Rites funéraires (More, Utopie, 1715)
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Analyse
« Quand donc, les Utopiens voïent mourir un Compatriote en desesperé, cela leur fait horreur. Le Malade a-t-il rendu le dernier soufle ; a-t-il passé d ela condition de mortel à celle d’immortel ; enfin, de malade est il devenu défunt ? On le porte à la Sépulture ; mais en grand silence, avec des faces mornes, sombres ; enfin, avec une tristesse qui fait pitié. On fait la priére : on demande fervemment à Dieu, que par sa bonté infinie, il lui plaise faire misericorde à un Pecheur qui n’a mérité que les terribles effets de sa Justice & de sa Vangeance. Ensuite, on jette force terre sur le Cadavre, qui, en effet, ne cherche pas un autre domicile ; & puis le Convoi se retire, aussi dolent qu’il étoit venu.
Au contraire : quand un Citoïen meurt gaîment, & plein de bonne esperance, c’est une fortune pour lui. Cet heureux Mort n’a point le chagrin de se voir pleurer ; on croiroit lui faire affront, on croiroit insulter à sa gloire, si on répandoit des larmes à son sujet. Tant s’en faut : ses funerailles, ses obsèques sont les plus réjouïssantes, sont les plus joïeuses du Monde : on y rit, on y chante ; & même, je ne me souviens pas bien si on n’y danse point. Le Corps étant porté au bucher, les Assistans lèvent les bras au Ciel, & le suplient, du fond du Cœur, de voulor bien accorder, à la bonne & honnête Ame du Défunt, une béatitude proportionnée à son mérite, & qui aille, même, beaucoup au delà . Cette Cérémonie achevée, on brule ce bienheureux trépassé ; & cette fonction funèbre s’exécute avec autant de respect & de révérence, qu’il y a peu de douleur. Dans l’endroit du brulement, on érige une Colonne sur laquelle les hauts faits, les vertus, les tîtres & les dignitez du Seigneur Mort, sont artistement gravez, ou sculpturez. »
Informations techniques
Notice #012735