Olympe précipitée dans le volcan (Juliette, VI, fig. 50)

Juliette, qui est en Italie, visite les environs de Naples avec ses amies Clairwil et Olympe. Elles se rendent près du Vésuve. C'est l'endroit que Juliette et Clairwil ont choisi pour assassiner Olympe, « une femme douce, aimante, emportée dans le plaisir, libertine par tempérament, pleine d'imagination, mais n'ayant jamais approfondi ses principes » (p. 1104-5) : chez Sade, on ne peut pratiquer longtemps le libertinage sans en adopter la doctrine, ou alors il faut mourir.
Une fois au sommet du volcan, Juliette et Clairwil révèlent leurs intentions à Olympe :

« “Garce, lui dîmes-nous, nous sommes lasses de toi ; nous ne t'avons fait venir ici que pour te perdre… Nous allons te précipiter toute vive dans les entrailles de ce volcan. — Oh, mes amies ! Qu'ai-je donc fait ? — Rien. Tu nous lasses, n'en est-ce point assez ?...” » (Sade, Œuvres III, Pléiade, p. 1101).

La gravure représente Juliette et Clairwil, habillées, traînant Olympe ligotée au bord du cratère. Olympe implore en vain ses deux compagnes : dans le texte, un chiffon enfoncé dans sa gorge la réduit au silence. Mais l'illustrateur a au contraire esthétisé le beau visage de l'infortunée. Le forfait va s'accomplir, mais rien n'est encore fait : le moment choisi précède la précipitation de la victime et la pollution de Clairwill et de Juliette tandis que le corps heurte les roches dans sa chute, pendant « plus de six minutes » (p. 1102). Au second plan sur la droite les vêtements d' Olympe font référence à un incident ultérieur : après qu'Olympe aura disparu dans le gouffre, le volcan crachera une pluie de pierre. Juliette prétend alors que le volcan réclame les vêtements de sa victime, que les deux femmes jettent dans le gouffre après en avoir ôté ses bijoux.

La scène d'Olympe précipitée est ainsi encadrée d'un côté, au premier plan à droite, par les habits de la victime, de l'autre, au fond ç gauche, par les fumeroles du volcan, un après et un avant, un regardant et un regardé, un phénomène de la nature et un tribut au surnaturel.

L'épisode est décisif dans la carrière de Juliette. Elle y fait la preuve qu'elle n'hésite pas à se séparer de ses plus intimes amies afin de jouir et de prendre leur place et leur fortune. Olympe, princesse de Borghèse, laisse en effet, simplement en bijoux, cent mille francs, dont les deux complices ne restitueront à la famille que trente mille (p. 1104). Plus tard, Juliette n'hésitera pas à faire subir le même sort à Clairwil pour définitivement se hisser au sommet de la pyramide humaine, dont la pyramide sexuelle est la figure.

Le ciel sombre et menaçant semble couronner les deux meurtrières.