Fantaisies de la Durand avec Juliette (Juliette, VI, fig. 51)

Juliette, qui est en Italie, se trouve à Ancône. Elle n'est pas loin de la fin de son récit et de l’apogée de sa domination sur la hiérarchie sociale sadienne. Pour atteindre ce sommet, elle doit se séparer au fur et à mesure de toutes les personnes qui l'ont éduquée et guidée, et qui ont même été ses plus chères amies. Après avoir quitté Naples, elle a tué avec l'aide de Clairwil sa compagne Olympe ; elles ont ensuite trahi et fait envoyer en prison Charlotte, la femme du roi de Naples Ferdinand ; et enfin Juliette a fini par empoisonner Clairwil, en suivant les conseils de la sorcière la Durand. Celle-ci était jalouse de sa position privilégiée auprès de Juliette. Après s’en être débarrassée, elle devient la dernière amie de Juliette, celle qui la suivra jusqu’à la fin du roman. La scène d’orgie que représente la gravure illustre le serment d'amitié et d'amour que se promettent les deux femmes après le meurtre de Clairwil.

La Durand, avec son clitoris « long comme le doigt » (Sade, Œuvres III, Pléiade, p. 1116) prend Juliette, pendant qu'elle baise les fesses d'une femme et qu'elle en pollue une autre. Ces deux autres personnages, sûrement des servantes, ne sont pas présents dans le texte. L’une d’elles regarde d’ailleurs vers la droite, suggérant une porte de sortie de ce côté, tandis que la fenêtre, à gauche, ménage également une ouverture vers l'extérieur. La scène est donc prise entre deux extériorité, contrairement à la longue série de gravures figurant un espace confiné.

Le lit, dont les rideaux rappellent le tabernacle biblique, accueille la pyramide de jouissance, c'est-à-dire la célébration profanatrice et blasphématoire des saints mystères libertins. Devant le tabernacle libertin, la lumière pénètre par la gauche et le regard fuit vers la droite : l'illustrateur orchestre malicieusement un regard défilant devant un retable et parodiant la contemplation mystique.