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Achille reconnu à la cour de Déidamie - Hallé

Série de l'image :
Date :
1769
Nature de l'image :
Peinture sur toile
Dimensions (HxL cm) :
300x470 cm
Lieu de conservation :
Numéro principal : INV 5274
Numéro dépositaire : Inv P 137
Autre numéro d'inventaire : B 644
Œuvre signée
Œuvre datée

Analyse

Livret du Salon de 1769 :

« Par M. Hallé, Professeur.
11. Achille reconnu à la Cour de Deïdamie, par le choix qu’il fait des armes qu’Ulisse avoit mêlées avec les Bijoux de Femmes, à dessein de le découvrir.
Ce Tableau de 15 pieds de long, sur 10 pieds de haut, est destiné à être exécuté en Tapisserie à la Manufacture Royale des Gobelins. »

Commentaire de Diderot :

«  Hallé
O le beau sujet, mon ami ! C’est Ulysse qui reconnaît Achille au milieu des filles de Lycomède par la ruse que vous savez.
Vous imaginez un troupeau de jeunes folles que la curiosité précipite sur les bijoux que le faux marchand leur étale ; entre elles vous en discernez une plus svelte qui, oubliant les vêtements de femme sous lesquels le vieux Pélée, son père, s’était proposé de tromper la recherche des Grecs, et n’écoutant que son courage et son penchant naturel, s’est saisie d’un cimeterre, le tire à demi de son fourreau et prend subitement une attitude martiale. Vous voyez Déidamie attacher sur elle des regards mêlés d’inquiétude et de surprise. Vous voyez le rusé Ulysse, la tête appuyée sur sa main, la regarder en souriant et se dire en lui-même : « Voilà celui que je cherche... » Eh bien, mon ami, vous voyez dans votre tête je ne sais combien de belles choses dont il n’y a pas le moindre vestige sur la toile de Hallé.
Malgré cela, c’est pourtant un des bons tableaux du Salon et un des meilleurs que l’artiste ait fait de sa vie. L’éloge n’est pas outré, me direz-vous. D’accord. Les plans en sont nets et décidés, les figures merveilleusement en perspective, bien dégradées selon les distances, la scène tranquille, plus à la vérité qu’elle ne devrait l’être, mais grande, quoique un peu symétriquement ordonnée. L’œil se promène aisément entre les figures et les groupes. Il est vrai qu’en examinant ces figures et ces groupes on trouve que toutes les têtes se ressemblent, sont d’un même dessin et ont été prises d’après un même modèle ; qu’Ulysse n’a ni l’expression, ni le caractère, ni l’attitude qui lui convenaient. Le poète dit à la vérité qu’il avait la taille courte, la tête grosse et les épaules larges, mais voilà précisément un de ces cas où le peintre devait laisser là le poète, et sentir que ce qui faisait à merveille dans ses vers ne ferait rien qui vaille au bout du pinceau. Il fallait aussi ne pas oublier qu’Achille n’était pas une femme pour en avoir pris l’habit ; il fallait lui serrer davantage les hanches et lui donner des cuisses et des jambes plus grêles et plus formées. Mais un défaut général de la composition, c’est que les figures mesurées à l’étendue immense de la toile sont de beaucoup trop petites et ressemblent à des fantochins. On croirait que c’est un morceau de paysage ou d’architecture dont le sujet historique n’est que l’accessoire. Déidamie est d’une indifférence la plus maussade, car elle ne savait que trop bien à quoi s’en tenir sur le sexe d’Achille ; elle est d’un froid tout à fait choquant. Le peintre l’a faite d’une grandeur démesurée, ce qui achève de rapetisser une figure qui est sur le devant et qui est déjà mesquine. On aurait pu dire à Hallé ce que l’on dit autrefois au pantomime qui jouait Agamemnon et qui pour le montrer grand se hissait sur la pointe de ses pieds. Et puis nul style dans ce tableau. Vous me demanderez peut-être ce que j’entends par le style en peinture. Voilà une question bien imprudente pour un homme qui m’a recommandé d’être court ; mais rassurez-vous, vous en serez quitte pour la peur. Le style, dans un sujet sacré ou profane, historique ou fabuleux, consiste à trouver des physionomies, des caractères de tête, des vêtements analogues aux mœurs, aux coutumes, aux usages du temps.
Le style ne consiste-t-il pas plutôt dans la manière et dans la grandeur du dessin ? Ses principes ne sont-ils pas posés sur une convention tacite qui varie suivant les écoles et suivant les différentes méthodes adoptées par ces écoles ?
Le tableau de Hallé est trop également éclairé ; ses draperies, d’une même étoffe, se disputent entre elles. J’aurais souhaité des masses d’ombre plus étendues et plus fermes, des airs de tête plus grands, des draperies plus variées. Son dessin est mou et maniéré. Ses arbres sont bleus ; le vert et le bleu poussent à travers toutes ses couleurs. Pour des pieds et des mains, en qualité de peintre d’histoire, il a trouvé au-dessous de lui d’en faire. L’Académie devrait bien, par un bon règlement ad hoc, ordonner à ses peintres d’histoire de faire des pieds et des mains, s’ils en savent faire, ou d’apprendre à en faire, s’ils ne le savent pas. » (Salon de 1769, CFL  VIII  403-5)

Annotations :

1. Signé et daté « hallé 1769 ».

2. Commandé par les Bâtiments pour être exécuté à la tapisserie pour la Tenture des dieux.
Envoyé à Limoges en 1872 ; entre au musée municipal de Limoges en 1963.

3. Deux esquisses, dont une conservée à Karsruhe. Voir lien.
Tapisserie exécutée à Bruxelles vers 1775 par Franz van der Borght. Appartient à la ville de Paris, localisation actuelle inconnue.

Composition de l'image :
Scène (espace vague/espace restreint)
Objets :
Trône, siège de commandement
Tapis, draperie au sol
Statue
La scène a un public
Fontaine
Chien
Balustrade
Sources textuelles :
Ovide, Métamorphoses, 13 (Achille/Polyxène/Acis&Galatée)
vv. 162-170
Stace, Publius Papinius Statius (vers 45-96)
Achilléide, II, 382sq.

Informations techniques

Notice #001040

Image HD

Identifiant historique :
A0359
Traitement de l'image :
Scanner
Localisation de la reproduction :
Paris, Bibliothèque de l’École normale supérieure
Bibliographie :
Nicole Willk-Brocard, Une dynastie. Les Hallé, Arthéna, 1995
n° N116, p. 430
Diderot, Salons de 1767-69, éd. Bukdahl, Delon, Lorenceau, Hermann, 1990
Texte p. 582