : jeux d’échelles, cadrage, point de vue, mise en page, etc., dans la
lignée de ce qu’a fait, par exemple, Susan M. Dixon pour Piranèse et Houël (Dixon 2003). Un questionnement autour de la circulation de motifs et même de gravures (par exemple entre le Voyage pittoresque de la Grèce et le Voyage du jeune Anacharsis), sera également bienvenu.

Le même Choiseul-Gouffier affirme que les « planches utiles » de son ouvrage, à savoir les cartes, les relevés d’édifices et d’éléments architecturaux, supposent un « goût vif pour l’architecture et des connaissances en géographie ». Mais ce type de gravures côtoient aussi des scènes d’intérieur, des vues d’ensemble et paysagères, des reconstitutions parfois : autant de représentations jugées moins utiles mais susceptibles, en parlant à l’imagination, de plaire à un plus large lectorat. Cette tension ou complémentarité entre deux registres figurés caractérise un grand nombre d’ouvrages de la période étudiée. Il s’agira ainsi d’envisager les choix de représentation opérés dans les voyages pittoresques comme autant d’éléments d’une culture livresque plus vaste : comment s’articulent ces différents modes de représentation de l’architecture, entre recherche de rigueur, d’exactitude et d’effet voire d’émotion ? À quels régimes de connaissance se raccrochent-ils ? Au cœur de cette thématique se trouvent les vues animées de figures. S’agit-il de figures de convention, contemporaines ou historiques, ou bien de protagonistes du récit et/ou d’acteurs du projet éditorial (le comte de Choiseul-Gouffier abordé par un moine sur l’île de Patmos, ou Voltaire dessiné au premier plan d’une vue de Ferney dans les Tableaux de la Suisse de Laborde) ? Qu’ajoutent-elles à l’intelligence des lieux représentés et quelle médiation apportent-elles au lecteur (guide, dessinateur, voyageur…) ? Habitent-elles ces lieux ou sont-elles simplement disposées autour ? La question de l’absence de ces figures, le cas échéant, pourra aussi être posée. Enfin, on s’intéressera au rapport de l’architecture à la nature, afin de mieux cerner les contours problématiques d’un pittoresque et d’un sublime qui seraient proprement architecturaux. Au-delà du motif de la ruine ou du tombeau, qu’on pourra suivre dans leurs glissements de l’antique vers le médiéval, le ressort principal des gravures, moins souvent étudié, réside aussi dans l’inscription du bâti (quel qu’il soit) dans l’écrin du site naturel (de la cabane rustique au village, en passant par le pont), voire la fusion métaphorique de leurs frontières : dans le texte comme dans l’image, la nature s’appréhende parfois comme artefact (terrasses, ponts, forteresses, colosses…) et l’artefact comme production naturelle (les visions piranésiennes de l’océan de débris, des murailles qui deviennent roches…). Autant de variations sur la confrontation entre l’homme et la nature, qu’on pourra étudier, en écho avec les grandes rêveries philosophiques des Lumières (celles d’un Diderot du Salon de 1767, d’un Bernardin de Saint-Pierre dans les Études de la Nature) ou les méditations romantiques (comme celles d’un Chateaubriand).

La fabrique du livre illustré : une architecture entre estampe et texte

Les voyages pittoresques sont souvent le résultat de véritables entreprises éditoriales qui ont pu durer de longues années. Peut-on d’ailleurs parler d’un résultat unique ? Parutions par livraisons, puis en volumes, puis rééditions : ce que l’on désigne comme un voyage pittoresque recouvre parfois plusieurs réalités matérielles. Dans la lignée de ce qui a déjà été proposé pour certaines de ces entreprises (celles de Choiseul-Gouffier, de Laborde et de Saint-Non, par exemple), il conviendra alors d’éclairer la fabrique de ces livres. Que sait-on des premières démarches de leur(s) concepteur(s) ? Quel était l’objectif de départ et à quoi cela a-t-il abouti ? Derrière un ou deux noms, de multiples acteurs ont généralement contribué à ces entreprises. Dessinateurs, peintres, architectes, graveurs, écrivains, érudits, entrepreneurs, souscripteurs, imprimeurs, éditeurs… : on pourra, dans la mesure du possible, retracer certaines collaborations, certains parcours d’artistes (voir par exemple les rares études sur les architectes Fauvel ou Foucherot (Zambon et Pinon 2007)). Cela permettra d’éclairer et d’interroger les choix opérés, d’une technique de gravure à un mode de financement, ainsi que les chaînes de production, de l’artiste à l’éditeur et du dessin à la gravure, par exemple. La question de la publicité et de la réception pourra également être abordée.

Enfin, l’un des enjeux majeurs du voyage pittoresque – dans sa fabrication comme sa réception – c’est l’articulation complexe entre l’illustration et le texte. La représentation de l’architecture s’élabore dans le rapport entre ces deux régimes, iconique et textuel. Selon quelles tensions ? Quelles complémentarités ? Quels décrochages, quelles circulations pour le lecteur ? Quels dialogues, quels passages entre les logiques narratives ou descriptives du voyage d’une part et l’organisation de la collection d’images (parfois en recueil et livraisons) qui fixent l’édifice ou cherchent à l’animer, d’autre part ? 

Si la promotion de l’illustration, tout au long de la période, tend à faire primer l’image, « partie principale », sur le texte « accessoire » (Choiseul), dans quelle mesure le discours (explicatif, descriptif, narratif) ne détient-il pas malgré tout certaines clefs de la lisibilité de l’image d’architecture ? Comment le texte du voyageur, traversé lui-même par d’autres textes, nourri de références livresques (Choiseul voyage « un Homère à la main ») en vient-il à habiter et animer les lieux et les sites représentés ? À les creuser par le récit, le mythe, ou l’expérience vécue ? Comment, à l’inverse, l’illustration s’affranchit-elle du texte, selon quels décalages, pour quelle autonomie ?

La période retenue pour les enquêtes s’ouvre naturellement avec les trois premiers voyages pittoresques illustrés édités par Saint-Non, Choiseul et Laborde, pour se refermer dans les années 1820, avec, notamment le premier volume des Voyages pittoresques de l’Ancienne France de Taylor et Nodier. En effet, à partir des années 1825, une double révolution scientifique (avec l’invention de l’archéologie moderne) et technique (le succès définitif du
procédé lithographique), inaugure une nouvelle ère pour le livre illustré, le tourisme moderne et l’approche scientifique du monument historique. Cette périodisation a aussi l’avantage de placer l’imaginaire des voyages pittoresques en perspective avec ce moment, à la fois cohérent et tourmenté, du tournant des Lumières, dont bien des mutations culturelles se cristallisent, justement, dans les représentations du paysage. On laissera néanmoins ouverte la possibilité d’explorations comparatives en amont (en convoquant, par exemple, l’influence de la tradition savante des voyages d’antiquaires ou, dans un autre registre, les premiers voyages pittoresques au format de guides pratiques pour la découverte des beaux-arts à Paris ou ailleurs) et les prolongements en aval vers les mutations du genre après 1830, ou la réception et l’exploitation postérieure des gravures. D’une manière générale,
nous serons ouverts à l’examen de propositions de contributions dédiées à des périodes plus tardives du XIXe siècle, pourvu qu’elles présentent, d’une façon ou d’une autre, un ancrage dans les enjeux et la période du tournant des Lumières. 

De même, si le volume envisage de centrer les contributions sur les publications en France, on pourra nourrir la réflexion en montrant comment ces images d’architectures s’inscrivent dans un contexte européen, marqué
notamment par la double influence anglaise, antiquaire (les premières grandes expéditions en Grèce de Richard Pococke, Stuart et Revett ou encore Wood et Dawkins) et esthétique (avec les élaborations théoriques
autour du pittoresque chez Gilpin notamment).

Quelques exemples de sources:

CASSAS, Louis François, Voyage pittoresque de la Syrie, de la Phénicie, de la Palestine et de la Basse-Egypte, 1799, 2 vol. de pl. in-fol.
CHOISEUL-GOUFFIER Marie-Gabriel Florent Auguste de, Voyage pittoresque de la Grèce, Paris, [s. n.] et Blaise, 1782-1822, 2 t. en 3 vol. in-fol., 262 pl. et fig.
HOUEL, Jean-Pierre-Louis-Laurent, Voyage pittoresque des isles de Sicile: de Malte
et de Lipari, Paris, Imprimerie de Monsieur, 1782-1787, 4 vol, 223 pl.
LABORDE, Jean-Benjamin de (dir.), Tableaux topographiques, pittoresques, physiques, historiques, moraux, politiques, littéraires de la Suisse, Paris : Clousier, 1780-1788, 2 t. en 3 vol. in-fol., 278 pl.
LABORDE, Jean-Benjamin de, Description générale et particulière de la France, ed. Pierres, 1781-1874, 4 vol. in fol. [puis] Voyage pittoresque de la France, avec la description de toutes ses provinces, Paris, Imprimerie de Monsieur, chez Lamy, 1784-1802, 9 t. en 7 vol.
LAVALLÉE, Joseph et CASSAS, Louis-François, Voyage pittoresque et historique de
l'Istrie et de la Dalmatie, rédigé d'après l'itinéraire de L.-F. Cassas, Paris, Née, an X [23 septembre 1801-22 septembre 1802], in-fol., 54 pl.
LEROY, Julien-David, Les Ruines des plus beaux monuments de la Grèce considérés du côté de l’histoire et du côté de l’architecture, Paris : Guerin et Delatour, 1758 (1ère éd.), Paris, Musier, 1770 (2e éd. corrigée), 2 t. en 1 vol. in-fol., 61 pl.
MELLING, Antoine-Ignace, Voyage pittoresque de Constantinople et des rives du Bosphore, collection des planches, s. n., 1809, 1 vol. in. fol., 53 pl.
MILBERT, Jacques Gérard, Voyage pittoresque à l’Ile-de-France, au cap de Bonne-Espérance et à l’île de Ténériffe, A. Nepveu, 1812, 2 vol. et 1 Atlas, in 8 et in 4, 45 pl.
NODIER, Charles, et TAYLOR, Justin, Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, tome 1, Ancienne Normandie, Paris, Didot l’Aîné, 1820, in-fol, 89 pl.
OSTERVALD, Samuel (éd.), Nouveau voyage pittoresque de la France, Paris, Ostervald, 1817, 3 vol.
SAINT-NON, Jean-Claude-Richard de, Voyage pittoresque ou description des royaumes de Naples et de Sicile, Paris, Clousier, 1781-1786, 5 t. en 4 vol. in-fol., 298 pl.

Quelques indications bibliographiques:

ARMSTRONG, Christopher Drew, « Le Comte de Maurepas et la redécouverte de la Méditerranée sous Louis XV ». Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 157, no 2 (2013) : 873‑907.
BARBIER, Frédéric, Le rêve grec de Monsieur de Choiseul : les voyages d’un Européen
des Lumières, Paris, A. Colin, 2010.
BERTRAND, Gilles, « Penser le paysage, mettre la France en images: Des Délices de Savinien d’Alquié à la Description de La Borde (1670-1802) », in La France en albums, Hermann, 2017, p. 15-30.
BERTRAND, Gilles, « Aux sources du voyage romantique : le voyage patriotique dans la France des années 1760-1820 », in Voyager en France au temps du romantisme : Poétique, esthétique, idéologie, Grenoble, UGA Éditions, Bibliothèque stendhalienne et romantique, 2003, p. 35-53.
BOSCHMA, Cornelis, « Les voyages pittoresques d’Antoine-Ignace Melling et les éditeurs Treuttel & Würtz », Revue française d’histoire du livre, 116‑117 (2002), p. 51‑77.
BOSCHMA, Cornelis, « Antoine-Ignace Melling, 1763-1831, et son Voyage pittoresque aux Pays du Nord », Gazette des Beaux-Arts CX (1987), p. 217‑224.
CHEVALLIER, Raymond, La réception de l’archéologie chez les voyageurs du XVIIIe siècle en Sicile, 1992.
DIXON, Susan M, « The Sources and Fortunes of Piranesi’s Archaeological Illustrations », In Tracing architecture: the aesthetics of antiquarianism. Art history (Print), Blackwell Pub, 2003, p. 49‑67.
La fabrique du romantisme : Charles Nodier et les « Voyages pittoresques », Musée de la Vie romantique, 11 octobre 2014 - 15 février 2015, Paris, 2014.
GILET, Annie, « Louis-François Cassas (1756-1827). Dessinateur et “agent” du comte
de Choiseul-Gouffier », in Le voyage en Grèce du comte de Choiseul-Gouffier, op. cit., p. 47‑59.
GRIFFITHS, Antony. « The Contract between Laborde and Saint-Non for the Voyage Pittoresque de Naples et de Sicile », Print Quarterly 5, no 4 (1988), p. 408‑414.
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MEURE, Chantale, « Dialogue du texte et des gravures dans le Voyage pittoresque de Jacques Gérard Milbert », in Le Pittoresque. Métamorphoses d’une quête dans l’Europe moderne et contemporaine, op. cit., p. 75‑97.
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PINAULT-SORENSEN, Madeleine, « Les illustrations des Voyages pittoresques », Études de lettres, 241, no 1‑2 (1995), p. 121‑134.
PINON, Pierre, « Jacques Foucherot. Un architecte et ingénieur de Orient », in Le voyage en Grèce du comte de Choiseul-Gouffier, op. cit., p. 41-45.
Piranèse et les Français: Colloque tenu à la Villa Médicis, 12-14 mai 1976, Académie de France à Rome, Rome, Italie, Edizioni dell’ Elefante, 1978.
Le voyage en Grèce du comte de Choiseul-Gouffier : exposition, Avignon, Musée Calvet, 30 juin 2007 - 5 novembre 2007, Avignon, Fondation Calvet, 2007.
SZAMBIEN, Werner, Le musée d’architecture, Paris, Picard, 1988.
ZAMBON, Alessia, « Louis-Sébastien Fauvel et la constitution de la collection Choiseul-Gouffier », in Le voyage en Grèce du comte de Choiseul-Gouffier, op. cit., p. 63-83.