Le vieillard et ses enfants (La Fontaine, Desaint et Saillant, 1755) - Oudry
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Analyse
Toute puissance est faible, Ă moins que dâĂȘtre unie :
Ecoutez lĂ -dessus lâesclave de Phrygie.
Si jâajoute du mien Ă son invention,
Câest pour peindre nos mĆurs, et non point par envie ;
Je suis trop au-dessous de cette ambition.
PhÚdre enchérit souvent par un motif de gloire ;
Pour moi, de tels pensers me seraient malséants.
Mais venons Ă la fable, ou plutĂŽt Ă lâhistoire
De celui qui tĂącha dâunir tous ses Enfants.
Un Vieillard prĂȘt dâaller oĂč la mort lâappelait :
Mes chers enfants, dit-il (Ă ses Fils il parlait),
Voyez si vous romprez ces dards liés ensemble ;
Je vous expliquerai le nĆud qui les assemble.
LâAĂźnĂ© les ayant pris et fait tous ses efforts,
âšLes rendit, en disant : Je le donne aux plus forts.âš
Un second lui succĂšde, et se met en posture,âš
Mais en vain. Un Cadet tente aussi lâaventure.âš
Tous perdirent leur temps, le faisceau résista :
De ces dards joints ensemble un seul ne sâĂ©clata.
Faibles gens ! dit le pĂšre, il faut que je vous montre
Ce que ma force peut en semblable rencontre.
On crut quâil se moquait, on sourit, mais Ă tort.
Il sépare les dards, et les rompt sans effort.
Vous voyez, reprit-il, lâeffet de la concorde.
Soyez joints, mes Enfants, que lâamour vous accorde.
Tant que dura son mal, il nâeut autre discours.
Enfin, se sentant prĂȘt de terminer ses jours :
Mes chers Enfants, dit-il, je vais oĂč sont nos pĂšres.
Adieu, promettez-moi de vivre comme FrĂšres ;
Que jâobtienne de vous cette grĂące en mourant.
Chacun de ses trois Fils lâen assure en pleurant.
Il prend Ă tous les mains ; il meurt ; et les trois FrĂšres
Trouvent un bien fort grand, mais fort mĂȘlĂ© dâaffaires.
Un Créancier saisit, un Voisin fait procÚs :
Dâabord notre trio sâen tire avec succĂšs.
Leur amitiĂ© fut courte,  autant quâelle Ă©tait rare.
Le sang les avait joints, lâintĂ©rĂȘt les sĂ©pare.
Lâambition, lâenvie, avec les Consultants,
Dans la succession entrent en mĂȘme temps.
On en vient au partage, on conteste, on chicane.
Le Juge sur cent points tour Ă tour les condamne.
Créanciers et Voisins reviennent aussitÎt ;
Ceux-là sur une erreur, ceux-ci sur un défaut.
Les FrĂšres dĂ©sunis sont tous dâavis contraire ;
Lâun veut sâaccommoder, lââautre nâen veut rien faire.
Tous perdirent leur bien, et voulurent trop tard
Profiter de ces dards unis et pris Ă part.
1. SignĂ© sous lâimage Ă gauche « J. B. Oudry inv. », Ă droite « NoĂ«l Le Mire Sculp. »
Légende dans le cartouche, « LE VIELLARD ET SES ENFANS. Fable LXXVIII. »
2. Fables choisies mises en versâŠ, tome second.
Informations techniques
Notice #012691